Kaos, un parcours sur orbite

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 8 septembre 2006 - 1333 mots

Conforté par le contexte de Paris, centre mondial des arts premiers, Kaos, programmé du 14 au 17 septembre, joue la carte de la diversité en essayant de maintenir un bon niveau qualitatif.

La 5e édition de Kaos-Parcours des mondes espère améliorer encore son taux de fréquentation. Déjà autour du 20 juin, au moment de l’ouverture du Musée du quai Branly, un flot record de visiteurs a envahi les galeries d’art primitif du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Une poignée de marchands parisiens, rejoints par deux galeries belges, ont célébré l’événement en organisant de beaux accrochages thématiques. « Le quartier a connu une ébullition extraordinaire pendant une semaine. Une foule énorme – collectionneurs, amateurs, curieux et tous les conservateurs du monde entier – s’est déplacée. Du jamais vu ! », témoignent d’une même voix plusieurs exposants. L’intérêt suscité par les arts premiers à Paris déclenche même des vocations : les collectionneurs d’art moderne viendraient peu à peu à l’art tribal, si l’on en croie certains professionnels découvrant ces nouveaux acheteurs.
Une cinquantaine de galeries labellisées « Kaos », sans compter toutes les installations pirates plus nombreuses chaque année, attendent un public important du 14 au 17 septembre autour de l’axe de la rue de Seine. La manifestation précède en effet l’ouverture de la grande exposition inaugurale du Musée du quai Branly, « D’un regard, l’Autre », le 18 septembre.

Grosses pointures en pointillé
Kaos ne peut pourtant pas se reposer sur ses lauriers. La montée en puissance du secteur des arts primitifs à la Biennale des antiquaires (lire p. 20) lui ravit quatre piliers dont la présence à Kaos, à terme, pourrait se révéler plus ou moins symbolique. Bien que participant au parcours, Alain de Monbrison concentre ainsi ses efforts sur son stand du Grand Palais. De même, Lance Entwistle, grosse pointure internationale installée à Paris depuis l’an dernier, se réserve de « montrer les objets les plus importants à [ses] clients à la Biennale ». Sa galerie de la rue des Beaux-Arts sera dédiée aux objets africains et océaniens plus accessibles, dans une fourchette de prix allant de 10 000 à 100 000 euros. Bien qu’il en ait déjà vendu un certain nombre de pièces, Bernard Dulon conserve son exposition sur les arts du Cameroun en galerie tandis que la Biennale reste au centre de ses préoccupations de la rentrée. Enfin, autre exposant de la Biennale, la Galerie Ratton-Hourdé est la seule à innover avec une nouvelle présentation de plus de cent vingt objets Yoruba du Nigeria pour Kaos. « Il s’agit de l’intégralité de la collection de M. Trullu, un passionné depuis plus de trente ans d’art Yoruba, dont la statuaire très prisée chez les Anglo-Saxons est restée en partie méconnue en France », précise Daniel Hourdé. Les Yoruba étaient structurés en plusieurs royaumes. Leur vie religieuse était régentée par de nombreuses divinités et les sculpteurs étaient regroupés en ateliers qui comptaientdes maîtres reconnus tel Olowe Of Ise. La galerie montre notamment quatre statuettes
attribuées à cet artiste dont les sculptures ont battu des records de prix dans des ventes new-yorkaises. Elle présente aussi de grands masques monumentaux monoxyles utilisés dans le culte des ancêtres et magnifiant les guerriers les armes à la main ; des masques réalistes associés au culte de la fertilité de la société Gelede et dont les coiffures architecturées possèdent une facture extrêmement soignée ; des statuettes Ibedji commémorant la naissance des jumeaux et préservant leur souvenir s’ils venaient à disparaître, ou encore d’autres objets directement liés à la sorcellerie comme en témoigne leur patine de sang mêlé à divers volatiles.

Sculptures du Nigeria et bois du Pérou
Une dizaine d’expositions de qualité autour d’ensembles thématiques inédits retiendra particulièrement l’attention. Les arts du Nigeria seront à l’honneur sous plusieurs enseignes. Les galeries Alain Bovis (Paris) et Arte y Ritual (Madrid) exposent ensemble une importante sélection d’une trentaine d’objets du Nigeria de la collection personnelle de Jacques Kerchache. Cet ensemble comprend un avant de tambour Mbembe puissamment expressionniste, présenté en 1984 au MoMA (Museum of Modern Art) de New York dans le cadre de l’exposition « Le primitivisme dans l’art du XXe siècle »; une rare statue Tiv, probablement la plus belle et la plus ancienne connue, ainsi qu’une grande sculpture Mumuye. À la Galerie Flak, l’exposition sur les Mumuye – la première du genre entièrement consacrée à cette ethnie – se poursuit en hommage à Jacques Kerchache qui l’avait découverte à la fin des années 1960. Enfin, la galerie romaine Dandrieu Giovagnioni a réuni une sélection de rares sculptures africaines, masques et statues du Nigeria provenant de très importantes collections européennes et choisies pour la force et la beauté de leurs formes dans les cultures Idoma, Mama, Urhobo, Mumuyé, Afikpo, Jompré et Koro. Le coup de cœur de la galerie va en particulier à un rare couple Idoma de grandes dimensions (130 et 137 cm de hauteur), aux visages blancs et corps puissants. L’Afrique sera aussi représentée par un ensemble de dix masques du Haut-Cavally appartenant principalement aux tribus Dan et Kran, à la galerie l’Accrosonge, tandis que des pièces de Côte d’Ivoire seront à l’honneur à la galerie Maine Durieu. Notons encore, chez Albert Loeb, l’exposition d’objets maliens du Sogo Bo, « ou “sortie des animaux de chasse” en Bambara, la langue la plus usitée. Ce terme désigne des fêtes communément appelées “théâtre de marionnettes” qui affirment la primauté des masques animaux dans cette institution », souligne le galeriste.

S’ouvrir à l’Asie
Si aucune thématique ne lui est consacrée, l’art d’Océanie sera pourtant présent dans de nombreuses galeries du parcours. Stéphane Jacob, grand promoteur en France de l’art contemporain aborigène d’Australie, propose des toiles qui font écho au travail réalisé par plusieurs artistes aborigènes pour le Musée du quai Branly. Les arts des Amériques ne sont pas en reste. Outre la Galerie Mermoz, vouée aux civilisations de la Méso-Amérique et de l’Amérique du Sud, Johann Levy a rassemblé une centaine de sculptures en bois du Pérou précolombien, des peuples Mochica (100 avant J.-C.-850) jusqu’aux Incas (1440-1532) en passant par la grande culture Huari-Tiahuanaco, ou les Chancai, Chimu, Ica… Une vingtaine de poupées Kachina d’Amérique du Nord et quelques objets d’art eskimos seront par ailleurs à saisir dans le second espace de la Galerie Flak.
Plus timidement, l’Asie prend ses marques à Kaos. Angello Attilio Attili, de Parme (Italie), dévoile un panorama de l’art tribal d’Indonésie et d’Asie du Sud-Est. Serge Le Guennan & Stella Loebarth de la galerie S.L. se sont intéressés aux maquettes votives anciennes de maisons traditionnelles de la Thaïlande datant du début du XXe siècle. « Ces maisons des esprits ont enjambé les siècles jusqu’à nos jours. Ce sont des répliques miniatures de constructions réelles, que l’on place à proximité de celles-ci. Elles accueillent les “génies”, gardiens des sols, des champs, des arbres, que sont les Chao-Ti, et ainsi assurent [les habitants] de leur bienveillante protection », explique Serge Le Guennan.
Les organisateurs de Kaos accueillent désormais une cinquantaine de participants. Ils ont reçu cette année de nouvelles demandes de galeries européennes, principalement belges et italiennes, ainsi que de quelques marchands asiatiques susceptibles d’entrer à Kaos. « Nous aimerions que l’art asiatique soit plus présent dans l’édition prochaine. Il y a un rééquilibrage à faire de ce côté, mais pas au détriment de la qualité, lance Nathalie Amae, codirectrice de Kaos. Nous voudrions aussi donner à Kaos une nouvelle impulsion en l’ouvrant à l’archéologie, en particulier au Proche-Orient. » Quelles que soient les directions prises, elles devront respecter la charte qualité fixée dès le lancement de la manifestation. Par le passé, nombre de salons et autres événements commerciaux ont connu le déclin à cause d’un manque de rigueur. Porté pas son élan d’enthousiasme, Kaos devra rester attentif aux clés qui ont fait son succès.

KAOS

- Organisation : Rik Gadella et Nathalie Amae - Nombre d’exposants : 53 - Spécialités : arts d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Océanie - Localisation : rue des Beaux-Arts, rue Guénégaud, rue Jacques-Callot, rue Mazarine, rue de Seine, rue Visconti, quai des Grands-Augustins, quai Malaquais

KAOS–PARCOURS DES MONDES

Arts d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Océanie, du 14 au 17 septembre, 11h-19h, nocturne le 15 septembre jusqu’à 22 heures (vernissage le 13 septembre à partir 18 heures), quartier de Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris. Accueil à la galerie La Grande Masse des Beaux-Arts, 1, rue Jacques-Callot, 75006 Paris, rens. 01 42 72 05 33, www.par cours-des-mondes.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°242 du 8 septembre 2006, avec le titre suivant : Kaos, un parcours sur orbite

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