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Jean-Marc Salomon : « Le nouveau lieu, une façon de vivre avec ma collection »

Président de la Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 5 mai 2014 - 1297 mots

Jean-Marc Salomon s’explique sur les mutations de la Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon.

Jean-Marc Salomon a créé en 2001 avec son épouse Claudine une fondation destinée à promouvoir la création contemporaine sous la forme, notamment, d’expositions présentées dans le château d’Arenthon en Haute-Savoie. Il a fermé le lieu en 2013 et s’en explique en exclusivité dans le Journal des Arts.

Pourquoi avez-vous fermé la Fondation en septembre dernier ?
Nous avons effectivement fermé le lieu d’exposition au château d’Arenthon à Alex, près d’Annecy, mais la Fondation, elle, n’a pas fermé, elle poursuit ses activités, sous une forme plus légère, en particulier financièrement. Nous avons décidé de fermer et mettre en vente le site d’Alex car j’ai quatre enfants, dont aucun n’a vraiment d’appétence pour me succéder et je ne veux pas leur imposer un fardeau financier. Ce lieu me coûtait environ 500 000 euros par an, soit la presque totalité de son budget, car les recettes ne couvraient que 10 % à 12 % du budget total. Je ne vous cacherai pas que l’instabilité fiscale en France a aussi joué dans cette décision.

Quel bilan tirez-vous des activités de la Fondation à Alex depuis 2001 ?
Un bilan très positif et enthousiasmant. Nous avons organisé 25 expositions qui ont accueilli 150 000 visiteurs, ce qui est remarquable compte tenu de l’isolement du lieu. Il est vrai que nous présentions des artistes connus : Gilbert & George, Paul Rebeyrolle, Marc Desgrandchamps… La Fondation était soutenue par une association d’amis, forte de 200 à 300 personnes très motivées. J’ai le sentiment que, après ces onze ans d’activité, les gens sont plus ouverts qu’on ne le croit à l’art contemporain, pour peu qu’on leur donne les clefs d’accès ! Je vais continuer à faire vivre ce noyau des Amis en organisant des conférences et visites d’exposition.

Aviez-vous reçu le soutien de la commune d’Alex ?
Non, je ne recevais aucune aide financière du village d’Alex, à qui je ne demandais rien non plus. Mais ils nous ont aidés dans la mesure de leurs capacités. J’ai toujours eu une écoute attentive de la part de Bernard Accoyer, l’ancien président de l’Assemblée nationale et actuel député maire d’Annecy-le-Vieux, très sensible à l’art contemporain.

Comment vont donc se poursuivre les activités de la Fondation ?
Nous avons créé un lieu d’exposition (qui n’a pas encore de nom) à Annecy dans un bâtiment qui fut à la fois le premier atelier de l’entreprise familiale et ma maison natale. Ce lieu, d’une superficie d’environ 200 m², sera ouvert uniquement sur rendez-vous pour des groupes et j’y exposerai ma collection personnelle. Mais je compte aussi le mettre à disposition d’autres structures, telles l’École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy. Je vais m’investir davantage dans la vie quotidienne de la Fondation. Nous avons déjà verni une exposition réunissant quatre artistes femmes, l’occasion de nous ouvrir à un public plus jeune en organisant une fête avec des DJ – près de 200 personnes y ont assisté. C’est grâce à ce type d’événements que l’on peut augmenter notre audience.

Quel est le profil de votre collection, que vous allez ainsi davantage exposer ?
La collection n’a pas vraiment de ligne directrice, si ce n’est depuis quelques années un retour vers la peinture et le dessin. Je n’aime pas trop la photographie. Je m’intéresse plus facilement à des œuvres que je peux accrocher chez moi pour vivre avec, de sorte que je suis moins tourné vers les installations et vidéos. J’aime bien « épuiser une œuvre ». Le nouveau lieu est aussi une façon de vivre tous les jours avec ma collection.

Comment s’organise la vie culturelle à Annecy ?
Le maire d’Annecy, M. Jean-Luc Rigaut, et l’adjoint à la culture, M. Dominique Puthod, par ailleurs membre du conseil d’administration de la Fondation, sont très ouverts à la culture. Bonlieu est une scène nationale, le Musée-château organise des expositions d’art contemporain, le Festival du film d’animation a un rayonnement international ; de plus il existe un réseau très actif de lieux d’art contemporain au niveau du département. Et un projet ambitieux se dessine avec la transformation dans quelques années des 3 hectares des anciens haras, proches du centre-ville, en un lieu notamment à vocation culturelle, qui comprendra peut-être un centre d’art tourné vers l’art contemporain.

Quels sont vos autres projets ?
Nous allons aider au financement d’expositions et de publications régionales (par exemple la revue d’art et de littérature Hippocampe) en faisant en sorte que cette aide permette de réaliser un « plus » ou de débloquer le projet. Et puis notre grand projet, auquel je vais consacrer le plus de temps, c’est l’aide à la résidence d’artiste. La Fondation va créer un prix, le « Salomon Fondation Residency Award », qui va permettre à un artiste de résider six mois à l’International Studio & Curatorial Program (ISCP) à New York. C’est un lieu où les résidents bénéficient d’un atelier, mais aussi de visites de critiques d’art, commissaires d’exposition, etc. La Fondation versera en plus à l’artiste une allocation de 2 500 dollars [1 800 euros] par mois pour vivre et se loger, soit un budget mensuel total de 4 500 dollars en incluant la résidence à l’ISCP. Il n’aura pas d’obligation d’exposition à la fin de son séjour. Ce programme s’adresse à des artistes émergents francophones, sans limite d’âge, et l’artiste sera choisi par un jury de cinq membres en cours de constitution qui sera également chargé de proposer les candidats. La première résidence aura lieu en juin 2015 et l’annonce du lauréat sera faite en mars/avril 2015 à New York, car mon ambition est que ce prix soit plus connu à New York qu’à Paris.

Pourquoi New York ?
Parce que c’est toujours la capitale de l’art, par le nombre d’artistes, de grands collectionneurs, de grandes galeries… Et puis je connais un peu le milieu new-yorkais et je pourrai ainsi mettre en relation l’artiste avec les bonnes personnes, des critiques, d’autres artistes, des directeurs de centre d’art, etc. Ceci dit, Berlin est aussi une capitale de l’art et il est possible que dans le futur nous alternions entre ces deux villes.

Quelle est votre réflexion sur le rayonnement des artistes français à l’international ?
Je n’ai pas le sentiment que l’on voie plus les artistes français maintenant qu’il y a dix ans. Ils sont encore trop perçus comme des artistes soutenus par une petite « intelligentsia », que j’estime à 200-300 personnes, qui contrôle les instances de légitimation en France et qui défend un certain type d’art, un art qui repose plus sur un discours et la recherche intellectuelle que sur la forme et l’émotion. J’ai parfois le sentiment d’être un intrus dans ce milieu. C’est par ailleurs un système qui vit essentiellement de l’argent public et qui, de ce fait, augmente anormalement la cote des artistes français. Et puis ceux-ci ne sont pas assez tournés vers l’international, en raison peut-être des lacunes dans l’enseignement des langues en France.

Vous êtes un collectionneur important ; êtes-vous nombreux dans ce cas en France ?
Il n’y a pas beaucoup de collectionneurs en France, et en tout cas moins qu’en Allemagne. Cela vient du fait que l’État y est moins impliqué qu’en France, créant en quelque sorte un appel d’air pour des privés qui exposent leur collection. Cela vient aussi de l’enseignement des arts qui n’est pas assez développé dans notre pays. Nous sommes le dernier État au monde à avoir des inspecteurs du « bon goût » que sont ces inspecteurs de la création artistique. Certains conseillers dans les Drac [directions régionales des Affaires culturelles] orientent par leur subvention l’art en France. Et pourtant nous avons une des législations les plus favorables à l’art dans le monde, malgré l’ISF, qui m’a fait envisager de quitter la France.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°413 du 9 mai 2014, avec le titre suivant : Jean-Marc Salomon : « Le nouveau lieu, une façon de vivre avec ma collection »

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