Hervé Aaron : Une XXIe édition minimale dans sa décoration

Entretien avec Hervé Aaron, vice-président du SNA

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 13 septembre 2002 - 1489 mots

La XXIe Biennale des antiquaires est organisée par le Syndicat national
des antiquaires (SNA), lui-même créé
en 1901 et regroupant plus de quatre cents professionnels de haut niveau considérés comme les meilleurs antiquaires dans leurs spécialités respectives. Hervé Aaron, vice-président du syndicat, chargé
de la communication, revient dans cet entretien sur la Biennale, l’événement marquant de la rentrée à Paris.

De nombreux décorateurs se sont illustrés au cours de l’histoire de la Biennale en concevant son aménagement. Comment va se présenter l’habillage de lumière qu’a prévu Jacques Châtelet pour la XXIe édition de la manifestation ?
De par sa nature, un aménagement de lumière est une chose que l’on ne peut pas réaliser en maquette. Nous aurons donc la merveilleuse surprise le 16 septembre, trois jours avant l’ouverture de la manifestation, de découvrir ce que Jacques Châtelet a imaginé suivant notre cahier des charges. Il a prévu toute une batterie de projecteurs réglés par ordinateur. Le principe directeur de cette décoration de lumière est de trancher avec ce qui a été fait auparavant. Nous n’avons pas  voulu lancer un concours auprès des grands décorateurs parisiens, pour éviter des conflits d’intérêts. Cette Biennale est en sous-sol et notre souci était de le faire oublier aux gens en leur rendant la visite la plus agréable possible. Nous avons pensé qu’à travers la lumière, cela pourrait être idéal. Jacques Châtelet a prévu des murs extérieurs blancs, ceux des stands sont recouverts de tissus pastel, et les grands murs et les piliers, de tulle blanc. Les jeux de lumière seront non figuratifs et réglés sur des cycles de deux heures. Le “metteur en lumière” a aussi travaillé sur les quatre éléments : le feu, l’eau, la terre et l’air. Cet aménagement sera sans doute plus contemporain qu’auparavant puisqu’il n’y aura aucune décoration proprement dite. Cette Biennale sera minimale de par sa décoration.

La Biennale est plus courte cette année. Pourquoi ?
Cette décision a été prise à la demande des exposants. La durée des précédentes éditions était mal vécue et trop lourde, surtout pour les marchands étrangers. La Biennale n’est pas une petite foire de province où l’on peut se contenter d’envoyer un vendeur. Les antiquaires y ont toute leur équipe, leurs meilleurs objets face aux plus grands clients du monde. Il s’agit vraiment d’une seconde boutique que les marchands ouvrent temporairement. Quinze jours ou trois semaines – la durée de la Biennale il y a quelques années –, c’est impossible. Les exposants nous l’ont clairement dit. D’autre part, l’environnement a énormément changé, tout comme les habitudes des gens. Il y a vingt ans, la Biennale était une foire où l’on disait que les clients revenaient. C’était l’un des grands atouts de cette manifestation. C’est de moins en moins vrai. Les clients sont très occupés, et ils reviennent moins. La concentration dans le temps correspond davantage à la logique d’une foire. En outre, elle oblige les clients à se décider plus rapidement.

La manifestation accueille cette année davantage d’exposants étrangers, qui représentent à peu près un tiers de la totalité.
Cette présence est fondamentale dans la mesure où la Biennale des antiquaires est une foire qui se doit d’être de haute qualité, et donc de réunir dans cet espace limité qu’est le Carrousel du Louvre les meilleurs marchands dans le maximum de spécialités possibles. La Biennale n’est plus une foire syndicale franco-française. Elle représente le marché parisien, français. Mais elle essaie surtout d’inciter les gens à venir à Paris pour acheter des antiquités.

Quel équilibre souhaitez-vous entre les spécialités ?
Nous avons essayé d’atteindre un équilibre pour que la Biennale reste celle des antiquaires, mais qu’elle ne soit pas seulement la Biennale des antiquaires. Elle avait tendance à être une exposition des arts décoratifs français. Ceci doit évidement rester son ancrage. Mais nous estimons que nous devons représenter toutes les spécialités. Certaines sont cependant moins représentées que d’autres pour diverses raisons.

Les arts premiers sont revenus en force cette année. Est-ce délibéré ?
C’est un choix. Nous souhaitons faire revenir beaucoup de spécialités. Nous avons été plus heureux dans certaines que dans d’autres, comme l’archéologie. Il existe peu de marchands au monde spécialisés dans ce domaine, et ils n’aiment pas beaucoup participer à des foires. Pour les arts premiers, un groupe de marchands a décidé de participer et nous en sommes très contents. Sinon, nous avons toujours été très présents dans certaines disciplines comme les objets de curiosités ou militaires, et la numismatique.

Comment accueillez-vous tous les salons qui sont organisés simultanément à la Biennale, comme le Salon d’art tribal, la Biennale des arts asiatiques... ?
Nous n’en sommes pas spécialement contents, mais, en même temps, toutes les activités qui se déroulent autour de la Biennale prouvent qu’elle est un point d’ancrage de l’activité culturelle. C’est la preuve de son succès. Certains de nos collègues, d’ailleurs membres du syndicat, organisent aussi dans leur galerie des expositions au moment de la Biennale. Quelque part, je le regrette parce que je préférerais qu’ils exposent avec nous. L’exemple que je trouve admirable et fort sympathique est celui d’Axel Vervoordt, qui expose à la Biennale, mais qui a un stand qui ne lui correspond pas exactement. Il est antiquaire et décorateur et il a besoin d’espace pour montrer ce qu’il fait. Il estime qu’il ne l’a pas vraiment. Aussi, il a loué une péniche sur la Seine et il va y organiser une autre exposition. Pour moi, c’est l’idéal. Mais empêcher d’autres salons, il n’en est pas question.

La nouvelle foire qu’entend organiser le Syndicat national des antiquaires en septembre 2003 répond-elle à cette prolifération ?
Il est évident que l’on ne peut pas contrôler la prolifération des salons. Ce n’est pas notre rôle. Quand ces salons sont de mauvaise qualité, nous le déplorons, et c’est souvent le cas. Ces salons trompent les acheteurs avec un niveau d’expertise ridicule et des prix qui ne le sont pas. L’un des objectifs de créer un second salon est de sédimenter autour du Syndicat des antiquaires des marchands qui ne seront plus tentés par d’autres aventures moins bien organisées.

Cette prolifération de salons existe aussi au niveau international. Quelle place tient selon vous la Biennale face aux autres foires à l’étranger ?
La Biennale est un événement très spécifique. Il n’y a pas vraiment de concurrence entre la Biennale des antiquaires, Grosvenor House et Maastricht. Ce sont des marchés différents, des foires différentes avec des caractères différents. D’ici à quelques années, les foires cesseront de proliférer. Beaucoup de ces salons annexes de moindre qualité vont disparaître. Vont subsister trois ou quatre grandes foires en Europe.

Comment le marché de l’art réagit-il selon vous à la crise boursière actuelle ?
Nous avons ressenti une morosité durant les six premiers mois de l’année au niveau des galeries. Elle ne s’est pas encore totalement ressentie au niveau des ventes aux enchères, quoique tout ce qui était de qualité moyenne ait eu, depuis le printemps, beaucoup de mal à trouver preneur. La Biennale, qui est le premier événement de la rentrée, et en plus d’importance, avec beaucoup d’exposants, de galeries différentes, et nombre d’objets de qualité, sera un test important. Je ne sais pas du tout comment cela va se passer. Mais je pense que le marché de l’art ne restera pas insensible à ce krach latent. Il souffrira de la crise économique bien qu’il y ait, par moments, et pour certains types d’objets, un report des liquidités boursières. L’objet d’art est une valeur refuge, tangible, et surtout une valeur de plaisir. Pourquoi mettre son épargne dans des bouts de papier qui perdent de la valeur alors que l’on peut la mettre dans des objets qui n’en perdent pas et dont on profite ?

L’avenir de la Biennale est aussi lié à son lieu d’accueil. Suivez-vous avec intérêt l’évolution de la rénovation du Grand Palais ?
Nous avons été invité récemment à visiter le chantier. Il est évident que c’est pour nous un souci important, et que dès que nous pourrons nous réinstaller au Grand Palais, nous y retournerons avec le plus grand plaisir.

La Biennale assure en grande partie les finances du SNA. Quels sont aujourd’hui les axes de la politique du syndicat ?
Nous entendons en premier lieu défendre notre profession, au niveau du rapport avec le gouvernement et avec Bruxelles. À l’heure actuelle, nous menons surtout des initiatives pour tendre vers une harmonisation fiscale européenne, pour faire abandonner la TVA à l’importation par Bruxelles, pour changer le droit de suite, et nous poursuivons la bataille d’Unidroit. Nous essayons aussi d’harmoniser nos positions avec nos confrères britanniques puisque la France et la Grande-Bretagne sont les deux principaux marchés d’art actifs en Europe, tout au moins pour l’art ancien. Dans la logique de faire comprendre aux gens que les antiquaires ne sont pas des trafiquants mais des défenseurs du patrimoine, nous voulons aussi monter avec des administrations comme la police, la gendarmerie et Interpol, des bases de données sur les objets d’art volés pour que nos adhérents soient davantage sensibilisés à ces problèmes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°154 du 13 septembre 2002, avec le titre suivant : Hervé Aaron : Une XXIe édition minimale dans sa décoration

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