Feux croisés sur le patrimoine yougoslave

Le Journal des Arts

Le 30 avril 1999 - 421 mots

Si le sort des réfugiés kosovars reste la préoccupation principale des Occidentaux dans le conflit avec la Yougoslavie, des voix se sont élevées pour demander le respect de la Convention de La Haye de 1954. Plus que les bombardements de l’Otan, ce sont les destructions menées par les Serbes dans le cadre du nettoyage ethnique qui suscitent l’inquiétude.

PARIS. Alors que la purification ethnique au Kosovo se poursuit impitoyablement et que les bombardements de l’Otan sur la Yougoslavie ne cessent de s’intensifier, le Comité international du Bouclier bleu, composé de divers organismes comme l’Icom (Conseil international des musées), a lancé un appel aux parties en conflit afin que tout soit mis en œuvre “pour protéger musées, archives, monuments, bibliothèques et tout autre site qui sont les témoins de l’histoire des populations de cette région et constituent une preuve de leur identité”. Il a été relayé en Grèce par le ministre de la Culture, qui s’inquiète des éventuels dommages causés au monastère de Gracanica (XIVe siècle) dans le nord du Kosovo, mais aussi aux centres historiques de Pristina, Pec et Belgrade. Dans la guerre médiatique que se livrent l’Otan et la Serbie, cette dernière diffuse en effet, par l’intermédiaire de la commission yougoslave de l’Unesco, de nombreuses informations, qui restent à vérifier, sur les dégâts provoqués par les bombardements alliés à son patrimoine. L’architecture religieuse byzantine en constitue une des plus grandes richesses, à l’exemple des églises de Pec et de leurs fresques du XIIIe au XVIIe siècle. En revanche, on ne sait rien des probables exactions commises par l’armée et les milices serbes, mais le souvenir des guerres de Croatie et de Bosnie fait naître de légitimes inquiétudes pour les lieux de culte et autres monuments symboliques de la culture albanaise. Les Serbes, qui se posent aujourd’hui en victimes, avaient sans aucun scrupule détruit la bibliothèque de Sarajevo et pilonné la cité historique de Dubrovnik, en Croatie, sans parler de Vukovar. Les informations recueillies en Bosnie à l’issue de la guerre civile laissent craindre le pire pour le Kosovo. Dans l’acte d’accusation de Ratko Mladic et Radovan Karadzic, le Tribunal pénal international de La Haye relevait que les forces serbes en Bosnie avaient procédé à la “destruction systématique du patrimoine culturel musulman et catholique, et notamment des édifices sacrés” dans les territoires sous leur contrôle : 1 123 mosquées, 504 églises catholiques et 5 synagogues ont été endommagées ou détruites pour la seule Bosnie. L’essentiel l’a été en l’absence d’actions militaires ou après leur cessation, signe supplémentaire d’un désir d’éradication totale.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°82 du 30 avril 1999, avec le titre suivant : Feux croisés sur le patrimoine yougoslave

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