Excentrée et excentrique

Le projet d’Harald Szeemann pour la Biennale de Lyon

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 18 avril 1997 - 478 mots

Sur le thème délibérément flou de \"l’Autre\", la quatrième Biennale d’art contemporain de Lyon se tiendra à la Halle Tony Garnier du 9 juillet au 24 septembre. Harald Szeemann prépare une manifestation spectaculaire.

LYON - Depuis sa première édition en 1991, la Biennale de Lyon, placée sous la responsabilité de Thierry Raspail et Thierry Prat, se donne chaque fois un thème fédérateur. L’art en France, les utopies artistiques, les nouvelles technologies constituaient des lignes directrices facilement lisibles. Il n’en va pas de même avec celui qui a été retenu cette année : "l’Autre" est une notion philosophique et psychanalytique vaste, qui peut donner lieu à toutes les spéculations. À rebours des orientations de Jean Clair à la précédente Biennale de Venise, Thierry Raspail a souhaité préserver le caractère flou de ce thème et l’envisager comme une forme d’invitation à une réflexion libre. Il fallait alors qu’un "autre" commissaire puisse y répondre : le Suisse Harald Szeemann, reconnu tout autant pour des expositions comme "Quand les attitudes deviennent formes" à Berne en 1969, ou la Documenta V de Cassel en 1972, que pour sa vision singulière et irrégulière de l’art d’aujourd’hui.

Un nouvel enthousiasme
L’Autre exprime avant tout, en allemand, un rapport d’étrangeté et de changement, non seulement vis-à-vis des êtres mais aussi des choses et des œuvres. Ce qui fait dire à Harald Szeemann que, pour lui, l’Autre c’est d’abord la Halle Tony Garnier, avec son architecture spectaculaire qui en fait l’un des espaces d’exposition les plus vastes au monde. Renonçant d’emblée à toute espèce de discours théorique, il veut investir pragmatiquement la dimension physique de cet espace pour y déployer les œuvres souvent monumentales d’une soixantaine d’artistes. Si, à Venise et Cassel, prévaut un souci d’information et d’articulation théorique, le commissaire de la Biennale de Lyon veut tourner le dos au modèle dix-neuviémiste du Salon. Il s’agit à la fois de "mettre les œuvres à l’épreuve dans un espace aussi peu contraignant que possible", et "renonçant au style comme au goût, qui sont si centraux dans l’approche française de l’art, d’en finir avec le cynisme des années passées."

Car il y aurait à nouveau, selon lui, une joie de créer qui présiderait à l’art contemporain, une façon positive qu’auraient les artistes d’envisager le monde qui contraste avec le pessimisme ambiant. On ne peut rendre compte de cet aspect essentiel qu’en optant sans états d’âme pour un éclectisme qui privilégie les contrastes. Outre les artistes auxquels Szeemann est attaché, tels Richard Serra, Bruce Nau­man, Hanne Darboven, Chris Burden, seront aussi invitées des personnalités moins connues, comme le jeune Californien Jason Rhoades et Elisarion Von Kupffer, ou moins attendues comme Ugetto, régional de l’étape, ou le très narcissique Jeff Koons. Le projet peut a priori apparaître confus. Il est, en réalité, à l’image de son architecte : excentré et excentrique, ignorant de la nostalgie comme des catégories canoniques de l’histoire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°36 du 18 avril 1997, avec le titre suivant : Excentrée et excentrique

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