Art contemporain

Éviter le spectaculaire

Entretien avec Okwui Enwezor

Le credo d’Okwui Enwezor, directeur de la Documenta XI

Par Daniel Pinchbeck · Le Journal des Arts

Le 19 février 1999 - 530 mots

Okwui Enwezor vient d’être nommé commissaire de la prochaine Documenta de Cassel.

À trente-cinq ans, il est conservateur adjoint du département d’art contemporain de l’Art Institute de Chicago, fondateur et éditeur de Nka : Journal of Contemporary African Art. Il a également été le directeur artistique de la controversée deuxième Biennale de Johannesburg, en 1997. Il a édité, en association avec Olu Oguibe, Reading the Contemporary : African Art from Theory to the Marketplace. Okwui Enwezor travaille actuellement sur différents projets d’expositions, dont « The Short Century » au Museum Villa Stuck, à Munich, « Mirror’s Edge » au BildMuseet de Umeå, en Suède, et à une rétrospective consacrée à l’œuvre photographique de David Goldblatt, de 1948 à nos jours. Il s’exprime ici sur son expérience de Johannesburg, sur ses stratégies en matière de commissariat d’expositions, et présente ses projets pour la prochaine Documenta.

Où en êtes-vous dans l’organisation de la Documenta XI ? Pensez-vous déjà à certains artistes, à certaines tendances que vous souhaiteriez présenter ?
La Documenta XI est toujours en gestation. Chaque décision est liée à la possibilité, pour l’art, d’être libre et engagé dans son époque. Actuellement, je m’intéresse aux prises de position individuelles, aux échanges entre les disciplines, les villes, les artistes et les idées. Je crois profondément aux qualités intimistes d’une exposition, même si les salles sont bondées.

Quels enseignements tirez-vous de la Biennale sud-africaine ?
Étant donné la complexité de la situation et le passé de l’Afrique du Sud, organiser un événement international de l’envergure de la Biennale de Johannesburg était un défi, mais aussi une expérience enrichissante. Le contexte difficile de la mise en place de l’exposition a fait évoluer tous ceux qui ont pris part au projet. Quant à savoir comment les œuvres africaines entraient en relation avec les autres pièces, en tant qu’Africain, je ne me réveille pas le matin en pensant que j’incarne une notion particulière de l’univers africain. En ce qui concerne l’accueil réservé à l’exposition, nous ne voulions pas choisir des solutions de facilité, et nous ne voyions pas l’intérêt de nous plier à certaines attentes pour proposer un art contemporain facilement consommable. Nous avions pour unique objectif de permettre au public de se confronter à ses peurs, à ses doutes, à ses expériences et à la politique. La Biennale de Johannesburg était tellement complexe que je n’ai moi-même pas encore complètement assimilé sa portée, et pourtant je l’ai conçue. Cela peut sembler présomptueux, mais mon idée maîtresse, pour cette deuxième édition, était de déterminer si l’on pouvait réinventer le concept de biennale en tant qu’exposition internationale, et de savoir comment organiser une exposition mondiale de grande échelle sans tomber dans le spectaculaire.

Quelles sont les meilleures expositions que vous avez vues récemment ? Quelles tendances aimeriez-vous mettre en valeur à la Documenta XI ?
J’ai été enthousiasmé par l’exposition Jackson Pollock au MoMA, à New York. “Unfinished History” de Francesco Bonami, au Walker Art Center de Minneapolis, et Raymond Pettibon à la Renaissance Society étaient de véritables bouffés d’oxygène. Je m’intéresse beaucoup aux utopies architecturales de Bodys Isek Kingelez, et aux mondes migratoires de Georges Adeagbo. Gregor Schneider est également un artiste dont les projets m’intriguent.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°77 du 19 février 1999, avec le titre suivant : Entretien avec Okwui Enwezor

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