École d'art

Écoles d’art recherchent directeur/trice

Par Mathieu Oui · Le Journal des Arts

Le 24 octobre 2019 - 1013 mots

Le processus de nomination des directeurs d’école d’art soulève à nouveau la question de la transparence du recrutement dans la recherche difficile du candidat idéal.

Le nouveau bâtiment de l'ENSP. © RSI Studio pour Marc Barani
Le nouveau bâtiment de l'ENSP réalisé par Marc Barani , avec en arrière-plan la tour de la fondation Luma de Frank Gehry
© RSI Studio pour Marc Barani

France. Comme à l’Université, les écoles d’art connaissent pour toute rentrée une vague de nouvelles directions. Élément notable cette année, sur les huit nominations annoncées dans le courant de l’été, quatre sont des femmes. Toutes ont été nommées à la tête d’écoles nationales : Marta Gili à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, Estelle Pagès à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, Christelle Kirchstetter à l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy, et enfin Corinne Diserens à l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy (ENSAPC). Cette série de nominations paraît entériner la volonté du ministère de la Culture, qui prône un rééquilibrage paritaire au sein de ces établissements. En avril 2019, Franck Riester s’était en effet engagé à ce que la moitié des postes de direction exécutive d’établissement publics placés sous sa tutelle soient attribués à des femmes.

Si la proportion de directrices en école d’art semble s’établir autour de 40 %, le feuilleton estival autour de la future direction de l’École nationale supérieure de création industrielle (Ensci) apparaît comme une entorse à cet engagement ministériel. Sur les trois candidats sélectionnés à l’issue de la procédure de recrutement et auditionnés par le jury, c’est le candidat classé troisième par le conseil d’administration (4 voix sur 13) qui avait la faveur du ministère, devant la candidate classée première (11 voix sur 13). Plusieurs courriers, émanant des étudiants et du personnel, ont été adressés aux ministères de tutelle (Culture et Industrie) durant l’été pour protester contre la volonté de passer en force, sans respecter le travail et l’avis des membres du conseil. Une manifestation a même été organisée le 24 septembre devant la direction générale de la Création artistique par un groupe d’étudiants dénonçant cette « nomination arbitraire ». Au-delà d’un problème de double discours, l’incident soulève la question du manque de transparence de ces nominations, déjà pointée dans le passé. Faute d’éléments précis fixés par la loi, la procédure relève de l’usage et peut varier d’une situation à l’autre. Pour les écoles organisées en établissement public de coopération culturelle (EPCC), la loi du 22 juin 2006 précise que le directeur est nommé par le président du conseil d’administration sur proposition de ce conseil. Concernant les écoles nationales en régions, leur direction est nommée par arrêté du ministre de la Culture, après avis du conseil d’administration. Quant aux écoles nationales parisiennes (Beaux-Arts de Paris, Ensad [École nationale supérieure des arts décoratifs], Ensci), le/la directeur/trice est nommé/ée par décret du président de la République, sur avis du ministre de la Culture.

Une méthodologie claire

En septembre 2015, à l’issue de dix-huit mois de travail, l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANdEA) a publié une charte des bonnes pratiques sur le recrutement des directeurs. Elle contient notamment une procédure de recrutement type et un référentiel métier. L’objectif est de disposer d’une « méthodologie claire, indiscutable et opposable », sous la forme d’un règlement intérieur voté par le conseil d’administration de l’établissement. Le texte prévoit que le classement des candidats préférés établi par le conseil d’administration après avis du jury soit voté par la majorité des deux tiers de ses membres. Ce jury est composé du président de l’établissement, de membres du conseil d’administration, d’un professeur et de personnes extérieures qualifiées (artistes, professionnels de l’art contemporain…). « Depuis la publication de cette charte, plusieurs écoles ont suivi ce protocole à la lettre », estime Stéphane Sauzedde, directeur de l’École supérieure d’arts Annecy-Alpes et coprésident de l’ANdEA.

Un jeu de chaises musicales

Ces recrutements laissent peu de place à des profils venus de l’extérieur. Du fait de la difficulté à trouver le candidat idéal, ils tendent à fonctionner sur le modèle du jeu des chaises musicales, C’est ainsi que les quatre nouveaux directeurs nommés cet été dans les écoles territoriales sont tous issus d’écoles d’art (1). Et, faute de trouver des profils adéquats, plusieurs postes de direction se retrouvent régulièrement assurés par une personne en intérim durant de longs mois, voire des années. Pour remplacer le directeur général de l’école de Tours-Angers-Le Mans (Talm) qui part en retraite à la fin de l’année, il a fallu organiser deux appels à candidatures successifs, le premier étant resté infructueux faute de postulants. « On recherche des personnes qui soient à la fois de bon manageurs, qui aient des notions de pédagogie tout en étant crédibles sur le plan artistique », résume Alain Fouquet, président du conseil d’administration. Pour Talm, la nouvelle directrice générale est recrutée sur un salaire de 4 500 euros brut ; elle bénéficiera d’une voiture de fonction.

Stéphane Sauzedde relève enfin l’absence de formation existante pour diriger un établissement d’enseignement supérieur, ce qui peut constituer un handicap pour des profils extérieurs. « Il faudrait l’équivalent d’un ENA pour accompagner les nouveaux directeurs d’EPCC sur l’ensemble des responsabilités qui les attendent », conclut le directeur de l’école d’Annecy.

(1) Emmanuel Guez nommé à l’École supérieure d’art d’Orléans, Emmanuel Hermange à celle de Clermont-Métropole, Yann Mazéas à l’École supérieure des beaux-arts de Montpellier et Marc Monjou à l’École européenne supérieure de l’image, Angoulême-Poitiers.

Le cas de l’Ensci-Les ateliers  

SALAIRE. « C’est un métier d’équilibriste et peu attractif financièrement en regard des attentes et des responsabilités », déplore Yann Fabès, qui a claqué la porte de l’Ensci début 2019. Désormais à la tête des Ateliers de Sèvres à Paris, l’ancien directeur ne cache pas qu’il a jeté l’éponge pour des raisons de salaire. « Quand j’ai été recruté en 2016 par le ministère à la tête de l’Ensci, je dirigeais l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne. Ma famille étant restée là-bas, j’ai dû prendre un deuxième logement à Paris et j’avais tous les mois des frais de transport. Lors du recrutement, mes prétentions salariales n’ont pas été acceptées par Bercy, mais j’espérais une réévaluation. Lors de mon renouvellement de contrat, la négociation était en bonne voie avec le ministère de tutelle, mais au bout de quinze jours, ma demande d’augmentation a été rabotée et j’ai vu rouge. J’ai quitté l’Ensci à contrecœur. »

 

Mathieu Oui

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°531 du 18 octobre 2019, avec le titre suivant : Écoles d’art recherchent directeur/trice

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