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ENSEIGNEMENT

École d’art cherche directeur désespérément

Aix, Avignon, Reims… Depuis huit mois, plusieurs écoles supérieures d’art ont reporté le recrutement de leur futur directeur, faute de candidat jugé à la hauteur.

N’est-il pas glorieux de diriger une grande école, encadrer une trentaine de professeurs, artistes et théoriciens, accompagnant 150 étudiants en quête de licences et de masters, tout en incarnant l’avant-garde artistique d’un territoire ? Peut-on rêver meilleur compromis entre cadre de vie et intérêt de la mission, quand diriger une école d’art s’inscrit généralement au centre d’une belle ville de province, dans un bâtiment souvent classé, avec pour mission de faire éclore les talents de demain ?

Si l’on en croit les difficultés de plusieurs écoles supérieures d’art à recruter leur directeur cette année, le poste ne serait plus aussi séduisant qu’avant. À Aix-en-Provence, Jean-Paul Ponthot, directeur depuis dix-huit ans, avait annoncé son départ en début d’année, mais l’a repoussé depuis. Cette école à taille humaine (140 étudiants) espérait un processus de recrutement rapide, au début du printemps, mais sur les quinze candidatures reçues, aucune n’a satisfait le conseil d’administration. Au même moment à Reims, aucun des trois finalistes (sur douze candidats seulement) n’a été jugé digne de remplacer Claire Peillod, partie début 2017 diriger l’École supérieure d’art et de design de Saint-Étienne. Le directeur par intérim a été prolongé. Comme Aix-en-Provence, Reims, pourtant riche, possède un tissu culturel et patrimonial important. La section design est même reconnue, malgré la taille de l’établissement. D’autres intérims se poursuivent, comme à Dunkerque-Tourcoing, en attente d’une possible fusion des écoles du Nord-Pas-de-Calais. À Toulouse, le départ soudain d’Anne Dallant en juin laisse l’école sans directeur pour la rentrée.

Récemment, seuls les Beaux-Arts de Marseille ont trouvé chaussure à leur pied en recrutant Pierre Oudart, détaché de la direction générale de la création artistique. Mais avec seulement quatre finalistes sur vingt projets reçus, même l’importante école phocéenne n’a pas réussi à susciter le nombre de candidatures escompté.

Enfin, le cas d’Avignon est encore différent : enfoncée dans une crise depuis 2012 (voir JdA no460, juin 2016), l’école est sans directeur depuis un an et demi et le départ de Dominique Boulard, son court mandat contesté faisant lui-même suite à deux années sans direction (de 2012 à 2014). De longs mois plus tard, la municipalité a enfin relancé un recrutement. Les candidatures étaient attendues avant le 30 juin.
 

Le changement de statut hausse le profil requis

Outre les coïncidences entre retraites, fins de mandat et démission, ayant créé une concurrence soudaine entre trois villes voisines (Marseille, Aix et Avignon), il existe, selon les enseignants, directeurs et même présidents interrogés, des raisons structurelles à cette relative désaffection. Elles tiennent toutes, peu ou prou, au passage des écoles au statut d’établissement public de coopération culturelle (EPCC).

En dotant chaque école d’une autonomie administrative et financière, la réforme a changé les compétences demandées. « Nous cherchons quelqu’un qui sache coordonner une équipe d’enseignants, qui soit à l’écoute des élèves et des projets, avec des capacités de gestion et qui ait une vision artistique à imprimer à l’école », explique Sophie Joissains, vice-présidente (UDI) du conseil régional, adjointe au maire d’Aix-en-Provence et présidente de l’EPCC de l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence. Une équation délicate qu’Emmanuel Tibloux, directeur des Beaux-Arts de Lyon et président de l’Association nationale des écoles d’art (ANdEA), résume ainsi : « On est à la recherche de profils généralistes paradoxalement atypiques, parce que la professionnalisation [que connaissent les écoles d’art, ndlr] va d’ordinaire dans le sens d’une spécialisation. » D’autres directeurs suggèrent que le climat social, suite aux restrictions budgétaires des collectivités, peut aussi peser sur le moral et doucher les enthousiasmes.
 

Une dimension politique

Pour Kader Mokaddem, président de la coordination des enseignants d’écoles d’art (CNEEA), le problème est davantage politique, en ce que le président du conseil d’administration émane désormais toujours de la collectivité de tutelle. « L’EPCC a fait de l’école un outil pour répondre à l’agenda politique du président, et non plus à un agenda pédagogique, dans une logique d’enseignement supérieur autonome ». Dans les faits, les contextes sont très différents selon les écoles : certaines métropoles (souvent aisées) exercent une supervision bienveillante au sein du conseil d’administration et le directeur est libre de mettre en place son projet. Ailleurs, la charge de l’école est parfois vécue par la collectivité comme une nouvelle ligne budgétaire héritée d’une réforme non désirée, et imposant une compétence inédite et non acquise, sur l’enseignement supérieur.

Que la collectivité soit bienveillante ou réticente, le poste implique une confrontation nouvelle au politique. À Reims, le futur directeur passera devant un jury composé entre autres du maire (LR) Arnaud Robinet et de Catherine Vautrin, présidente (LR) du Grand Reims. Un petit choc entre un poste anciennement dévolu à un artiste ou à un professeur montant en grade, et des poids lourds politiques à l’échelle nationale.

 

Marseille est l'une des rares écoles à avoir trouvé son nouveau directeur en la personne de Pierre Oudart, précédemment directeur général des arts plastiques au ministère de la Culture, photo : Baptiste Lavenne

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : École d’art cherche directeur désespérément

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