Mécénat

Des particuliers encore timides

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 6 janvier 2006 - 854 mots

Les personnes privées sont incitées aux libéralités grâce aux nouvelles mesures fiscales. Mais leur engagement en faveur de la culture demeure limité.

D'après les statistiques de la chambre des notaires, plus de 150 millions d’euros seraient dépensés chaque année par des particuliers pour des actions de mécénat. Depuis la loi d’août 2003, ces derniers bénéficient en effet de 66 % d’exonération du montant de leur don, dans la limite de 20 % de leur revenu imposable, cette mesure échappant au plafonnement des « niches fiscales ». Aussi incitatives soient-elles, ces dispositions ont-elles eu un effet tangible ? Si les avocats fiscalistes et les banquiers d’affaires, conseils des particuliers dans ce domaine, témoignent à l’unisson d’une relance de l’intérêt pour le mécénat, l’arrivée des particuliers sur des terrains où on ne les attendait pas vient aussi conforter ce constat d’un frémissement.
Lancée en 2005 par le château de Versailles, l’opération « Adoptez une statue du parc », qui s’adressait au départ aux petites et moyennes entreprises (PME) (lire p. 17), a trouvé un écho auprès de personnes privées, parfois porteuses d’histoires personnelles. Ainsi de M. Vandalle, qui a souhaité apporter sa contribution à l’opération, destinée à restaurer des sculptures du parc du château, en hommage à son épouse, Claude, conservatrice des sculptures à Versailles, décédée en décembre 2004.
Rares étant en France les « grands mécènes » capables d’engager des sommes colossales, à l’instar d’un François Pinault ou de l’Agha Khan, l’engagement des particuliers pour le mécénat prend de fait des formes multiples. Il va du simple don en espèces, souvent fédéré par des sociétés d’Amis de musées, à la création de structures dédiées au mécénat, qu’il s’agisse d’associations ou de fondations. Une enquête lancée en 2001 par l’observatoire de la générosité publique de la Fondation de France soulignait ainsi que 60 % des fondations, tous secteurs confondus, étaient créées par des personnes physiques et 15 % par des familles. Mais si l’outil complexe qu’est la fondation reconnue d’utilité publique – dotée en capital contrairement à l’association – a été récemment assoupli (création pour une durée déterminée, apport du capital sur plusieurs années), la forte communication autour de la loi a parfois généré un décalage, comme a pu le constater Béatrice de Durfort, déléguée générale du Centre français des fondations. « Au cours des années 2003 et 2004, beaucoup de gens nous ont sollicités pour monter des projets, par exemple des propriétaires de châteaux qui ne parvenaient pas à s’en sortir. Nous leur avons expliqué qu’une fondation implique d’allouer de manière irrévocable et sur le long terme des actifs pour un projet spécifique à but non lucratif. Aujourd’hui, les demandes sont plus en adéquation avec l’outil. »

Idée de contreparties
Plus souple dans sa mise en œuvre, la création d’une association destinée à promouvoir des actions de mécénat doit aussi être menée avec une certaine prudence. Pour pouvoir émettre un reçu fiscal à ses donateurs, celle-ci doit en effet répondre à deux critères : être d’intérêt général et relever d’une gestion désintéressée. Mieux vaut donc obtenir confirmation de l’administration fiscale par le biais de la procédure du rescrit, qui permet de demander un éclaircissement sur un point précis – mais avec parfois des délais d’attente de près de six mois. De plus, les pratiques de mécénat, inspirées des us et coutumes des institutions publiques, ont généralisé l’idée de contreparties gratifiantes – voire stimulantes – pour les donateurs, qui risquent de leur enlever tout avantage fiscal. « Il y a sur ce point un risque d’insécurité, avertit l’avocat fiscaliste Me Éric Luneau, du cabinet parisien Gérard Orsini. La question se pose dans la pratique, car il y a une difficulté d’appréciation de cette notion de contrepartie. Les textes parlent d’une proportion du quart du montant du don, mais aussi d’une limite de trente euros. Il y a donc un risque de contentieux avec l’administration fiscale. Un éclairage de celle-ci s’avère nécessaire. » Autant de freins qui pourraient brider quelques projets de mécénat plus ambitieux ou plus originaux que le simple don à une institution patentée.

L’ASAP, une structure de mécénat en faveur du patrimoine

Créée à la fin 2003 par Jean-Pierre Bost, l’Association pour la sauvegarde de l’art et du patrimoine en France (ASAP) est une initiative originale qui vise à faire bénéficier les monuments des dispositifs fiscaux de la nouvelle loi mécénat. « Le gros problème dans ce domaine, c’est que tout le monde parle de subventions, explique Jean-Pierre Bost. Mais celles-ci ne concernent que les monuments protégés au titre des monuments historiques. Et, quand c’est le cas, elles sont perçues dans un délai très long. » D’où l’idée de créer cette association, animée bénévolement par son fondateur, qui établit un lien entre propriétaires et mécènes – particuliers ou entreprises – et qui récolte des fonds pour des projets de restauration labellisés par la Fondation du patrimoine. En 2005, plus de 300 000 euros ont ainsi été collectés par souscription et ont été consacrés à des travaux de restauration, principalement dans le domaine des monuments funéraires et du petit patrimoine (fontaines, lavoirs…). ASAP, 12, esplanade Auguste-Perret, 94320 Thiais, tél. 01 46 86 73 90, www.asap-france.fr

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°228 du 6 janvier 2006, avec le titre suivant : Des particuliers encore timides

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