Courbet

Le Grand Palais lève le voile

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 671 mots

On connaît bien Gustave Courbet. L’exposition de 1977 au Grand Palais ainsi que l’abondante édition sur le champion du réalisme ont éclairé à plusieurs reprises la vie et l’œuvre du peintre. Pourtant, derrière l’artiste, cet inventeur d’un tout nouveau naturalisme – celui de la « laideur » et du « vulgaire » – et ce Communard à l’origine du déboulonnage de la colonne Vendôme, se cache un mythe que le Grand Palais, trente ans après son premier accrochage, ambitionne de dépoussiérer. Un homme triste en proie aux tourments, un bourgeois non revendicatif en quête de notoriété... C’est aussi cela Courbet.

Trente ans ! Autant de temps pendant lequel le Grand Palais n’avait pas offert ses cimaises à Gustave Courbet (1819-1877), ce « troisième homme », comme l’avait rebaptisé en 1977 la plume du Monde, André Fermigier. Un surnom destiné à marquer la singularité de ce contemporain de Dominique Ingres (1780-1867) et d’Eugène Delacroix (1798-1863). À la ligne du premier et à l’exaltation du coloris du second, Courbet préférera la vérité : son credo sera le réalisme.

Décisive dans la connaissance de son travail, l’exposition de 1977 se perdait aussi en conjectures, notamment sur l’appartenance, ou non, de Courbet à la franc-maçonnerie. Souvent, la vie tumultueuse et le tempérament rugueux du peintre ont en effet nui à l’étude de son œuvre. Depuis, une génération d’historiens d’art ont pu reprendre leur copie. Et aujourd’hui, avec quelque cent vingt peintures et trente dessins, Laurence des Cars et Dominique de Font-Réaulx, toutes deux conservatrices au musée d’Orsay et commissaires de l’exposition, ont souhaité éviter cet écueil et se concentrer sur l’essentiel : sa peinture.

Courbet, revu et corrigé
La chose n’est pourtant pas forcément aisée. Auteur d’une œuvre protéiforme, capable de peindre sans concession les petits-bourgeois d’Ornans (Franche-Comté) – milieu dont il est issu –, mais aussi de doter de toutes les grâces ses nus féminins, parfois jusqu’au scandale avec Le Sommeil (1866, musée du Petit Palais) et L’Origine du monde (1866, musée d’Orsay), Courbet échappe aux classifications.

Soucieux de se singulariser dans le maelström de la peinture, il mène son travail au fil de ses mésaventures. Les peintures à la gloire de la réalité, qui lui assureront la notoriété au tournant des années 1850, céderont le pas à des paysages lyriques, fruits d’une intense introspection, puis aux tableaux de fleurs peints lors de son incarcération à Sainte-Pélagie (Paris), et enfin aux peintures « alimentaires » à l’heure de la disgrâce. Le tout ponctué de quelques chefs-d’œuvre inclassables.

Personnalité complexe, volontiers rude et provocateur, Courbet meurt en effet en proscrit, en Suisse, pour s’être engagé lors de la Commune de Paris et avoir incité au déboulonnage de la colonne Vendôme. Imprégné de la culture des maîtres anciens, dans une veine plus septentrionale qu’italienne, pourtant copiée avec application dans les salles du musée du Louvre, Courbet ne fut pas non plus indifférent aux frémissements artistiques de son époque. Il suit ainsi avec attention le romantisme, comme en témoignent bon nombre de ses autoportraits de jeunesse, puis les prémices de l’impressionnisme et l’émergence d’un nouveau médium, la photographie.

En réunissant les tableaux majeurs de Courbet, présentés de manière théma­tique (autoportraits, nus, paysages, scènes de chasse, peintures d’histoire…), l’exposition rend un juste hommage à une peinture singulière, dont le champ ne peut plus être, aujourd’hui, cantonné au seul réalisme. Courbet fut probablement davantage un passeur vers la modernité qu’on ne l’a longtemps cru.

Biographie

1819
Naissance à Ornans de Jean Désiré Gustave Courbet

1839
Il arrive à Paris

1848
Après la révolution qui aboutit à la IIe République, Courbet renonce à tout idéalisme et peint désormais le monde dans sa vérité la plus crue

1855
Il fait construire le Pavillon du réalisme, avenue Montaigne à Paris, et publie le Manifeste du réalisme

1870
Courbet est élu président de la Commission des arts, chargée de la sauvegarde des œuvres d’art parisiennes

1871
Communard, il est condamné à six mois de prison pour avoir orchestré le démantèlement de la colonne Vendôme

1873
S’exile en Suisse.

1877
Il décède à La Tour-de-Peilz, en Suisse

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Courbet

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque