Musée - Restauration

PROFESSION

Conservateurs-restaurateurs : vers un titre protégé

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2021 - 813 mots

FRANCE

Une journée d’étude est consacrée en octobre à la création d’un titre protégé pour les professionnels de la conservation-restauration. La fédération professionnelle et l’Institut national du patrimoine en présentent les enjeux.

Restauration de la voûte du Grand Salon du château de Vaux-le-Vicomte. © Collectif images Melun
Restauration de la voûte du Grand Salon du château de Vaux-le-Vicomte.
© Collectif images Melun

Paris. La création d’un titre protégé pour les professionnels de la conservation-restauration serait un « projet centenaire », selon le titre d’une intervention de la journée d’étude consacrée au sujet, qui devait se tenir le jeudi 14 octobre à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine. Dans les archives du Journal des Arts, on retrouve des traces de cette ancienne requête dès 1994, posée à l’époque à peu près dans les mêmes termes qu’en 2021. « C’est une vieille demande », confirme Clémentine Bollard, présidente de la Fédération française des conservateurs-restaurateurs (FFCR), en amont de cette journée organisée par l’Institut national du patrimoine (INP) et la FFCR.

Les besoins en reconnaissance et clarté qui motivent cette demande n’ont toujours pas été satisfaits depuis, en dépit d’une première avancée avec la loi musée de 2002. Celle-ci oblige les institutions labellisées « Musée de France » à faire appel aux diplômés des quatre formations spécialisées dispensées à l’INP, Paris-I, l’École supérieure d’art d’Avignon et l’École supérieure d’art et de design TALM à Tours. Mais archives, monuments historiques et archéologie ne sont pas soumis à cette obligation : « Autant les métiers de la conservation-restauration sont bien identifiés dans les musées, grâce à la loi, autant dans les autres champs du patrimoine nous sommes dans un grand flou », explique Charles Personnaz, directeur de l’INP.

Compétences spécifiques

La création d’un titre protégé n’étendra pas automatiquement l’obligation de recourir à ces professionnels dans les divers champs du patrimoine, mais, explique Clémentine Bollard, elle « identifiera clairement les conservateurs-restaurateurs, les distinguera de quelqu’un qui a fait une école privée ou une formation de trois semaines ». C’est la mise en valeur d’un socle de compétences spécifiques qui est en jeu : la formation des conservateurs-restaurateurs allie sciences dures, histoire de l’art, travail de la main ainsi qu’un important volet déontologique. « On voit surtout le geste technique, mais il y a aussi tout l’aspect préventif, les études préalables, les constats d’état. Les conservateurs-restaurateurs sont les mieux placés pour faire ça », précise la présidente de la FFCR.

Ces compétences les distinguent notamment des métiers d’art, avec lesquels une confusion est là aussi entretenue, accentuée par l’ajout des conservateurs-restaurateurs sur la liste des métiers d’art en 2016 : la notion d’« apport artistique » contenue dans la définition légale des métiers d’art est d’ailleurs contradictoire avec le code déontologique de la profession. Pour Charles Personnaz, il ne s’agit pas de renvoyer les deux professions dos à dos, mais de trouver leurs complémentarités : « Le Mobilier national a lancé un appel d’offres où des équipes mixtes, [composées de] restaurateurs et métiers d’art, étaient demandées, ce qui est à mon avis la bonne manière de faire. » « La création de ce titre n’est pas une démarche corporatiste, ajoute Clémentine Bollard. La finalité est la préservation des biens, des monuments, des œuvres, avec les bonnes personnes au bon endroit. »

La voie législative

Une première marche a été franchie en 2019, avec l’harmonisation des quatre formations reconnues en France. « C’était important que ce socle soit écrit et partagé, qu’un document l’exprime, souligne le directeur de l’INP. Maintenant il faudrait que le Code du patrimoine fasse mention de cette profession. » La création d’un titre protégé passera nécessairement par la voie législative : un travail bien engagé, auprès du ministère et de la direction générale des Patrimoines, qui « a bien identifié la situation », comme de l’Assemblée nationale, où le député Raphaël Gérard (La République en marche) s’est montré sensible au sujet.

La journée d’étude du 14 octobre témoigne de la vivacité de ce « projet centenaire », qui pourrait se concrétiser par une loi au cours du prochain mandat présidentiel.

Mais ce n’est pas le seul chantier pour cette profession composée à 75 % d’indépendants. La FFCR travaille ainsi à la création d’un code NAF attribué aux conservateurs-restaurateurs, lequel leur a fait cruellement défaut durant la crise sanitaire : « Quand le ministère de la Culture a essayé de nous identifier, nous étions éclatés en douze codes NAF différents, ce qui a compliqué le fléchage des aides financières », explique Clémentine Bollard. L’autre revendication est l’intégration des conservateurs-restaurateurs au sein des institutions culturelles, à l’image de ce qui se pratique partout ailleurs en Europe. Une évolution qui nécessite une « volonté politique » pour la présidente de la FFCR. Optimiste, Charles Personnaz note une progression en ce sens : « Un certain rééquilibrage est en train de s’opérer, car les institutions qui recrutent des conservateurs-restaurateurs s’aperçoivent que leurs collections sont mieux suivies, et que le calcul n’est pas si mauvais économiquement. »

Les conservateurs-restaurateurs en chiffres  

75 % d’indépendants
25 % de salariés

83 % de femmes

40 diplômés par an

1 320 professionnels diplômés ou leur équivalent en activité- dont 1156 en France

Source : L. Hénaut, G. Salatko, revue CRBC (Conservation-restauration des biens culturels) no 37, 2020.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°575 du 15 octobre 2021, avec le titre suivant : Conservateurs-restaurateurs : vers un titre protégé

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