Société

Camille Morineau : « On ne pourra plus dire qu’il n’y a pas d’artistes femmes »

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 12 décembre 2018 - 670 mots

ROUEN

Cofondatrice et présidente d’Aware, Camille Morineau est directrice des expositions et des collections à la Monnaie de Paris. De ses dix années passées au Centre Pompidou comme conservatrice des collections contemporaines (2004-2013), on lui doit notamment l’accrochage « elles@centrepompidou » consacré aux femmes artistes de la collection du Mnam.

Camille Morineau
Camille Morineau
© Christophe Beauregard / Monnaie de Paris
Le Musée des beaux-arts de Rouen avec l’association Aware débattait le 10 octobre dernier sur le thème de « L’égalité femmes-hommes : où en sont les musées ? » Justement, où en sont-ils ?

Camille Morineau -  La question travaille beaucoup d’institutions en France et à l’international, comme l’a montré ce colloque. J’ai aujourd’hui bien plus de collègues pour qui c’est une question importante, dotée de réponses visant à inverser les inégalités installées depuis des siècles et qui m’ont amenée à créer Aware (Archives of Women Artists Research and Exhibitions). Les artistes femmes ont été peu recensées par l’histoire de l’art, peu achetées aussi, car moins connues, et les postes de direction dans les musées jusqu’à peu rarement confiés à des femmes. Le ministère de la Culture et le gouvernement sont désormais soucieux de cette parité. De manière anthropologique, on a refusé la pulsion créatrice de la femme ou on n’a pas voulu la voir. Ce n’est pas quelques dizaines d’artistes qui ont été oubliées, mais des milliers de par le monde. Il s’agit donc de retrouver leurs traces pour les rendre accessibles aux professionnels et au grand public afin que chacun puisse s’en saisir, les mettre dans les textes, les livres et dans les musées.

Constatez-vous une évolution dans la réception des actions d’Aware depuis sa création en 2014 ?

Elle a énormément changé. Quand j’ai fondé l’association, tout le monde s’en foutait un peu de ces histoires. Il est vrai que l’affaire Harvey Weinstein et les mouvements Me Too ou BalanceTonPorc ont beaucoup accéléré la prise de conscience. Du coup, on regarde l’association comme un modèle qui fonctionne avec des actions concrètes. Car c’est bien d’agiter des chiffres, mais à un moment donné il faut trouver des solutions pour faire évoluer les mentalités. Notre site accueille aujourd’hui près de huit mille visiteurs par mois. Quant à l’invitation faite par Art Fair Art Paris, elle nous permettra lors de l’édition 2019 de rendre visibles vingt femmes artistes. Enfin, nous allons signer une charte avec le ministère de la Culture qui l’engage à long terme dans son soutien au prix Aware, qui sera remis désormais le 8 mars et non plus en janvier.

Vous avez aussi décidé d’allouer l’argent jusqu’à présent mis dans l’exposition des lauréats dans l’édition d’un livre. Pourquoi ?

Car les femmes artistes ne font pas assez l’objet d’ouvrages. Une collection de livres d’entretien est également en cours de création. Pour les jeunes artistes, nous allons réaliser par ailleurs des portraits sous forme de films accessibles sur notre site. On réfléchit pour ces petits portraits à un partenariat média, idéalement une chaîne de télévision. À partir du moment où l’information est égale entre les hommes et les femmes, on ne pourra plus dire qu’il n’y a pas d’artistes femmes, que l’on ne les montre pas ni ne les achète car on n’en a pas entendu parler. On fait ce travail pour que les gens ne puissent plus employer ce type d’arguments comme excuse.

Prix Aware 

Il distingue une artiste ayant commencésa carrière depuis dix ans au plus.En 2018, il a été attribué à Violaine Lochu, tandis que le prix d’honneur est revenu ex æquo à Vera Molnár et à Nil Yalter. Chacune bénéficie de 10 000 €.

 

Tous les 8 du mois, Aware s’associe à une institution culturelle pour organiser une visite gratuite de ses collections ou d’une exposition afin de découvrir des œuvres et la vie d’artistes femmes. Après le Palais du Tau à Reims, ce sera autour de l’exposition Ana Mendieta au Jeu de paume le 8 janvier 2019.

 

« Le prix Aware est très précieux, mais sa création ne doit pas dispenser les prix qui existent déjà de récompenserles artistes femmes. » Laëtitia Badaut Haussmann, lauréate du prix Aware 2017

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Camille Morineau : "On ne pourra plus dire qu’il n’y a pas d’artistes femmes"

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