Bons baisers de France

Le Journal des Arts

Le 30 novembre 2007 - 835 mots

À Miami, « French Kissing in the U.S.A. » met en lumière les jeunes artistes français. Le point de vue de Georgina Adam, journaliste au « Art Newspaper ».

French Kissing in the U.S.A. », l’une des premières expositions aux États-Unis à être consacrée à la jeune scène artistique française, se tiendra au Moore Space, à Miami, du 5 décembre au 8 mars 2008. Organisé par la directrice du lieu, Sylvia Karman Cubiñá, l’événement inclut dix-huit artistes, d’Adel Abdessemed et Tatiana Trouvé, à d’autres comme Louis Gréaud ou Brice Dellsperger.
Bénéficiant de soutiens financiers privés et publics, dont l’État français et le Fonds Étant Donnés, et des galeristes Yvon Lambert et Emmanuel Perrotin, cette exposition comprend une quarantaine d’œuvres. Elle fait partie d’une stratégie française visant à renforcer le profil international des artistes français, ce, après des années de déclin. L’exposition bénéficie également du soutien de l’Adiaf, le groupe de collectionneurs qui attribue chaque année le prix Marcel Duchamp au cours de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), décerné cette année à Tatiana Trouvé (présente à Miami).
Qu’est-ce qui a poussé Sylvia Karman Cubiñá à choisir d’exposer des artistes français ? « J’ai trouvé tant de choses intéressantes durant ma résidence en France l’an dernier », dit-elle. Au moment de faire sa sélection, elle a étudié de près les expositions au Centre Pompidou, « Airs de Paris », et au Grand Palais, « La Force de l’art », dans lesquelles certains artistes aujourd’hui présents à Miami ont figuré. On peut notamment citer Karina Bisch, Marcelline Delbecq, Claire Fontaine, Richard Fauguet, Vincent Lamouroux, Guillaume Leblon, Petra Mrzyk & Jean-Francois Moriceau, Philippe Perrot et Christine Rebet. Certaines œuvres ont été conçues spécialement pour l’occasion, tandis que d’autres ont été prêtées par les artistes ou leurs galeries.
Alors qu’est ce qui caractérise cet « art français » ? « Rien, il ne s’agit pas d’un groupe homogène, mais ces artistes ont tous voyagé à l’étranger, sont revenus en France et ont initié un dialogue avec d’autres artistes et avec eux-mêmes », explique Sylvia Karman Cubiñá. « J’imagine que la nouvelle définition de l’art français est qu’il peut tout être », ajoute-t-elle. « Pendant très longtemps, les artistes français étaient tournés vers l’Hexagone, ils ne voulaient pas aller aux États-Unis et ils ne savaient même pas parler anglais », rappelle Marc-Olivier Wahler, directeur du Palais de Tokyo, à Paris. Ce dernier considère certains artistes en milieu de carrière comme des pionniers, tels Pierre Huyghe, Philippe Parreno et Dominique Gonzalez-Foerster. « Ils ont ouvert la voie», poursuit-il. Pierre Huyghe, par exemple, vit et travaille aujourd’hui à New York.
Cette nouvelle génération comprend des artistes nés entre le milieu des années 1970 et le début des années 1980 ; quelques-uns sont issus d’écoles d’art régionales, à Grenoble (Franck Scurti, mais aussi Philippe Parreno et Dominique Gonzalez-Foerster) ; ou Nantes (Saâdane Afif). D’autres sont venus à Paris pour étudier à l’École nationale supérieure des beaux-arts et sont restés en France, tels le Bosniaque Bojan Sarcevic ou la Coréenne Koo Jeong-A. « La France s’est ouverte sur l’extérieur, et je crois que Berlin a joué un rôle très important. Nombre d’artistes français sont allés travailler là-bas parce que la vie y était moins chère qu’à Paris, ils ont établi des contacts, et ont rejoint la scène internationale », observe Fabrice Hergott, directeur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, qui mentionne également le nombre croissant de jeunes galeries.
Tout le monde connaît les noms des deux entrepreneurs et collectionneurs François Pinault et Bernard Arnault. Mais il y a une nouvelle génération de collectionneurs qui est arrivée sur le devant de la scène, à l’image de Guillaume Houzé, issu de la famille propriétaire des Galeries Lafayette. Chaque année au moment de la FIAC, il met en lumière de jeunes artistes dans une exposition intitulée « Antidote ».
Les subventions de l’État ne semblent toutefois pas être à l’origine de ce renouveau. « Les choses ont évolué de façon naturelle parce que les galeries, les artistes et les collectionneurs se sont internationalisés, et c’est cela qui a donné l’impulsion, pas l’intervention de l’État », explique Marc-Olivier Wahler. « Autrefois, l’État français était le principal collectionneur, mais les choses ont changé, et il n’est plus qu’un collectionneur parmi tant d’autres », ajoute Fabrice Hergott.
Toute cette effervescence en France n’a néanmoins pas encore eu un impact majeur à l’étranger, et les artistes de l’Hexagone se plaignent encore que leur travail ne soit connu que dans leur propre pays. Les prix, par ailleurs, sont moindres en comparaison de ceux atteints par certaines superstars tels Jeff Koons et Damien Hirst. L’État et les artistes espèrent que des expositions comme « French Kissing in the U.S.A. » contribueront à leur donner une meilleure place sur la scène internationale.

« French Kissing in the U.S.A. »

Du 5 décembre au 8 mars 2008, The Moore Space, 4040 NE 2nd Avenue, 2nd Floor, Miami Design District, Miami, Floride, tél. 1 305 438 1163, www.themoorespace.org, tlj sauf dimanche, lundi, mardi, 10h-17h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°270 du 30 novembre 2007, avec le titre suivant : Bons baisers de France

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