Bernard Moninot En quête de l’absolu

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 20 février 2009 - 546 mots

Rabat, il y a quelques années. Un curieux appareil en main, Bernard Moninot déambule dans les jardins du Chellah entre les parterres d’herbe et de fleurs en quête d’une situation propice à la réalisation d’un travail qu’il désigne du nom de « micrographie ».

L’objet est de capter à l’intérieur de petites boîtes de verre plates – dites « boîtes de Petri », ordinairement utilisées dans les laboratoires d’analyse – les infimes mouvements d’un brin d’herbe ou d’une feuille se balançant au vent. Pour ce faire, l’artiste a préalablement passé au noir de fumée le fond de ces boîtes de sorte qu’en l’effleurant les végétaux vont venir y inscrire une trace. Les micrographies de Moninot offrent ainsi à voir d’improbables paysages et d’inédites écritures.
En quête des choses les plus fragiles, Bernard Moninot n’a pas son pareil pour imaginer toutes sortes d’œuvres dont le dénominateur commun est le dessin et qui décrivent de véritables microcosmes. L’espace et le temps sont les données récurrentes d’une démarche entamée il y a plus de trente ans et que ponctue un ensemble de travaux déclinés sur le mode de la série.
Qu’ils en appellent à l’idée d’expérimentation et à un savoir scientifique davantage instinctif que cultivé en dit long sur la nature même de la quête de l’artiste. Il y va du désir d’une révélation au cœur même de l’imperceptible, voire de l’invisible.

Dans son atelier laboratoire
Bernard Moninot ne cesse de jouer de l’ombre et de la lumière, et rien ne l’intéresse plus que d’en multiplier les jeux au sein de dispositifs et d’installations qui soient chaque fois une nouvelle réflexion sur le visible et la vision. L’atelier de Moninot tient du laboratoire où tout est bien rangé en même temps qu’il y en a partout. Pour un peu, on se croirait dans une sorte de cabinet de curiosités, versant découvertes et expériences physiques en tout genre, et il faut s’imaginer l’artiste au travail à l’instar de ces savants enfermés dans leur laboratoire en quête d’absolu.
Poudre de graphite fixée sur verre, pigments naturels, ombre portée, cordes de piano, papier carbone, aquarelle, soie, mica et fils métallisés, tiges de verre et gouttes de cristal, objets minutieusement fabriqués…   : Moninot emploie tout ce qui peut lui servir à mettre à nu ce qui est de l’ordre de l’infra-mince. Son art est curieux de toutes les situations qui tiennent aux lois physiques qui règlent notre univers   : ondes sonores, mouvements vibratoires, résonances plus ou moins magnétiques, vitesse des flux, etc. Aussi son œuvre est-elle polymorphe et offre-t-elle à voir cette potentialité de réalité que révèle la lumière.
En ce sens, Bernard Moninot opère en véritable magicien et la primeur qu’il accorde au dessin – un « dessin élargi », comme en parle Jean-Christophe Bailly – situe bien sa démarche dans un en deçà de l’œuvre. En ce lieu proprement sublime qui est le siège de toute épiphanie. Dans cette façon d’instabilité qu’il cultive et cette qualité d’infra-mince qui le signe, son art joue des extrêmes d’une tension et d’une fragilité.

Biographie

1949
Naissance au Fay en Saône-et-Loire.

1967
Beaux-arts de Paris.

1973
Biennale de Paris.

1974
Première exposition personnelle au musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne.

1994
Professeur aux beaux-arts de Nantes.

1997
Exposition auJeu de Paume.

2009
Enseigne aux Beaux-Arts de Paris.

« Bernard Moninot, ombres croisées », galerie Catherine Putman, 40, rue Quincampoix, Paris IVe, jusqu’au 21 mars 2009. Exposition maintenue malgré le décès soudain de Catherine Putman. L’artiste est représenté par la galerie Baudoin Lebon, 38, rue Ste-Croix-de-la-Bretonnerie, Paris IVe, www.baudoin-lebon.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°611 du 1 mars 2009, avec le titre suivant : Bernard Moninot En quête de l’absolu

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