Musée

Beaubourg : le changement vient de l’intérieur

Rénovation, nouveaux espaces : une visite du Centre, cinq mois avant sa réouverture

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 27 août 1999 - 1469 mots

PARIS

En vingt-sept mois de travaux, le Centre Georges Pompidou a été le théâtre d’un chantier colossal, concernant plus de 70 000 m². Peu modifiée, l’architecture extérieure du Centre cache une autre répartition des espaces. Grands gagnants de cette nouvelle donne, les galeries d’exposition et le Musée national d’art moderne qui ont été réaménagés par Jean-François Bodin, également en charge de la Bibliothèque publique d’information (BPI). Entièrement repensée, la circulation dans le bâtiment met fin à l’accès gratuit au belvédère via les escalators. Quant à l’entrée, désormais unique, elle se fera par la Piazza sous une construction dessinée par Renzo Piano, qui, quelque vingt ans après, a revisité le Forum.

Commencé il y a plus de deux ans, le chantier de rénovation et de réaménagement du Centre Georges Pompidou touche à sa fin. À l’extérieur comme à l’intérieur, les travaux les plus lourds sont aujourd’hui terminés. Les espaces qui seront offerts au public en 2000 (lire encadré) sont pour certains presque achevés, le raccrochage des œuvres dans le musée devant débuter au mois d’octobre. Déployée sous la direction de Werner Spies, directeur du musée, la collection du Centre est la principale bénéficiaire du gain de place engendré par ces réaménagements et par le relogement du personnel administratif dans des immeubles voisins. Réparti sur les niveaux 4 et 5, le Mnam accroît sa superficie de 4 500 m2 et s’étend à présent sur 14 000 m2. Comme auparavant, le musée se trouve architecturalement et chronologiquement scindé en deux : la première moitié du siècle en haut, les collections contemporaines en bas. Le bouleversement est pourtant de taille, l’accès au musée se faisant dorénavant par l’étage contemporain. Ce nouveau parcours est un choix judicieux. Autrefois desservies par un escalator situé à l’extrémité nord, les collections du niveau 4 étaient délaissées par des visiteurs transportés à l’autre bout du bâtiment, après une longue marche jusqu’aux années cinquante. Un escalier visible dès l’entrée fait maintenant la jonction entre les deux étages. En bois et plâtre blanc, naturellement intégré dans le musée, il n’a “rien à raconter, le lieu étant déjà écrit”, comme le note Jean-François Bodin. Remarquable par sa sobriété, il est emblématique de la modestie du travail mené par l’architecte et son équipe dans le réaménagement du Mnam. Autrefois partagé avec la BPI, le niveau 4 a été remodelé dans un souci de continuité avec l’étage supérieur. Il en reprend le parquet de bois et laisse visibles dans la plupart des locaux les plafonds, marque de fabrique de Piano et Rogers. Obéissant à un parcours encore énigmatique, le premier étage du musée offre des salles variées, parfois conçues pour des œuvres spécifiques, comme Infiltration homogène pour piano calfeutré de Joseph Beuys, ou le Jardin d’hiver de Jean Dubuffet. Outre le cabinet d’art graphique, qui existait déjà avec la salle de consultation vidéo et celle affectée aux expositions thématiques, le gain en superficie profite au “Salon du musée”, espace didactique de présentation des collections. Accueillante pour le public, c’est d’ailleurs la seule pièce où une ouverture latérale a été ménagée. Quant à l’architecture et au design, naguère isolés en fin de visite, ils ponctueront le parcours, placés dans des lieux aérés. Le même parti pris de mixité a été adopté au second étage du Mnam. Les modifications y sont minimes, “c’est un programme de conservation, l’étage Aulenti reste l’étage Aulenti”, explique Jean-François Bodin : la grande allée centrale, la grille de défilement du plafond, le principe de lumière réfléchie et la disposition des salles de l’architecte italienne ont été laissés tels quels. Renzo Piano a pris en charge la rénovation des terrasses, inaccessibles au public. Décorées de bassins en granit de faible profondeur, elles sont ornées de sculptures. À l’exception des quelques vitrines et niches ôtées avec l’accord d’Aulenti, le seul changement notable est la suppression de l’ancienne “Tour du musée”, située dans les deux dernières pièces. Cela augmente d’autant les dimensions du niveau 6 sur lequel celle-ci venait mordre dans sa hauteur.

Ce démantèlement et le déménagement du Studio 5  dans les sous-sols du Forum permettent de répartir les galeries d’exposition du niveau 6 sur 1 000 m2 supplémentaires ; une résine viendra recouvrir le sol de ce plateau divisé en trois salles. Sommairement nommées galeries A, B et C, elles permettront la rotation des expositions temporaires, pour le montage desquelles un délai moyen de trois semaines est programmé. Un passage entre les deux premières galeries, de 300 et de 1 000 m2, est tout de même prévu. La mise en place de nouveaux murs et d’infrastructures techniques modernisées a été la seule intervention nécessaire dans ces espaces destinés à être remodelés pour chaque manifestation. Plus souple dans son utilisation, la lumière artificielle a été privilégiée, et, à l’exception de la plus grande des trois galeries qui donne sur la façade nord, aucune n’offre une vue sur l’extérieur.

Souvent confondu avec le Centre, le Mnam est loin d’en être la seule entité ; il est même, pour les nombreux étudiants à la recherche d’un abri un simple voisin de la bibliothèque. Aujourd’hui installée sur les niveaux 1, 2 et 3, la BPI dispose d’un nouveau mobilier, d’éclairages individuels – améliorations dont devrait aussi bénéficier le centre de documentation du musée ouvert aux chercheurs –, et offre un nombre égal de postes de lecture. Comblant tant bien que mal le manque évident de bibliothèques universitaires généralistes, la BPI devrait une nouvelle fois être victime de son succès, et ce, malgré l’ouverture de la Bibliothèque nationale de France, malheureusement excentrée et payante. La crainte de nouvelles files d’attente est donc grande. Avant la fermeture complète du Centre, un accès par la rue Saint-Merri était réservé aux usagers de la bibliothèque, mais aucune solution équivalente n’est envisagée. Quant à l’entrée rue du Renard, elle est condamnée. Au risque d’encombrements favorisés par les mesures de sécurité, l’accueil de tous les visiteurs se fera donc par la Piazza, sous un “canopi”, voilure dessinée par Renzo Piano.

Une fois dans le Centre, le public sera aiguillé par la nouvelle signalétique composée par Ruedi Baur. Invités à patienter jusqu’à l’appel du numéro indiqué sur le ticket qui leur sera distribué, les utilisateur de la BPI attendront le long de la façade est, avant de pénétrer par l’espace d’accueil et de référence dans les salles de consultation. Le visiteur pourra quant à lui acquérir son billet au centre du Forum, avant de rejoindre l’escalator qui offrira, après contrôle, un accès aux niveaux 4 (Mnam) et 6 (galeries d’exposition et restaurant de la terrasse), le reste de la circulation s’opérant ensuite, à l’intérieur de ces ensembles, grâce à des escaliers ou des ascenseurs adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Régi par le même fonctionnement et repensé par Renzo Piano, le Forum regroupe l’atelier éducatif, l’accès à la galerie Sud – qui reprendra ses droits sur la librairie provisoirement installée –, à la salle Garance sinistrement rebaptisée “salle de cinéma 1” et au sous-sol. Organisé autour du Foyer, le niveau -1 comprend une petite salle de projection, équivalent de l’ancien Studio 5, et trois espaces, dont un de 440 places, pour accueillir spectacles et débats. Si le Forum est un “lieu d’urbanité réduite” pour Renzo Piano, il l’est dans toutes ses dimensions, non seulement culturelles, mais aussi marchandes : la librairie Flammarion a doublé de superficie, une boutique design confiée au Printemps occupe 300 m2 dans l’ancienne galerie Nord, et un café la mezzanine opposée. Idéalement situé à côté de la future file d’attente pour la BPI, il a été – à l’instar du restaurant à l’architecture lunaire réalisé au niveau 6 par Dominique Jakob et Brendan Mac Farlane – confié à la famille Costes, qui gère déjà le Café Beaubourg voisin.

“Hors les murs” pendant deux ans, période qui a montré le véritable rôle de ressource que peut jouer le Mnam pour la province, le Centre Georges Pompidou s’apprête donc à affronter le nouveau millénaire dans une architecture d’aspect semblable, mais qui propose un lieu modifié, rafraîchi et repensé après quelque vingt années de fonctionnement. La programmation du Centre semble vouloir obéir à la même logique : inaugurées par “Le temps, vite”, exposition thématique sur la perception du temps, les galeries du niveau 6 accueilleront ensuite “Regard d’un siècle”, monté à l’initiative de la BPI. Preuve que Beaubourg veut rompre avec le cantonnement progressif de ses occupants dans leurs domaines respectifs et renouer avec l’interdisciplinarité, maître mot du projet à sa création.

Calendrier des réouvertures

1er janvier : réouverture du Musée national d’art moderne, de la BPI et inauguration de l’exposition “Jour de Fête�?, consacrée à la jeune création française. 12 janvier : “Le temps, vite�?, une exposition pluridisciplinaire sur la perception du temps, présentée dans la grande galerie du niveau 6. 19 janvier : hommage à l’un des architectes du Centre, Renzo Piano, avec une exposition monographique dans la galerie Sud.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Beaubourg : le changement vient de l’intérieur

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