Suisse - Foire & Salon

Bâle change d’ère

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 21 mai 2008 - 966 mots

Malgré la démission de sa directrice artistique, la Foire de Bâle reste « the place to be » pour les marchands d’art moderne et contemporain. Les galeries françaises y restent peu nombreuses.

Après les ventes de mai à New York (lire p. 26), qui n’offrent somme toute qu’une vision partielle, pour ne pas dire faussée du contexte économique, le petit monde de l’art est suspendu au baromètre bâlois. S’il semble provisoirement déconnecté de la récession américaine et de la stagflation européenne, le marché de l’art s’achoppe parfois à des réalités inattendues. La foire a ainsi dû avancer ses dates pour éviter la concurrence de l’Euro 2008 de football, partiellement hébergé par la Suisse ! On se rappelle que, voilà deux ans, les exposants étaient souvent plus agglutinés devant les écrans géants placés dans le patio pour suivre la Coupe du monde que présents sur leurs stands…

Autre réalité, moins comique, l’explosion du triumvirat nommé dans le scepticisme général à la tête de la foire en juin 2007. À un mois du vernissage, la directrice artistique Cay Sophie Rabinowitz a jeté l’éponge (lire le JdA n° 281, 9 mai 2008). Même si le choix d’une critique d’art de la revue d’art suisse Parkett donnait un onguent intellectuel à la manifestation, le costume était sans doute mal taillé. Le codirecteur Marc Spiegler (lire p. 17) étant investi du rôle le plus stratégique, et le comité de sélection ayant les pleines commandes sur le choix des exposants, le statut de directrice artistique ne pouvait se révéler que bâtard.

Roulette russe
Qui dit sélection implique chaque année son lot d’entrants et de sortants. Les organisateurs ont cette fois évincé Stuart Shave/Modern Art (Londres) et Greene Naftali (New York), deux galeries branchées qui, dans le climat actuel marqué par la hype, auraient pu se croire immunisées. Dans le même temps, un marchand plus classique comme Di Meo (Paris) n’a pas non plus été reconduit. Pour certains, ces refus dignes de la roulette russe s’apparentent à un camouflet. « Ne pas y être, c’est comme quand on enlève une étoile à un chef sans qu’on sache trop pourquoi », relève un marchand. « C’est une remise en question », estime pour sa part Bruno Delavallade (Paris), réintégré cette année après une petite éclipse. « On se demande ce qui a pu pêcher dans le programme ou dans le stand. Mon programme n’a pas changé, mais peut-être ai-je été plus vigilant sur la qualité de mes stands dans d’autres foires… » L’ouverture d’une antenne à Berlin, signe d’un certain dynamisme, a aussi dû peser dans la décision de son retour.

Si Praz-Delavallade fait partie de ces bienheureux du programme général, la plupart des galeries françaises intègrent la foire seulement par la petite porte des « Art Statements » ou de « Art Premiere ». Deux secteurs où le choix de l’artiste prévaut sur celui de la galerie. Déjà à l’affiche de « Art Statements » l’an dernier, Art : Concept (Paris) y retourne avec un one-man show de Julien Audebert mêlant narration et énigme. L’artiste déplie la Lettre volée d’Edgar Poe sur une ligne longue de 54 mètres, fil d’Ariane nous conduisant au centre du stand où un caisson lumineux dévoile une image du film Blade Runner (1982).

C’est un mystère d’un genre différent qu’invoque l’artiste d’origine vietnamienne Danh Vo, présenté par Isabella Bortolozzi (Berlin). Explorant les frontières entre vie privée et vie publique, celui-ci décline un ensemble de documents laissés à sa mort par Joseph Carrier, un anthropologue américain parti au Vietnam pendant la guerre. Ces archives comprenant lettres d’amour, photographies ou objets d’artisanat, laissent paraître ses attirances homosexuelles. D’une certaine façon, elles constituent aussi une autobiographie en pointillé de l’artiste, l’identité de Carrier se juxtaposant à celle de Danh Vo.

Liste pour têtes chercheuses
Le secteur « Art Premiere » accueille pour sa part Nathalie Obadia (Paris), de retour à Bâle après un « Art Statements » en 1996 avec Valérie Favre. Jouant pleinement sur la dimension intergénérationnelle inhérente à cette plateforme, son stand  instaure un dialogue entre Martin Barré et Jessica Stockholder. Un croisement de médiums et de références, entre un peintre français proche d’Agnes Martin ou de Robert Ryman, et une sculptrice issue de la tradition américaine de l’assemblage, mais aussi pétrie d’un esprit européen hérité de Schwitters. Le face-à-face entre Dominique Petitgand et Mac Adams orchestré par gb agency (Paris) s’articule, lui, autour du vocabulaire cinématographique commun aux deux artistes. L’explosion des règles narratives et la déconstruction de la fiction s’effectuent chez la première via une approche auditive, et chez le second par l’objectif photographique.

Dans la section moderne, grevée par la raréfaction, la Galerie 1900-2000 (Paris) prévoit une sélection d’œuvres sur papier de Dubuffet, ainsi qu’une composition de 1934-1938 de Jackson Pollock. Son confrère Hopkins-Custot (Paris) promet un uppercut avec un spectaculaire Roy Lichtenstein de 1990, Reflections on Sok !, tandis que Cazeau-Béraudière (Paris) joue plutôt une carte classique avec un Chasseur de lion du Douanier Rousseau.

Faute d’être prises ou reprises dans le saint des saints, beaucoup d’enseignes françaises optent pour les foires off, rejoignant qui Volta, comme les Parisiens Frank Elbaz ou Hervé Loevenbruck, qui Liste, à l’instar des Valentin et de Jocelyn Wolff (Paris). « Je pense que, pour une jeune galerie, la visibilité sur Liste est aussi bonne, voire meilleure que sur Art Basel auprès de certains publics précis, j’entends par là les collectionneurs ayant un profil de têtes chercheuses et les commissaires d’exposition qui cherchent de jeunes artistes », assure Jocelyn Wolff, qui présentera Katinka Bock et Christoph Weber. Ou comment faire de nécessité vertu...

ART BASEL

- Direction : Marc Spiegler et Annette Schönholzer
- Nombre d’exposants : 300
- Tarif des stands : 515 francs suisses (316,40 euros) le mètre carré
- Nombre de visiteurs en 2007 : 60 000

- Art Basel, 4-8 juin, Halls 1 & 2, Messe Basel, Bâle, tlj 11h-19h, www.artbasel.ch

- Design Miami/Basel, 3-5 juin, Markthalle Basel, Viaduktstrasse 10, tlj 11h-19h, www.designmiami.com

- Volta4, 3-7 juin, Südquaistrasse 55, tlj 12h-20h, www.voltashow.com

- Liste 08, 3-8 juin, Werkraum Warteck, Burgweg 15, tlj 13h-21h, www.liste.ch

- Bâlelatina, 3-8 juin, Westquai 39, Rheinhafen, tlj 12h-21h, www.balelatina.com

- Scope, 4-8 juin, Uferstrasse 80, tlj 10h-20h, www.scope-art.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°282 du 23 mai 2008, avec le titre suivant : Bâle change d’ère

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