Architecture

Au Soleil d’Austerlitz

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2002 - 543 mots

Depuis la gare d’Austerlitz jusqu’aux confins du sud-est de Paris, le quai s’étire bordé de constructions improbables, de vides béants, d’immeubles neufs... en un curieux no man’s land. C’est là que Christian Hauvette vient de terminer un bâtiment d’une grande élégance.

Coincé entre le quai d’Austerlitz et la toute nouvelle rue Pierre Mendès-France, sur une parcelle en forme de triangle ou plutôt d’aile d’avion, un tout nouvel immeuble de bureaux, affecté à une direction de la Caisse des dépôts et consignations, vient de voir le jour.
Trois façades, triangularité oblige, alternent le verre et le métal, les lignes verticales et horizontales. À l’évidence, une écriture maîtrisée, une expression d’une grande élégance.

Et puis, comme une trouée, une immense fenêtre urbaine laisse apercevoir, depuis le quai, une “rue intérieure” de belles dimensions. Trente-huit mètres de long, neuf de large, vingt-trois de haut, la rue intérieure a, en effet, du souffle et de la délicatesse. À en observer de près toutes les constituantes, on imagine que l’architecte Christian Hauvette a fait sienne la petite phrase de Mies van der Rohe : “Dieu est dans les détails”, tant il est évident qu’il s’est particulièrement attaché à soigner les moindres détails. Qu’il s’agisse du granit poli qui compose le sol, réalisé par des artisans marocains sur place et avec “dérogation spéciale” de la reine du Maroc ; des mailles métalliques tendues de-ci, de-là ; des parements de chêne qui animent et font vivre la modénature intérieure (le chêne a ici été rendu financièrement accessible en raison de la grande tempête de 1999, qui en abattit plus d’un...) ; qu’il s’agisse encore de la grande verrière qui domine le tout, ou de la très longue poutre en acier à laquelle la façade est suspendue...

Bref, une réussite et un soulagement tout à la fois. Il suffit de porter le regard de l’autre côté de la Seine, aux abords de la gare de Lyon ; de se souvenir de ce que l’on a baptisé le “Front de Seine” dans le 15e arrondissement, et que les Parisiens ont justement renommé “l’Affront de Seine” ; ou encore de considérer un certain nombre de bâtiments déjà édifiés le long du quai d’Austerlitz et du quai de la Gare, notamment aux abords immédiats du bâtiment d’Hauvette, pour réaliser à quel point il est facile de défigurer Paris.

Après la Bibliothèque nationale de France de Dominique Perrault et l’immeuble de logements de Francis Soler, l’immeuble de bureaux d’Hauvette constitue la troisième pierre d’une qualité architecturale plus que nécessaire ici.
Il est vrai que l’avenir s’y annonce souriant avec la perspective d’interventions de qualité, parmi lesquelles on attend avec impatience celles de Rudy Ricciotti sur les Grands-Moulins, de Frédéric Borel sur l’usine de pneumatiques, ou encore la construction de nouveaux bâtiments universitaires signés d’une part François Chochon, d’autre part Olivier Michelin.
On sent ici la marque de l’architecte en chef qui n’est autre que Christian de Portzamparc, lequel sait déceler et inviter des talents très divers. Car, si l’on sait que Frédéric Borel et François Chochon sont passés par son agence, il est clair que Michelin et Ricciotti s’expriment sur d’autres registres. Et nul doute que c’est bien de cette pluralité, de la conjonction de ces singularités, que peut naître un véritable “morceau de ville”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°157 du 25 octobre 2002, avec le titre suivant : Au Soleil d’Austerlitz

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