Japon

Au service de la culture

En créant un festival d’art contemporain, la Fondation Naoshima Fukutake Art Museum cherche à redynamiser sept petites îles de la mer intérieure de Seto

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 10 novembre 2009 - 771 mots

PARIS - Sans doute est-ce pour une question de commodité mnémotechnique que Soichiro Fukutake, président de la Fondation Naoshima Fukutake Art Museum, a choisi le Palais de… Tokyo, à Paris, pour venir y présenter, le 23 octobre, son tout nouveau projet nippon : « Art Setouchi 2010 », festival international d’art contemporain prévu l’été prochain dans un microarchipel de la mer intérieure de Seto, entre les îles de Honshu et de Shikoku (1).

Reste qu’il l’a fait sous la forme d’une séduisante exposition. Celle-ci rassemblait des maquettes, dessins, photographies et autres vidéos, évoquant à la fois les lieux, leur géographie, les constructions et œuvres d’art qui y ont été installées depuis une vingtaine d’années et, surtout, les nouveaux projets en cours ou à venir, dont une grande partie devrait être achevée pour l’occasion. « Art Setouchi 2010 » prend ainsi racine sur de solides bases, en particulier trois musées : l’un imaginé par l’architecte japonais Hiroshi Sambuichi et l’artiste Yukinori Yanagi, ouvert l’an passé sur l’île d’Inujima, les deux autres édifiés en 1992 et 2004 par Tadao Ando sur l’île voisine de Naoshima, le Benesse House Museum et le Chichu Art Museum (lire le JdA n° 302, 2 mai 2009, p. 7). Ces trois institutions attirent déjà, selon Soichiro Fukutake, quelque 340 000 visiteurs par an.
La liste des projets lancés par la fondation pour cette nouvelle manifestation est conséquente. Sur l’île de Naoshima, l’une des ouvertures les plus récentes date de juillet. Il s’agit d’un établissement de bains publics plutôt kitsch conçu par l’artiste japonais Shinro Ohtake et qui mêle, entre autres, un cockpit d’avion, une coque de bateau et une statue d’éléphant sauvée d’un ancien musée de l’érotisme. Mais l’autre morceau de choix est attendu pour 2010 : un nouveau musée construit là encore par Tadao Ando et dédié à l’artiste sud-coréen Lee Ufan. À quelques encablures de là, sur la minuscule île d’Inujima, l’architecte Kazuyo Sejima, la moitié féminine du tandem Sanaa (maître d’œuvre du Louvre-Lens actuellement en chantier), a imaginé, en duo avec Yuko Hasegawa, conservatrice en chef du Museum of Contemporary Art à Tokyo, une dizaine d’espaces d’exposition installés dans des maisons de bois restaurées et transformées en galeries d’art. Aux matériaux locaux – bois et pierre – s’ajoutent quelques structures en aluminium habillées de verre. Un maître mot : la transparence. « Cette transparence affirmée est une tentative de faire en sorte que les œuvres d’art épousent les paysages locaux, explique Kazuyo Sejima. Au final, le visiteur ne sait plus trop s’il découvre l’œuvre d’art à travers le paysage, ou l’inverse… »

Une vingtaine de projets
Ryue Nishisawa, la moitié masculine de Sanaa, œuvre de son côté sur l’île de Teshima où il édifie un musée qui accueillera une seule pièce de l’artiste japonais Rei Naito. « La forme idoine pour s’adapter au paysage mouvementé de cette île était la goutte d’eau, une forme toute en courbes qui permet d’épouser au mieux le relief », indique Ryue Nishisawa. Résultat : un unique et mince voile de béton qui s’étire, d’un seul tenant, sur une longueur de 60 m, et offre à l’intérieur un espace vierge de colonnes. C’est sur cette île également qu’intervient le Français Christian Boltanski avec une installation intitulée Archives du cœur, constituée d’une vaste collection d’enregistrements de pulsation cardiaques. « C’est comme une bibliothèque, dit-il. Au lieu de regarder un album de photos, on y écoutera des battements de cœur. » Un travail que l’artiste a débuté depuis plusieurs années avec un studio d’enregistrement qu’il a déplacé de Stockholm à Séoul, en passant par Londres, Paris ou Berlin. L’œuvre prendra place dans un bâtiment couleur ébène, car habillé de planches brûlées, revêtement local traditionnel qui protège à la fois des insectes et des embruns.
En tout, ce sont près d’une vingtaine de projets qui ont été mis en chantier sur sept îles, dont des œuvres de Jaume Plensa (à Ogijima), Harumi Yukutake (à Megijima), ou encore Olafur Eliasson, Noe Aoki et Mariko Mori (à Teshima). Pourquoi ce microarchipel, situé à mille lieues des grands carrefours de l’art contemporain ? « Tous ces projets s’ancrent avec une ambition : la revitalisation de cette région jadis délaissée, explique Soichiro Fukutake. Mon but, entre autres, à travers ce festival, est de convaincre mes collègues chefs d’entreprise que l’économie doit être au service de la culture, que la culture est un concept supérieur à celui de l’économie et nous devons nous employer à cette tâche. » L’intention est on ne peut plus louable !

(1) Du 19 juillet au 31 octobre 2010, Japon, îles de Naoshima, Teshima, Magijima, Ogijima, Shodoshima, Oshima, Inujima, et port de Takamatsu, setouchi-artfest.jp/en/

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°313 du 13 novembre 2009, avec le titre suivant : Au service de la culture

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