Rapport

Au chevet des métiers d’art

Face à l’inaction de la Rue de Valois, une sénatrice propose de créer un ministère des métiers d’art et du luxe

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 27 octobre 2009 - 844 mots

Commandité par le Premier ministre en février, un rapport parlementaire sur les métiers d’art fustige l’inaction de la Rue de Valois. À l’issue d’un diagnostic précis de la situation, le texte formule vingt propositions, parmi lesquelles la création d’un ministère des « métiers d’art et du luxe ». Sans aller aussi loin, une grande réforme est déjà sur les rails.

PARIS - C’est dans un salon trop exigu pour son auditoire que le Premier ministre s’est prêté, le 19 octobre à l’Hôtel Matignon, à une cérémonie inhabituelle pour la remise d’un rapport parlementaire, organisée d’ordinaire « dans le secret de son bureau ». En février 2009, François Fillon a en effet chargé la sénatrice Catherine Dumas (UMP) de se porter au chevet des métiers d’art et d’établir un diagnostic précis sur le sujet. Pour le Premier ministre, il faut y voir « un acte de foi. Une marque d’intérêt et d’ambition du pays pour son patrimoine vivant ». Il était temps de se saisir de ce dossier, allègrement négligé par le ministère de la Culture. Outre son caractère patrimonial évident, le secteur possède pourtant un poids économique non négligeable : il concernerait 40 000 entreprises pour un chiffre d’affaires estimé à près de 8 milliards d’euros.

Très attendu, ce rapport synthétise les différentes revendications des organisations professionnelles qui portent depuis plusieurs années – malgré leurs divergences – la mutation du secteur. Catherine Dumas en a tiré une liste de vingt propositions. La première est une évidence : il devient urgent de définir précisément les contours de ces métiers, caractérisés par leur grande diversité, et noyés dans une nomenclature établie à la va-vite, en 2003, par le ministère du Commerce et de l’Artisanat. Catherine Dumas, qui milite par ailleurs pour y adjoindre les arts culinaires – au grand dam de nombreux professionnels –, propose d’inscrire dans un texte normatif une définition officielle des métiers d’art comme étant « des métiers de la main, associant savoir-faire et création artistique, pour produire en intégralité des objets utilitaires, uniques ou en petite série ». Une insistance sur le caractère créatif et innovant qui rompt avec l’image galvaudée du secteur. La question de la visibilité de ces métiers est en effet au cœur des préconisations du rapport. Celui-ci propose notamment la création d’un « pôle d’excellence de la création en Île-de-France » réunissant centres de formation, centres de production et de recherche, mais aussi la mise en place d’un label spécifique et le lancement d’une campagne de communication. Les Journées des métiers d’art, organisées jusque-là en ordre dispersé, devront également être rénovées. Enfin, le 1 % artistique devra aussi s’ouvrir à ce pan de la création et les nouveaux bâtiments du ministère de la Défense, sur le site de Balard, devront ainsi en donner le coup d’envoi.

Le rapport reste en revanche plus évasif sur la question – pourtant essentielle – de la formation. Refusant un encadrement plus strict des pratiques amateurs, pourtant réclamée par les professionnels, la sénatrice appelle à la création d’un « diplôme supérieur des métiers d’art » (DSMA) d’un niveau bac 5, auquel réfléchit déjà l’Éducation nationale. Si cette transmission hautement qualifiée est une revendication légitime des professionnels, l’urgence porte aussi sur les formations moins qualifiées qui sont soit menacées de disparition, soit de plus en plus en décalage avec les préoccupations de l’artisanat d’art. Le Premier ministre a par ailleurs appuyé la proposition de renforcement du dispositif des maîtres d’art, piloté par le ministère de la Culture. Le rapport propose en effet de doubler leur nombre et de leur permettre de former plusieurs élèves, au lieu d’un seul dans le cadre du dispositif actuel.

Catherine Dumas a en effet eu la sagacité de constater le manque de coordination existant entre les différentes politiques publiques, les métiers d’art concernant à la fois les portefeuilles du Commerce et l’Artisanat, de la Culture, du Travail et l’Éducation nationale. Elle ose donc proposer, pour y pallier, la création d’un poste ministériel spécifique, chargé de coordonner les politiques des métiers d’art et du luxe. Dans le contexte actuel, François Fillon ne s’est guère attardé sur cette suggestion, préférant parler de travail interministériel. Mais le rapport pointe avec justesse la défaillance de la « tutelle naturelle » de la Rue de Valois. La Mission des métiers d’art – dont aucun représentant n’apparaît dans la liste des auditions effectuées par la sénatrice ! – a ainsi fait l’objet d’un dépeçage programmé, son budget ayant fondu de plus de moitié depuis 2004. C’est pourtant cette Mission qui pilote le dispositif des maîtres d’art que le Premier ministre souhaiterait voir monter en puissance. Une grande réforme serait en réalité déjà dans les tuyaux, visant à la création d’une agence autonome par le rapprochement de la Mission des métiers d’art, du Conseil des métiers d’art et de la Société d’encouragement aux métiers d’art (SEMA) – autre victime collatérale – aujourd’hui sous tutelle du secrétariat d’État au Commerce et à l’Artisanat. Soit une sanction immédiate pour la Rue de Valois, qui perdrait ainsi l’exercice direct de cette « tutelle naturelle » sur les métiers d’art.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Au chevet des métiers d’art

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