Au Caire, une 8e Biennale d’art pharaonique

Plus de deux cents artistes de cinquante et un pays se donnent rendez-vous dans la capitale égyptienne

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2001 - 554 mots

Les biennales d’art contemporain se suivent, mais ne se ressemblent pas. Celle du Caire, qui réunit cette année 224 artistes, propose un tour du monde en 51 pays d’une actualité artistique foncièrement picturale, volontiers matiériste et surfant parfois allègrement sur les chromos. Son éclectisme congénital lui permet toutefois d’offrir au public plus habitué des grandes messes occidentales quelques agréables surprises.

LE CAIRE - En juillet dernier, Ulrich Schneider, directeur du Musée de la ville d’Aix-la-Chapelle avait eu, au cours du symposium de la Triennale d’Echigo-Tsumari, cette phrase bercée d’européocentrisme : “Le Japon est quand même l’un des endroits les plus éloignés.” Le Caire n’est certes pas, par rapport à l’Europe, à l’autre bout de la planète mais, à parcourir les cimaises de la 8e Biennale d’art, la distance qui la sépare de notre continent semble néanmoins non négligeable. Fruit de l’opiniâtreté d’un artiste et critique d’art, Ahmed Fouad Selim (lire l’entretien ci-contre), la manifestation réussit cependant avec des moyens limités – moins de 6 millions de francs semble-t-il – à réunir plus de deux cents artistes venus du monde entier. Cet exploit est rendu possible par l’investissement des pays participants, qui assurent individuellement le financement de l’opération les concernant. En conséquence, les États choisissent librement les créateurs qui les représentent, donnant à l’ensemble un aspect des plus éclectiques. Bâti sur le modèle de la doyenne en activité, la Biennale de Venise, ce modèle montre pourtant ici rapidement ses limites. L’enjeu cairote est en effet loin d’être le même que dans la Sérénissime et, pour paradoxale que cela puisse paraître, les problématiques artistiques ne semblent pas toujours être prioritaires. Le cas de Marina Abramovic est symptomatique : invitée à venir participer à la manifestation, le ministère de la Culture hollandais a refusé son projet, lui préférant Najand Soheila et Elyem Aladogan.

Se débarasser de ses préjugés
Les États-Unis ont quant à eux tenu à marquer un grand coup en construisant un bâtiment autonome qui accueille les vidéos prétentieuses de Judith Barry. Rompant délibérément lui aussi avec un ensemble profondément ancré dans une pratique picturale, Michel Nuridsany, commissaire pour la France mandaté par l’Association française d’action artistique (Afaa) – ministère des Affaires étrangères, a invité deux jeunes artistes utilisant la vidéo : Joël Bartoloméo et Alain Declercq. “L’enjeu n’est pas le même que dans les grandes biennales, souligne le chroniqueur du Figaro. Cette manifestation permet à de jeunes artistes de se confronter à ce type d’événement.” L’expérience semble en effet enrichissante puisque Alain Declercq qui avait choisi de filmer une performance réunissant deux voitures tournant sans chauffeur, a dû, après bien des péripéties, s’adapter aux réalités égyptiennes...

Certes, le ballet orchestré par le Français se situe bien loin des recherches picturales des artistes venant de Bahrein, d’Arabie Saoudite ou de Syrie, la palme revenant à l’Uruguayenne Mariela Isabel Alvarez proposant – comble de l’originalité – un dessin du masque de Toutankhamon. La Biennale réserve pourtant quelques bonnes surprises, à l’image de l’installation de la Chypriote Klitsa Antoniu ou des œuvres du Pakistanais Mansoura Hassan qui se défait élégamment d’un tissu enroulé autour de lui. Il faut ainsi se débarrasser de ses préjugés pour découvrir cette manifestation internationale.

- 8e BIENNALE INTERNATIONALE DU CAIRE, jusqu’au 15 mai, plusieurs lieux dont le Musée d’art moderne égyptien, 1 1567 El Borg, Gezira, Le Caire, tél. 20 2 736 66 65

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Au Caire, une 8e Biennale d’art pharaonique

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