Anne Bonnin - Le corps et l’esprit

Au programme, une génération aux prises avec le process et une farouche poétique du matériau. « J’ai raté ma génération, sourit-elle. Celle bien cadrée des Huyghe et Parreno. Finalement, celle dans laquelle je me reconnais, celle des Guillaume Leblon, Dove Allouche ou Katinka Bock, est bien moins identifiable, mais multiplie les horizons d’interprétation. » Et des horizons, elle en aura testé quelques-uns, entre goût de l’expérience et goût de l’hésitation. Et de citer, en intraitable écho à son prénom, le paradoxe de l’âne de Buridan, mort de faim et de soif entre son picotin d’avoine et son seau d’eau, faute de choisir par lequel commencer.

Il y aura bien les planches et le cinéma. Mais la jeune Niortaise, pure silhouette rohmérienne et tête bien faite, bute sur le regard de la caméra. « J’ai détesté être malléable ; j’ai détesté être le corps des idées des autres. » Il y aura encore la philo, mention Heidegger pour un solide picotin théorique. « Trop d’idées, pas assez de corps », s’amuse-t-elle. Finalement, c’est l’art contemporain qui saura nouer les deux. Textes critiques, puis commissariat. « Me rapprocher des œuvres, c’est ce qui me manquait. » À distance de l’artiste ? « Je crois davantage aux œuvres qu’aux artistes, confirme l’intéressée. L’art engage le corps du monde », ou bien ?