Centre d'art

Ange Leccia : Ouverture du Palais de Tokyo (part II)

Par Valérie Marchi · L'ŒIL

Le 1 février 2002 - 849 mots

L’artiste Ange Leccia a été nommé par le Ministère de la culture directeur du Pavillon, l’unité pédagogique du Palais de Tokyo. La première promotion, composée de six artistes venant d’horizons différents et d’un commissaire d’exposition, a investi les lieux début novembre. Ange Leccia nous expose l’origine de ce projet, sa concrétisation et son fonctionnement.

Comment est né le projet du Pavillon pédagogique ?
J’ai enseigné aux Beaux-Arts de Grenoble pendant assez longtemps et quand je parlais des artistes avec les étudiants, j’avais toujours l’impression que mes paroles restaient un petit peu abstraites pour eux, en décalage avec la réalité. Lorsque le centre d’art du Magasin a ouvert, les étudiants des Beaux-Arts ont été invités à assister les artistes exposant dans ce lieu. Le fait de voir des œuvres se construire a été édifiant. Par exemple, lorsque Richard Long est venu, il ne savait pas au début ce qu’il allait faire. Cela leur a permis de se confronter aux doutes et aux angoisses de l’artiste, ce qui a rendu la relation plus simple et leur a vraiment donné confiance. A partir de là, j’ai compris l’utilité d’insérer de jeunes étudiants dans un tissu professionnel. Ainsi, lorsqu’à la fin des années 90, le délégué aux Arts plastiques, Guy Amsellem, m’a demandé si je souhaitais être directeur d’une école d’art, j’ai plutôt proposé la création d’une espèce de master, d’essayer de faire un lieu d’insertion de jeunes artistes dans la réalité de la monstration. De profiter de la machine du Palais de Tokyo pour que eux, habitant à l’intérieur, soient les premiers acteurs, les premiers critiques.

Comment se déroule l’enseignement ?
Je ne prédétermine pas une action pédagogique un an à l’avance, je préfère la définir une fois le groupe constitué, au mois de juin. Le programme d’actions et de rencontres se fait avec eux et en fonction de ce que le groupe dégage. J’ai donc choisi de construire l’année en trois saisons et de confier la responsabilité d’une première saison à Dominique Gonzales-Foerster qui va travailler avec eux pendant trois mois. Le thème proposé aborde l’art du futur et inclut un voyage au Mexique, à la découverte des sites précolombiens ou d’Acapulco, gloire des années 50. Après, il y aura Pierre Joseph, puis Michael Amzalag & Mathias Augustyniak, qui font par ailleurs toute la ligne graphique du Palais de Tokyo. Avec eux, on va plutôt se poser la question de la trace, peut-être du catalogue, du DVD ou du site internet.

Quelle est la singularité de cet enseignement ?
L’enseignement, dont la durée est d’un an d’octobre à juillet, ne sera pas sanctionné par l’habituelle exposition de fin de cursus. Je préfère que les jeunes artistes participent à une vraie exposition au Palais de Tokyo. En tant que premiers habitants des lieux, ils participent au débat critique et aux colloques, profitent de toutes ces rencontres enrichissantes : artistes-enseignants, intervenants étrangers, artistes exposant au Palais de Tokyo. J’ai trop souffert moi-même du fait que dans les écoles d’art, les professeurs soient nommés à vie et ne se remettent plus en question. Ici, il n’y a aucun professeur salarié, je n’ai que des artistes-invités. Ils peuvent intégrer ou non les jeunes artistes à leur travail, il n’y a pas d’obligation, c’est entre eux que cela se passe. Cela reste toujours sous la forme d’un dialogue, d’une rencontre personnalisée, il y a un temps passé, vécu au quotidien. C’est cette mise en phase qui est vraiment importante pour moi. Qu’ils soient dans un lieu vivant, ouvert, international, où ils se posent des questions, ce qui leur permet de lever un peu la tête, d’avoir un autre regard sur leur propre pratique.

Comment s’opère la sélection ?
J’ai réuni un jury avec mes partenaires directs : le Ministère de la culture, le Palais de Tokyo, l’IGEA (Inspection générale de l’Enseignement artistique), la Caisse des dépôts et consignations, l’Afaa, plus deux ou trois artistes. Nous avons passé des annonces dans des revues spécialisées et avons reçu 350 dossiers de candidature. La promotion retenue est formée de quatre Français et de trois étrangers (un Thaïlandais, une Américaine et un Suisse). J’insiste sur la présence dans chaque promotion d’un curator. C’est bien qu’il y ait avec eux quelqu’un qui soit de l’autre côté de la barrière. Il va avoir un travail d’analyse des expériences vécues, mais peut aussi se mettre à la pratique s’il le souhaite... Les artistes sélectionnés ont déjà un parcours, mais là aussi nous restons ouverts.
Il peut y avoir deux, trois personnes très pointues professionnellement puis d’autres plus débutantes.
Le groupe n’est pas forcément homogène.

Quel est le budget du pavillon ?
230 000 euros par an,  ce qui comprend entre autres  les bourses de  7 622 euros pour chacun des jeunes artistes, l’équipement, les déplacements. Le partenariat entre la Dap et la Cité des Arts nous a permis d’y loger les étudiants. Une partie du budget me permet de réagir à l’actualité, ainsi lorsqu’il y a une exposition majeure nous pouvons envisager un déplacement.

- PARIS, Palais de Tokyo, Pavillon pédagogique, 13, av. du Président Wilson, tél. 01 47 23 54 01, www.palaisdetokyo.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°533 du 1 février 2002, avec le titre suivant : Ange Leccia : Ouverture du Palais de Tokyo (part II)

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