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Alain Seban, président du Centre Pompidou : « Notre collection doit devenir globale »

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 6 août 2012 - 3542 mots

PARIS

Reconduit pour trois ans à la présidence du Centre Pompidou en février, l’ancien conseiller pour la culture du président Jacques Chirac ne cache pas son ambition d’oser une politique de « marque »

Fabien Simode : Lors de votre nomination en 2007 à la tête du Centre Pompidou, vous remettez « les publics » au cœur de votre plan stratégique pour l’institution. Pourquoi avez-vous senti le besoin de réaffirmer la place des publics ?
Alain Seban : Tout simplement, parce que les publics sont au cœur de l’acte fondateur du Centre Pompidou qui veut rendre la création contemporaine accessible à tous, avec l’idée que plus une société est ouverte sur l’art de son temps, plus elle est mobile et plus elle est apte à se moderniser. Dans l’esprit de son initiateur, le Centre Pompidou était ainsi un élément d’un grand dessein politique de modernisation de la France. La mission même de l’institution, c’est donc de s’adresser à un très large public.

F.S. : Pourquoi avez-vous senti la nécessité de revenir aux missions fondatrices du Centre Pompidou, trente ans après sa création ?
A.S. : On ne fait jamais fausse route quand on revient aux fondamentaux. J’ai été nommé par Jacques Chirac, dont j’ai été le conseiller. Il attachait beaucoup d’intérêt au Centre en tant qu’élément de l’héritage du président Pompidou. Avant ma nomination, j’ai d’ailleurs passé beaucoup de temps avec Mme Pompidou à parler de mes projets. Ayant eu la chance de préparer à l’Élysée le trentième anniversaire du Centre, j’avais demandé à Bruno Racine de me transmettre tout ce qu’il possédait sur son histoire. À cette occasion, j’ai ingurgité un bon mètre cube de documents sur la genèse et l’histoire de l’institution ! J’y ai découvert un établissement passionnant, mais embarrassé d’une sorte de mythe de l’âge d’or avec son refrain insupportable : « C’était mieux avant. » Je me suis dit qu’il fallait enjamber ce mythe et, pour cela, le plus simple était de retourner à la pensée du fondateur : ce que Georges Pompidou avait imaginé et que l’on n’avait pas complètement réalisé.

Pompidou a pensé le Centre dans les années 1960, lorsqu’il était Premier ministre. Nous nagions alors en plein dans les Trente Glorieuses. Or lors de l’ouverture en 1977, nous étions déjà à la veille du second choc pétrolier et d’une crise profonde. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau, avec la mondialisation, dans une vaste course à la modernisation. Toutes les nations sont engagées dans l’urgence de se moderniser mais, à la différence des Trente Glorieuses, sans idéologie de la modernité. La modernisation n’est qu’un processus, mais un processus qui exige agilité et mobilité permanente. La création contemporaine peut aider notre pays à s’y adapter. Le Centre Pompidou est une institution politique avant même d’être une institution culturelle.

F.S. : Paris a vu récemment s’ouvrir le nouveau Palais de Tokyo, une institution elle aussi « agile et mobile » tournée vers l’art contemporain. S’agit-il d’un handicap ou, au contraire, d’une chance pour le Centre Pompidou ?
A.S. : Je le vois d’abord comme une chance. Il est important que Paris redevienne une place dynamique sur la scène de l’art contemporain. Les initiatives comme Monumenta, l’art contemporain à Versailles, la Fiac et le Palais de Tokyo renforcent puissamment la visibilité de notre capitale et incitent les grands artistes et les grands collectionneurs à y venir plus souvent, ce qui aura un effet positif pour le développement du mécénat. Ensuite, je ne vois pas de compétition de territoire entre ce que Jean de Loisy va faire au Palais de Tokyo et ce que nous allons poursuivre au Centre Pompidou. Nous sommes sur des terrains complémentaires. Nous sommes un musée, donc une collection, un lieu qui doit penser le long terme, qui doit raisonner dans une optique scientifique très différente de celle d’un centre d’art. En même temps, nous sommes un musée d’art contemporain. Nous devons donc continuer d’être en lien avec les artistes. Nous avons besoin d’avoir une dimension de laboratoire (même si le mot est galvaudé), la possibilité de nous tromper, d’expérimenter, de travailler avec des jeunes artistes. C’est pour cela que le MoMA s’est marié avec le PS1, que la Tate Modern le développe avec ses propres moyens et que nous imaginons le Nouveau Festival ou les rendez-vous du Forum.

F.S. : Mais tout de même, l’énergie du Palais de Tokyo ne risque-t-elle pas de faire prendre un coup de vieux au Centre Pompidou ?
A.S. : Mais nous revendiquons le fait d’être une institution ! C’est un rôle indispensable et que nous seuls pouvons assumer à Paris. Demandez aux artistes si les institutions ne sont pas importantes ! Mais être une institution, cela ne veut pas dire être immobile : il faut que le Centre Pompidou ait en son sein la capacité de se renouveler, d’inventer, de lancer de nouvelles formes, d’être ouvert aux pratiques les plus innovantes de la création. Ce serait compliqué, en effet, si le Palais de Tokyo possédait comme nous une collection, une équipe de conservation, etc. Mais il est un centre d’art avec une tout autre logique que la nôtre. Je le répète : le Palais de Tokyo, le Jeu de paume, le Plateau, la Fondation Cartier, la Fondation Ricard, Bétonsalon… ajoutent au dynamisme et à la visibilité de Paris et, donc, participent d’un écosystème qui favorise le développement du Centre Pompidou.

F.S. : Dans l’acte fondateur du Centre est également inscrite la pluridisciplinarité. Une exposition comme « Danser sa vie » a-t-elle été dans ce sens ?
A.S. : En 2007, j’ai défini trois axes dans notre programmation d’expositions : premièrement les expositions historiques, qui doivent porter un discours original d’histoire de l’art, comme celles que nous avons réalisées récemment sur Munch et Matisse ; deuxièmement les monographies contemporaines, qui font une large place aux artistes de la scène française (Soulages, Villeglé, Morellet…), mais aussi à des monographies de milieu de carrière, comme Othoniel l’an dernier, Adel Abdessemed cet automne et Pierre Huyghe en 2013 ; troisièmement les expositions de société, qui montrent comment les artistes se saisissent des grandes questions qui agitent le monde contemporain. Je reconnais que nous avons des difficultés à faire émerger de bons projets sur cette dernière ligne. Il ne s’agit plus de refaire les expositions du CCI, mais bien d’exposer de l’art contemporain, sans l’instrumentaliser. Nous expérimentons avec « Traces du sacré », « Dreamlands », « Paris-Delhi-Bombay… » ou « Danser sa vie ». Une chose est sûre, je ne vais pas baisser les bras, car je suis persuadé qu’il y a là un axe passionnant et bien dans la vocation du Centre Pompidou.

F.S. : N’y a-t-il pas un effort à faire pour aller plus loin encore dans la pluridisciplinarité, du côté de l’Ircam et de la BPI par exemple ?
A.S. : Je ne suis ni le patron de l’Ircam ni celui de la BPI, même si j’en préside le conseil d’administration. La BPI est fondamentale pour le Centre. Elle reçoit près de 1,5 million de lecteurs dont 75 % ont moins de 26 ans. C’est une chance pour un musée d’avoir autant de jeunes dans ses murs. S’ils ne viennent pas nécessairement voir des expositions, ils développent une familiarité avec l’institution qui fait que demain, au cours de leur vie professionnelle, ils se sentiront attachés au Centre Pompidou. Avec Patrick Bazin [le directeur de la BPI], nous clarifions d’abord nos territoires respectifs d’actions culturelles. Je veux recentrer le Centre Pompidou sur les arts visuels. Vous n’y trouverez plus, par exemple, de conférences sur les sujets de société ou sur la littérature, thèmes qui ont été repris par la BPI. Ensuite, il n’y a aujourd’hui aucune chance qu’un visiteur du musée aille à la BPI parce qu’il faut ressortir du bâtiment, affronter la file d’attente… De son côté, le lecteur de la BPI qui voudrait visiter le musée perdrait sa place de lecture. Nous imaginons donc avec Patrick Bazin des espaces qui permettront d’articuler la BPI et le Centre Pompidou, pour que le lecteur puisse enfin aller au musée et revenir à la bibliothèque sans perdre sa place et que, à l’inverse, le visiteur du musée puisse se rendre à la bibliothèque pour voir une exposition de B.D. ou consulter un livre d’art… Tout cela nécessite d’intervenir sur l’architecture de manière très légère, ce que nous sommes en train d’envisager avec Renzo Piano et Richard Rogers.

F.S. : Et avec l’atelier Brancusi…
A.S. : Je souhaite en effet rattaché physiquement l’atelier Brancusi au musée. Aujourd’hui, l’atelier, qui est le plus bel ensemble patrimonial de notre collection, reçoit trois cents visiteurs par jour alors qu’il est gratuit. Le musée attire, lui, sept mille personnes chaque jour. Il faut donc impérativement relier l’atelier au bâtiment principal. Nous le ferons par un jardin, qui manque, par ailleurs, au quartier.

F.S. : Les budgets s’amenuisent quand la collection, elle, ne cesse de s’enrichir… Il va se poser inévitablement la question de la conservation des œuvres, de leur numérisation ou de leur indexation, qui représentent un coût. Quelle est votre position sur l’inaliénabilité des œuvres d’art ?
A.S. : Je suis profondément attaché à l’inaliénabilité. Soit vous vendez des œuvres de deuxième zone et vous n’en tirez pas beaucoup d’argent, soit vous vendez des chefs-d’œuvre pour acheter de plus grands chefs-d’œuvre – ce que fait très bien, par exemple, le MoMA –, mais ce n’est pas la logique de notre collection. La collection du Centre Pompidou n’est pas une collection de chefs-d’œuvre, mais elle documente la production d’un certain nombre de grandes figures de l’art moderne et de l’art contemporain, dans le monde entier et dans tous les domaines de la création. Il s’agit d’une collection encyclopédique…

F.S. : À terme, la crise ne risque-t-elle pas de changer la donne ?
A.S. : Lorsque j’ai élaboré ma stratégie pour le Centre, je suis parti de l’hypothèse que la contrainte sur les finances publiques serait durable. Je n’ai pas été détrompé puisque l’an dernier, alors que le budget du ministère était préservé, notre subvention de fonctionnement a été réduite de 5 %, un coup très dur pour l’institution. Nous sommes responsables. Ainsi, nous ne construirons pas des milliers de mètres carrés qui engendreraient d’importants coûts de fonctionnement. J’ai en revanche imaginé un modèle dans lequel nous générons plus de ressources propres. Notre autofinancement est passé de 20 à 30 % en cinq ans – cela représente 10 millions d’euros en plus chaque année –, et je pense qu’il faut désormais arriver à 35 ou 40 %. Nous atteindrons d’abord cet objectif par la compression des coûts, la RGPP nous ayant déjà obligés à réduire fortement les effectifs (- 5 % en trois ans). Puis, il faudra développer davantage nos ressources personnelles (billetterie, éditions, mécénat, locations commerciales…). Mais soyons réalistes : celles-ci ont augmenté en cinq ans de 50 %, on ne va pas pouvoir rééditer cet exploit. Il va donc falloir imaginer de nouvelles solutions, comme la valorisation de notre ingénierie culturelle – la manière de faire ou de diriger un musée a été insuffisamment valorisée à mon sens – et de nos actifs actuellement peu mis en valeur : notre collection et, bien entendu, notre marque.

F.S. : Et la marque « Centre Pompidou »…?
A.S. : La marque « Centre Pompidou » n’est certainement pas assez exploitée. Nous le voyons avec le succès du Centre Pompidou-Metz : il y a du potentiel et nous devons encore la développer. Elle ne vaut peut-être pas 450 millions d’euros comme la marque Louvre à Abu Dhabi, mais elle a tout de même une réelle valeur.

F.S. : Ne pensez-vous pas avoir une longueur de retard par rapport à la marque Guggenheim ?
A.S. : C’est pour cela que nous inventons un modèle différent. Nous devons articuler la stratégie de développement de nos ressources propres avec une stratégie de développement international qui prend en compte la globalisation de l’art. C’est pourquoi la collection doit devenir globale. Le Louvre n’a pas de problème de cet ordre, sa collection étant au demeurant largement constituée. Pour nous, il ne s’agit pas seulement d’aller là où il y a de l’argent, mais en Chine, au Brésil, en Inde, dans les nouveaux territoires de l’art contemporain. Là, nous devons tisser un réseau, mieux connaître les artistes, trouver des soutiens auprès des acteurs du marché de l’art et des collectionneurs qui vont nous permettre de faire entrer des œuvres clés dans notre collection. Or, les pays que je cite ont la capacité de créer leurs propres marques et la volonté de le faire. C’est légitime. La Chine va vouloir développer son grand musée d’art contemporain, et elle ne souhaitera sûrement pas qu’il soit une simple franchise du Centre Pompidou. En revanche, notre expertise peut intéresser les Chinois pour construire leur marque, mieux s’inscrire sur la carte de l’art contemporain et, pourquoi pas, bénéficier de l’aura de notre marque pendant une durée limitée, à l’issue de laquelle nous leur rendrons les clés afin qu’ils achèvent de développer eux-mêmes ce que nous aurons lancé avec eux.

F.S. : Le bâtiment certes « manifeste » de Piano et Rogers ne rentre pas, avec ses grandes baies vitrées non favorables aux économies d’énergie, dans les clous de l’écologie. Comment conserver cette architecture tout en l’inscrivant davantage dans son époque ?
A.S. : Ce bâtiment est une chance formidable. Il est l’une des icônes du XXe siècle que tous les musées, depuis trente ans, ont tenté d’imiter. S’il n’est pas encore classé, il le sera inévitablement un jour. Il a très bien résisté à l’usage grâce à un entretien très soigneux. Mais il est usé par la fréquentation. Les travaux de 1997-2000 ont permis d’étendre le musée, d’agrandir la bibliothèque, de modifier les circulations, mais ils n’ont pas touché aux infrastructures techniques : la climatisation, les ascenseurs, les escalators, les façades. Tout est d’origine, de conception ancienne, puisque le concours d’architecture date de 1972, c’est-à-dire avant le premier choc pétrolier, au moment où la performance énergétique n’était pas la préoccupation première. Deux cabinets extérieurs spécialisés que j’ai missionnés nous ont permis d’évaluer l’ensemble des travaux qu’il faut envisager et qui représentent près de 200 millions d’euros à étaler sur plusieurs années. L’État a déjà débloqué 30 millions d’euros pour la réfection de la climatisation et nous autofinançons un plan d’amélioration de la sécurité des œuvres de près de 10 millions d’euros. Ces travaux seront réalisés durant une période de dix ans, sans fermer le bâtiment. Je ne veux pas prendre le risque de casser la dynamique formidable qui nous porte aujourd’hui.

F.S. : Même avec du triple vitrage, le bâtiment restera consommateur d’énergie. Comment ne pas toucher à la forme du bâtiment ?
A.S. : Nous améliorerons sensiblement les choses, nous ferons baisser la facture énergétique qui est en effet élevée. Mais, évidemment, il ne faut pas se bercer d’illusions, le bâtiment ne deviendra jamais HQE, pas plus que Notre-Dame ou Versailles. C’est un chantier qui a débuté avec la rénovation des centrales de traitement d’air, qui vient de s’engager, et qui ne va pas s’interrompre pendant plusieurs années, si le ministère nous suit. S’il ne nous suit pas, nous courons alors un vrai risque de devoir fermer le Centre au public, comme ce fut le cas en son temps pour le Grand Palais.

F.S. : Comment envisagez-vous le départ prochain d’Alfred Pacquement, le directeur du Musée national d’art moderne ?
A.S. : À mon vif regret, la limite d’âge de 65 ans qui s’applique à l’ensemble de la fonction publique concernera aussi Alfred Pacquement en décembre 2013. Il sera difficile de le remplacer, car c’est un très grand directeur de musée, très respecté en France et à l’étranger, qui dispose d’un vaste réseau mondial, et avec qui je travaille dans une complicité de chaque instant. C’est une échéance importante pour le Centre Pompidou, à laquelle il faut se préparer. Je ferai prochainement des propositions à la ministre de la Culture et de la Communication pour mettre en place une procédure de sélection transparente et équitable.

F.S. : Vous avez un personnel compétent et, en même temps, extrêmement difficile, avec des syndicats forts, qu’il faut marier à des règles sécuritaires contraignantes…
A.S. : Il faut distinguer plusieurs choses. Le climat social d’abord : il y a eu un important conflit en 2009, au moment de la mise en application de la RGPP. Avec le soutien de l’État, nous avons tenu bon. Avec les représentants du personnel, j’ai voulu que nous mettions cet épisode derrière nous en renforçant le dialogue social. Par exemple, je préside dix-huit comités techniques – l’équivalent du comité d’entreprise – par an au lieu de deux ou trois auparavant. Avec Agnès Saal, la directrice générale, nous tenons beaucoup à un dialogue social franc, approfondi et sans tabou. Il faut traiter les partenaires sociaux comme des gens responsables, car ils le sont. Ils sont soucieux de l’avenir de l’établissement, et moi aussi. Je crois pouvoir dire que le climat s’est considérablement détendu. Je crois aussi que les mentalités au sein du personnel ont beaucoup évolué. Le succès porte l’ensemble des agents, car chacun d’eux y contribue. À mon arrivée, le personnel était sceptique, il ne me connaissait pas. Je crois qu’avec mon équipe, nous avons conquis sa confiance. L’état d’esprit n’a plus rien à voir avec celui que j’ai connu il y a cinq ans. Le personnel serait très déçu si la dynamique que nous avons su créer ensemble venait à se briser.

F.S. : Il est régulièrement reproché au Musée national d’art moderne de ne pas suffisamment défendre les artistes français ou de la scène française. Comment le faire selon vous ?
A.S. : À l’évidence, le Musée national d’art moderne doit avoir la collection de référence sur la scène française, voire, serais-je tenté de dire, sur l’art européen, mais ceci est une autre histoire. Les artistes français sont très soutenus dans notre politique d’acquisition, dans nos accrochages et dans notre programme d’expositions. Ce n’était peut-être pas toujours assez le cas dans le passé, mais les choses ont radicalement changé. S’il y a un défaut de soutien des artistes français, c’est sur un plan plus général qu’il faut le situer : la scène française n’est pas assez soutenue par l’ensemble des acteurs, par les collectionneurs, par la presse, par la critique, par l’Université… En France, on a peur d’être chauvin. C’est culturel, mais c’est stupide. Je peux vous dire que je n’ai pas entendu un seul Anglais dire du mal de Damien Hirst à l’occasion de sa récente exposition à la Tate. Ici, quand on expose un artiste français, quand un artiste français reçoit un prix, quand il est sélectionné dans une manifestation internationale, il y a à peu près la moitié du monde de l’art qui explique doctement à qui veut l’entendre qu’on aurait dû en choisir un autre. Il faut sortir de l’hypocrisie : on ne mènera une politique efficace de soutien à la scène française qu’en unissant nos efforts autour d’un nombre réduit de priorités.

F.S. : Beaucoup d’artistes des générations de la Figuration narrative ou libre, par exemple, se disent oubliés, voire ignorés. Que faire pour eux ?
A.S. : Les dix-huit mille artistes inscrits à la Maison des artistes n’auront pas tous une exposition au Centre Pompidou, ni même au Palais de Tokyo, même si cela peut paraître injuste. Des générations d’artistes ont sans doute été sacrifiées. Mais notre politique ne peut pas courir en permanence derrière les erreurs du passé. Aujourd’hui, il faut se donner des priorités crédibles. Nous ne sommes pas dans une logique de réparation, mais de promotion. C’est par exemple pour cela que j’ai voulu des rétrospectives de milieu de carrière et plus seulement de consécration. Organiser une rétrospective consacrée à Jean-Michel Othoniel, alors qu’en France son œuvre est parfois taxée de « décorative », comme pour le punir d’avoir du succès – quelle absurdité –, c’était bien sûr lui rendre justice en démontrant combien son travail est nourri de blessures intimes profondes, mais cela lui a surtout donné une visibilité internationale exceptionnelle puisque l’exposition s’est ensuite déplacée en Corée, au Japon, à New York… Là, je me dis avec une certaine fierté que nous faisons ce que nous devons faire, vis-à-vis d’un excellent artiste de la scène française.

Un nouvel élan pour la Centre Pompidou Foundation

Cet été, le Centre Pompidou a présenté la nouvelle équipe dirigeante de la Centre Pompidou Foundation, fondation de droit américain qui apporte son soutien aux projets et aux acquisitions du Centre depuis sa création en 1977. La fondation, qui avait d’abord permis à la collection du Mnam de rattraper son retard envers les grands Américains (Stella, Warhol, etc.), a présenté ses trois nouveaux objectifs :

1. Créer un fonds au sein de la fondation afin de lever des financements pour le Musée national d’art moderne en vue de développer sa politique d’acquisition ;

2. Structurer un groupe de mécènes latino-américains afin d’aider le Centre dans ses acquisitions d’œuvres sud-américaines en vue de constituer une collection globale ;

3. Financer un poste de conservateur adjoint qui établira la liaison entre les États-Unis et l’institution française.

Ces objectifs interviennent après une période de tension entre le Centre et la fondation qui a fait entrer au Mnam pour 20 millions de dollars d’œuvres depuis 2005.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°649 du 1 septembre 2012, avec le titre suivant : Alain Seban, président du Centre Pompidou : « Notre collection doit devenir globale »

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