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Alain Le Quernec, un héros populaire

Par Gilles de Bure · L'ŒIL

Le 1 décembre 2001 - 543 mots

On le dit souvent « mal embouché », rugueux, rude, abrupt. En réalité, s’il arrive à l’affichiste Alain Le Quernec d’être un vrai dur, c’est, assurément, un faux méchant. Ce Breton pur jus, né au Faouët en 1944, élevé à Lorient, vivant et travaillant aux portes de Quimper, est un homme de granit. Emporté et enflammé. Sans doute parce qu’il porte en lui une flamme qui jamais ne faiblit. De Le Quernec, on connaît essentiellement deux types de productions. L’une, engagée bien plus que militante, lui fait mettre son talent au service de toutes les luttes : contre le chômage, contre la marée noire, contre la fermeture des conserveries et les licenciements, contre tous les silences ; pour Amnesty International, pour le Chili, pour Solidarnosc, pour les forces politiques et sociales de gauche, pour la vérité et la clarté...
La seconde, tout aussi engagée, l’entraîne sur des chemins plus culturels : de festivals en cafés-théâtres, de musées en théâtres, tout lui est bon pour susciter la curiosité et l’envie, pour organiser le partage de biens autrement plus précieux à ses yeux que ceux que vantent la publicité. Son credo est d’ailleurs aux antipodes : si celui de la publicité est « soyez différents, faites comme tout le monde », le sien est infiniment plus subtil et singulier : « L’affiche ne doit pas être l’illustration plate, servile et donc forcément limitée de son sujet, mais doit plutôt chercher à devenir une évocation parallèle, autonome en quelque sorte ». Autonomie, identité, différence, voilà qui définit au plus près le travail, l’« écriture » de Le Quernec.
Et lorsqu’on sait que la vérité d’une écriture est sa puissance d’évocation... A propos de Le Quernec, Alain Weill écrit qu’il est : « un artiste populaire ». Parce qu’il va toujours très au-delà de son art, on lui préférera l’image du « héros populaire ». On a trop souvent cantonné Le Quernec à sa Bretagne. On le dépeint comme un menhir planté sur la lande, tourné vers le grand large, avec pour horizon « le ciel allé avec la mer ». Il ne fait ni ne dit rien pour contredire. Il continue de s’ancrer au Faouët, à Lorient et à Quimper, tout en élargissant son champ jusqu’à Concarneau, Douarnenez ou Nantes. S’ancre, s’attache, s’enracine et raconte : « Le Faouët, le far ouest, comme je disais adolescent, revendiquant par ce jeu de mots approximatif cette origine du bout du monde, m’est un nom familier. Je l’ai écrit des milliers de fois dans des formulaires et toujours avec une sorte de contentement, non que cette origine soit meilleure ou pire qu’une autre, tout simplement elle me convenait. Le far ouest, c’est aussi le monde imaginaire de l’enfance, des espérances, des illusions... » Indéfectiblement breton donc, malgré son année d’études à Varsovie avec le grand affichiste Henryk Tomaszewski, malgré ses incartades du côté de Tarbes, malgré sa reconnaissance internationale... Breton, scorpion (né un 15 novembre), ancien joueur de rugby, fidèle à l’enfance, aux espérances, aux illusions. Mais c’est en Bretagne, par la Bretagne, pour la Bretagne que Le Quernec atteint des sommets. Local et universel,
il témoigne en toute occasion d’une terrible efficacité.

- PARIS, galerie Anatome, 38, rue Sedaine, tél. 01 48 06 98 81, 19 décembre-23 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°532 du 1 décembre 2001, avec le titre suivant : Alain Le Quernec, un héros populaire

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