2012 : fin de cycle ?

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2012 - 757 mots

La crise n’a pas (encore) touché les grands musées prolixes en offres nouvelles et variées au public n Mais la rentrée pourrait s’annoncer difficile.

 Des musées ouverts presque sans relâche, déclinant tous les ans une floraison d’expositions temporaires et d’événements culturels, dotés d’équipements d’accueil et d’outils numériques dernier cri, à l’exemple, notamment, du Musée du Louvre, proposant depuis peu à ses visiteurs des Nintendo DS. En une vingtaine d’années, à force de dépenses, le musée est bel et bien parvenu à s’imposer comme un lieu de consommation culturelle incontournable, contribuant notamment à la satisfaction de la manne touristique étrangère, qui représente aujourd’hui pas moins de 41,9 % des visiteurs. Tel est l’enseignement qui découle, cette année encore, de l’analyse des données collectées dans le cadre de notre enquête annuelle consacrée aux musées hexagonaux, la 9e du genre. En hausse continue, la fréquentation des musées a encore cru cette année de 5,5 % pour atteindre un total de 44,3 millions de visiteurs. Une lecture superficielle de ces données pourrait toutefois donner à penser que les musées drainent des foules compactes.

À une nuance près : ce constat ne concerne qu’une poignée d’établissements, dont les quatre parisiens (Centre Pompidou, Quai Branly, Louvre et Orsay dans le quarté ordre) qui se hissent, sans grande surprise, en tête de notre classement. À lui seul, le bassin de musées situé entre Paris et Versailles attire en effet quelque 33 millions de visiteurs. Ailleurs, la réalité est toute autre. Au LaM de Villeneuve d’Ascq les visiteurs n’auront été que 190 000 à se déplacer. Ce qui constitue pourtant une hausse de 113 %, due à l’attractivité retrouvée de ce musée de l’agglomération lilloise après une ambitieuse campagne de travaux ! Tous les ans, en plafonnant à 21 655 visiteurs annuels, la médiane des visiteurs vient d’ailleurs nous rappeler ce triste constat. La fracture muséale entre grands établissements parisiens et petits musées régionaux est donc plus que jamais ancrée dans le paysage culturel.

Des coûts considérables
Cette situation pourra-t-elle prospérer ? Si les données statistiques demeurent globalement positives, plusieurs indicateurs pourraient laisser présager d’un avis de gros temps. Alors que les ressources commerciales accusent un petit repli (-4 % en moyenne) – à l’exception notable du Centre Pompidou ( 12,7 %), devenu le plus cher des musées parisiens –, les dépenses des grands musées ne semblent pas avoir été enrayées, cela malgré l’amorce d’une décrue des subventions publiques. À titre d’exemple, les expositions temporaires auront encore coûté pas moins de 74 millions d’euros, soit une hausse de 2 %. La logique du « tout événement », considérée comme le sésame de la fréquentation des musées, peine donc encore à être révisée. Mais sera t-il possible de continuer à faire tourner au même régime la machine d’établissements publics dont les budgets de fonctionnement entrent dans une fourchette allant de 80,4 millions d’euros annuels pour le Louvre à 25 millions pour le Musée d’Orsay ? Inévitablement, la question du financement des « supers structures muséales » parisiennes sera au cœur de l’élaboration du budget 2013 du ministère de la Culture, sur lequel les services de Bercy et de la Rue de Valois sont d’ores et déjà en train de plancher. Car comme le notaient avec sagacité les rapporteurs de la Cour des comptes en 2011, dans un rapport consacré à une décennie de gestion des musées nationaux (2000-2010), les subventions et dotations pour l’ensemble des musées nationaux ont plus que doublé en dix ans, passant de 142 à 321 millions d’euros en 2010. Une tendance que d’aucuns suggèrent désormais d’enrayer.

Pour notre quatuor de tête, la rentrée 2012 pourrait donc être placée sous le signe de mesures d’économies drastiques. Les préconisations du rapport de la Cour des comptes étaient claires : couper le robinet des dépenses pour « faire mieux à moindre coût », dans une logique d’« efficience », tout en mettant en garde les patrons d’établissements publics contre la tentation de l’augmentation des coûts d’entrée – seul levier à avoir été jusqu’à présent activé – jugé comme étant incompatible « avec l’ambition de démocratisation de l’accès aux musées » serviront-elles de vade-mecum à la ministre ? Cela alors que le dispositif de défiscalisation lié au mécénat, déjà critiqué par Aurélie Filippetti, est une fois encore dans le collimateur de Bercy. Pour éviter le crash, il faudra donc progressivement décélérer. Mais aussi tâcher de redonner une certaine appétence pour la visite d’autres musées que les grands parisiens, en mettant en œuvre de véritables mesures éducatives. Soit remettre sur le métier un vrai chantier de politique muséale.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°372 du 22 juin 2012, avec le titre suivant : 2012 : fin de cycle ?

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