Justice - Restitutions

Le Cambodge demande à Sotheby’s de lui restituer une sculpture khmère

Par Chloé Da Fonseca · lejournaldesarts.fr

Le 2 mars 2012 - 565 mots

NEW YORK (ÉTATS-UNIS) [02.03.12] – Le gouvernement cambodgien demande à Sotheby’s New York la restitution d’une sculpture khmère du Xe siècle qui serait issue du pillage du site religieux de Koh Ker, où il ne reste aujourd’hui que les pieds et le socle de la statue disparue. Sotheby’s, sans reconnaître la provenance illégale du bien, est prête à collaborer pour le retour de la statue guerrière au Cambodge. PAR CHLOÉ DA FONSECA

Considérée par Emma Bunker, expert contacté par Sotheby’s, comme un exemple incomparable de sculpture khmère, la statue avait été estimée entre 2 et 3 millions de dollars (1,5 à 2,25 millions d’euros). Elle a été retirée des lots le 23 mars 2011, un jour avant la vente aux enchères initialement prévue, après une lettre de Tan Theany, secrétaire générale de la délégation cambodgienne de l’Unesco, dans laquelle elle réclame son retrait de la vente et son retour au pays.

La statue, représentant un guerrier khmer d’1,5 mètre de haut et datant du Xe siècle, aurait été soustraite illégalement du site de Koh Ker, à une centaine de kilomètres des célèbres temples d’Angkor Vat, durant le chaos des années 1970 entre guerre civile cambodgienne, guerre du Viêt Nam et dictature des Khmers Rouges.

Dans le New York Times (NYT), Jane Levine, directrice de la « conformité mondiale » à Sotheby’s, dit être « consciente de l’existence de visions extrêmement divergentes à propos de la façon dont il faut résoudre les conflits impliquant des objets du patrimoine culturel ». La propriétaire actuelle a acquis la sculpture à Londres en 1975. Jane Levine affirme vouloir trouver une solution équitable ; même si elle suggère qu’en 1 000 ans d’existence, la statue aurait pu être volée à n’importe quel moment. De plus, selon elle, aucune preuve ne vient étayer l’accusation de vol.

Pourtant, les pieds et le piédestal de la sculpture sont restés sur place, au Cambodge. Ce sont des archéologues qui les ont découverts en 2007 et qui avaient d’abord trouvé une correspondance avec la statue « jumelle » qui se trouve au Norton Simon Museum de Pasadena, en Californie. Car la statue fait partie d’un ensemble de deux sculptures, représentant deux guerriers au combat.

Le Département de la sécurité intérieure des États-Unis s’est saisi de l’affaire pour assurer son bon déroulement. Les officiels cambodgiens, sûrement conscients des différences de législation entre les deux pays, n’ont pas, selon Jane Levine dans le NYT, contesté le titre de propriété ni soutenu que Sotheby’s serait dans l’illégalité en vendant la sculpture millénaire. Ils ont suspendu la demande de saisie et sont en pourparlers avec Sotheby’s afin de racheter l’œuvre de façon privée, sans passer par les enchères. Selon le NYT, un collectionneur hongrois, István Zelnik, serait prêt à acquérir la sculpture pour 1 million de dollars (750 000 euros) afin d’en faire don au Cambodge.

En 1993, une loi établissait l’interdiction du retrait des artefacts culturels sans permission du gouvernement ; mais il n’existe pas d’effet rétroactif à cette loi permettant le retour pur et simple de la sculpture au Cambodge. Cependant, les avocats représentant le Cambodge pourraient user d’une loi de 1925, datant de l’époque coloniale française et qui serait encore en application, selon laquelle toutes les antiquités des temples cambodgiens sont « la propriété exclusive de l’État » et ne peuvent sortir du pays. Bien que les avocats américains reconnaissent la validité de cette loi de 1925, le Cambodge devra encore prouver que la sculpture guerrière a bien été volée et ce, après 1925.

Légende photo :

Statue d'un guerrier khmer (Xe siècle), initialement mise en vente par Sotheby's en mars 2011 avant d'être retirée de la vente au dernier moment - © Photo : courtesy Sotheby's.

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