De l’art écolo au pays de Ségolène Royal

Par LeJournaldesArts.fr · lejournaldesarts.fr

Le 7 juillet 2009 - 1001 mots

MELLE [07.07.09] - La ville, fief de Ségolène Royal organise une biennale d’art contemporain très écologique. Une manifestation qui malgré quelques incongruités remplit bien son rôle auprès des visiteurs.

Événement moins médiatique que le discours de Ségolène Royal après sa défaite à l’élection présidentielle de 2007, la 4e biennale internationale d’art contemporain de la ville de Melle se déroule du 27 juin au 30 août. Cette bourgade des Deux-Sèvres de 4000 habitants – et 1500 arbres – comme le précise Dominique Truco, la commissaire de la manifestation, présente le travail d’une trentaine d’artistes autour du thème « être arbre, être nature ».

La ville de Melle organise depuis 1989 des expositions d’art contemporain pendant la période estivale, mais la municipalité a constaté le désintérêt croissant du public pour des œuvres trop ésotériques. L’objectif des biennales dès 2003 est alors de « replacer l’art dans la ville » pour réconcilier la création contemporaine et les mellois. L’exposition prend donc la forme originale d’un parcours à travers la ville dont l’une des trois églises est classée patrimoine mondial de l’Unesco. 

Le thème de la biennale, « être arbre, être nature » fait suite à « eau, air, terre : la sagesse du jardinier » en 2007. Il s’inscrit dans l’histoire de l’art contemporain à Melle puisque les expositions estivales s’intitulaient déjà « Le Roman de la Nature » entre 1991 et 1995. Pour Dominique Truco, il s’agit bien d’une « exposition écologique ». 

On peut regretter l’assujettissement de la création à un thème médiatique qui appauvrit en définitive la signification de plusieurs œuvres qui s’inscrivent dans le rapport éternel de l’artiste à la nature. Toutefois, certains artistes présents revendiquent leur engagement, à l’exemple de Gilles Clément, le concepteur du parc André Citroën et des jardins du musée du Quai Branly. Le jardin d’orties qu’il a installé à Melle produit un purin favorisant un jardinage sans pesticide. Le mobilier créé par des éco-designers achève de donner un caractère plus écologiste qu’artistique à cette manifestation soutenue par les producteurs « bio » de la région.

Les lieux d’exposition, dans la cours d’un restaurant, chez les commerçants ou dans l’aire de jeux pour enfants ne sont pas toujours très adaptés. Ainsi les mobiles en bambou très imaginatifs de Jean-Georges Massart sont à peine visibles dans la boutique d’un opticien. Par ailleurs, plusieurs oeuvres inspirées du land art se distinguent mal d’un patrimoine naturel et local bien mis en valeur. Les seules œuvres qui bénéficient d’une salle sont exposées dans l’office du tourisme qui partage son espace avec la boutique d’artisanat « art et terroir ». 

L’édition 2007 a attiré 26 000 visiteurs ; des vacanciers essentiellement puisque Melle se situe à proximité de l’autoroute en direction de la Rochelle. Une exposition avec ce type de public qui emmène le visiteur dans les commerces, les trois églises qui font la réputation de la ville et finit à l’office du tourisme, a une vocation trop touristique pour s’intituler « biennale internationale d’art contemporain ».

Une fois dépassé ces problèmes sémantiques, on peut objectivement saluer l’effort de cette petite commune qui propose une riche programmation culturelle à ses habitants. On passe un agréable moment à s’amuser devant les poissons rouges circulant entre des orangers grâce à un long aquarium tubulaire de Jean-Luc Bichaud ou à écouter l’harmonie du chant des oiseaux dans une église grâce à Paul Panhuyssen et les « voix » des bonzaïs branchés sur des écouteurs par Christina Kubisch. Dans les salles de l’office du tourisme, le spectateur peut prendre le temps d’intérioriser le questionnement des artistes.
 
Philippe Jacquin-Ravot a peint en miniature 36 types d’arbres différents au centre de sa feuille avec une minutie de botaniste. L’ensemble s’apparente au premier abord à un recensement scientifique. Mais les arbres sont peints à l’envers. Le spectateur est mis à distance par cette anomalie. Ce n’est pas un travail scientifique mais une œuvre sur notre besoin de classification. L’artiste déclare être davantage intéressé par ce phénomène de classification que par les arbres eux-mêmes.  L’homme a besoin de définir ce qui l’entoure. La nature est tirée de son état sauvage pour être répertoriée, délimitée, codifiée. 

Même thématique dans la salle dédiée au travail d’Eva Aurich. Des dizaines de sortes de feuilles d’arbres ont été méticuleusement ramassées, photographiées en noir et blanc et parfois agrandies jusqu’à un niveau microscopique. Le nom scientifique très complexe de chaque feuille est indiqué en dessous. Là aussi la comparaison avec le travail du biologiste est évidente. Mais c’est bien le phénomène de classification que l’artiste cherche à mettre en exergue. Pour avoir l’impression de maîtriser la réalité, l’homme a posé un nom sur chaque chose. Certains de ces noms ne sont connus que des spécialistes. L’artiste espère éveiller notre curiosité avec ces mots qu’elle trouve aussi beaux qu’exotiques. « La classification enrichie notre imaginaire » déclare-t-elle.

La dernière œuvre exposée dans cet espace est celle de Samuel Rousseau. Une œuvre vidéo qui nous fait voir un arbre qui pousse puis se dénude de ses feuilles en 13 minutes. Bien que le dessin visible soit très schématique « tout a été calculé pour que le phénomène naturel soit le plus fidèlement reproduit ». Cette œuvre en noir et blanc est apaisante. On peut voir dans cet arbre tous les autres arbres, l’incarnation du mouvement perpétuel de la nature mais aussi les étapes éphémères de la vie et de la mort qui participe à ce vaste mouvement. Soudain, quand l’arbre est totalement dénudé, l’image de l’arbre mort se calque parfaitement sur celle de la branche, bien réelle, qui est devant l’écran dans la salle avec nous et que le film nous avait presque fait oublier. Le virtuel rejoint alors le réel et nous signifie qu’il ne s’agissait pas de la représentation de tous les arbres comme notre esprit a voulu le croire, mais bien d’un arbre en particulier. Dans son désir de globalisation, de maîtrise de ce qui l’entoure, notre esprit en avait oublié le particulier qui se dresse devant lui dans toute sa sensibilité.

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