Raynaud - Peinture

Par Vincent Delaury · lejournaldesarts.fr

Le 9 juillet 2008 - 476 mots

En fait, c’est de la peinture sans en faire. Pour cet artiste, le mot PEINTURE, qui est écrit noir sur blanc à l’entrée de l’expo, « dit » déjà la peinture, plus besoin de peindre, on peut exposer les pots tels quels. Ainsi, se présentent à nous une série d’œuvres (quatre pièces murales et une pièce au sol) faites d’assemblages de pots de peinture laqués blancs dont seuls les couvercles sont colorés. On a alors devant nous des compositions abstraites géométriques façon l’ultime Mondrian, celui des « danses chromatiques » de ses deux Boogie-Woogie (le Broadway et le Victory, 1943).

Les couleurs franches de Raynaud (le rouge vermillon évoquant la caserne des pompiers !) rappellent ces couleurs primaires qu’on trouve dans les livres d’enfants. C’est fait exprès, le superbe dépliant de la galerie Trigano, faisant office en quelque sorte de manifeste de ce nouveau geste de l’artiste, nous indique que c’est en voyant son jeune fils déguisé en indien que Raynaud a eu l’idée, histoire de rebondir sur ce jaillissement de couleurs festif, de faire de la peinture avec des pots.

C’est vraiment une expo gaie et ludique. La surface des œuvres est vibrante, leur structure linéaire s’en trouvant ainsi fractionnée. Il se pourrait très bien que ces kaléidoscopes chromatiques, combinant l’aléatoire, le dynamisme et la richesse des couleurs, donnent un nouvel élan à ce plasticien et c’est tant mieux - j’ai toujours aimé la radicalité du geste chez lui. Malgré cette vivacité plastique indéniable, on sent bien qu’on est toujours chez Raynaud, une salle en bas expose un assemblage de pots à couvercles noirs s’apparentant à un objet mortuaire, tel une stèle, reposant dans une « crypte » : eh oui, depuis ses débuts, Raynaud ne cesse d’être hanté par la solitude, la clinique et la mort - on ne change pas de pot, euh... pardon, de peau comme ça !

Conceptuellement, cette expo fonctionne bien. Plastiquement, elle est assez réussie. Cependant, cette proposition, aussi séduisante soit-elle dans la manifestation de l’intensité émotive et de la sensibilité pure à l’œuvre chez Raynaud, présente tout de même un petit air de déjà-vu. Le recours à l’objet (pratique certes récurrente chez cet artiste, souvenons-nous de ses valises, carrelages, drapeaux et autres pots de fleurs) fait très Nouveaux réalistes – et pourquoi pas d’ailleurs – mais ça a également tendance à donner un petit côté daté à la chose, dommage. Dans la pièce présentée au sol (Hommage à Mondrian, 2007), c’est la seule, nous a-t-on dit, où il y a vraiment de la peinture dans les pots. Idée : et si Raynaud, heureux père de famille, ouvrait direct ces pots pour permettre à l’enfant qui est en lui (ou à son fils) de jouer à son tour aux cow-boys et aux indiens avec la liquidité de la peinture et ainsi nous faire un vibrant Hommage à Pollock ?

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