Ventes aux enchères

Drouot veut se séparer de son site à Montmartre

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 12 février 2018 - 829 mots

PARIS

Lors d’une Assemblée Générale Extraordinaire qui se tient aujourd’hui 13 février, les actionnaires de la SCI Drouot Immobilier vont se prononcer sur la vente - ou non - de Drouot-Montmartre.

Les commissaires-priseurs parisiens peuvent louer l’une des 16 salles de Drouot-Richelieu pour leurs ventes de prestige mais aussi l’une des deux salles de Drouot-Montmartre pour leurs ventes courantes. Bizarrerie de l’histoire, si Drouot-Richelieu, établi rue Drouot, dans le 9e arrondissement de Paris appartient à Drouot Patrimoine, la maison mère (dont les filiales sont, entre autres, Drouot Enchères ou encore Drouot Estimation), en revanche, Drouot-Montmartre, situé rue Doudeauville à Paris dans le 18e arrondissement appartient à la SCI Drouot Immobilier, une entité distincte.

La SCI Drouot Immobilier, gérée par Me Pierre-Marie Rogeon, commissaire-priseur honoraire, envisage de se séparer de Drouot-Montmartre, également dénommé Drouot Nord. Le lieu qui regroupe deux salles de vente ainsi que des emplacements de stockage, se déploie sur 5 000 m2. « Ce projet de vente traîne depuis quelques années. C’est un site qui ne génère pas de bénéfices. Y sont dispersés des objets de faible valeur dont le produit de vente ne permet pas de payer les frais généraux du lieu », explique le gérant. « Drouot a tout intérêt à se recentrer sur son lieu d’activité qui est le plus lucratif, donc Drouot-Richelieu, pour en faire sa maison phare, en y organisant des ventes de qualité », poursuit-il.

Drouot-Montaigne avait déjà été abandonné par les commissaires-priseurs en 2012. 20 à 25 ventes de prestige y étaient organisées par an, « ce n’était donc pas un lieu rentable. Drouot-Montmartre se trouve dans la même configuration que Drouot-Montaigne », indique Pierre-Marie Rogeon. « C’est surtout que le bail de Drouot-Montaigne - situé en sous-sol du Théâtre des Champs-Elysées, un édifice classé monument historique et propriété de la Caisse des dépôts et consignations - que refacturait la SCI Drouot Immobilier à Drouot Patrimoine était extrêmement élevé. Alors nous, les jeunes commissaires-priseurs avions souhaité ne plus louer ce lieu », explique Alexandre Giquello, Président de Drouot Patrimoine.

Pierre-Marie Rogeon évoque par ailleurs l’activité de garde-meuble de Drouot-Montmartre : « en plein Paris, c’est une aberration économique ! » Autant aller dans un endroit moins cher. Et cet endroit est tout trouvé : dans le quartier de la Plaine Saint Denis, dans des locaux déjà en possession de la SCI et qui accueillent également Drouot Véhicules.

Dans un courrier en date du 30 janvier, le gérant de la SCI a communiqué à ses actionnaires - en vue de la tenue de l’Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) du 13 février - « le plan de l’aménagement d’une salle des ventes de 250 m2 environ et de stockage dans les locaux de la S.C.I Drouot Immobilier ». Le courrier indique également que le montant estimé des travaux est de 450 000 à 500 000 euros.

Mais pour enclencher la procédure (et obtenir notamment le mandat de vente), les actionnaires de la SCI Drouot vont être amenés à voter lors de l’AGE pour se prononcer, sur la vente de Drouot-Montmartre , sur le prix de vente (on parle de 10 M€) et sur la réalisation des travaux. Or, petite subtilité, « la grande majorité des actionnaires de la SCI sont les commissaires-priseurs qui exerçaient en 2002* (Paul Renaud, Eric Beaussant et Pierre-Yves Lefèvre, Thierry de Maigret, Jean-Claude Binoche, Claude Boisgirard, Marc Ferri… ) dont un certain nombre sont en retraite. La jeune génération dont je fais partie avec Etienne de Baecque, Damien Leclère, Rodolphe Tessier, Vincent Sarrou…, qui représente la moitié de Drouot, n’a pas de part dans cette SCI et ne sera donc pas appelée à voter », précise Alexandre Giquello.

« En grande majorité, les actionnaires de la SCI sont plutôt d’accord avec ces projets. On ne peut pas continuer à perdre de l’argent comme ça », s’exclame Pierre-Marie Rogeon. « Même pour nous, Drouot Patrimoine, ça n’a plus de sens de conserver cet espace », confie Alexandre Giquello, avant d’ajouter : « quant au projet de la Plaine Saint-Denis, le conseil de Drouot Patrimoine, dont, je le rappelle, la moitié des actionnaires ne sont pas actionnaires de la SCI, ne s’est pas encore positionné. Si le projet nous convient, nous louerons des salles là-bas. A moins que nous trouvions un autre local, plus propice ».

D’autres commissaires-priseurs sont plus sceptiques. « La Plaine Saint-Denis, c’est bien sympathique mais vendre au milieu des carcasses de véhicules, c’est pas terrible », s’insurge l’un d’entre eux. Quant à Alexandre Millon (OVV Millon), il estime que ce choix n’est pas logique. « On ne peut pas souhaiter d’un côté que Drouot-Richelieu augmente son standing et dans le même temps, vouloir éliminer le lieu où les plus petits objets étaient vendus. Se pose la question de savoir quelle ambition donner à tous ces lots laissés pour compte car ils sont appelés à devenir le haut de gamme de Drouot-Montmartre et je ne suis pas sûr que la Plaine Saint-Denis soit le meilleur endroit pour les disperser ».

informations* Le monopole des commissaires-priseurs en France a pris fin avec la loi du 10 juillet 2000. Elle leur a donné deux ans (jusqu’au 10 juillet 2002) pour se conformer à la nouvelle législation, c'est-à-dire se transformer en sociétés commerciales pour ceux qui souhaitaient exercer des ventes volontaires. La Chambre des commissaires-priseurs a été dissoute et Drouot Holding, devenu depuis Drouot Patrimoine, a été créé, avec toutes ses filiales. Cependant, la SCI Drouot Immobilier est restée un organe à part. Les commissaires-priseurs en fonction à l’époque étaient tous détenteurs de parts dans cette SCI. Des parts relativement lucratives, qu’ils se gardent bien de vendre.

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