Restitutions

Un vade-mecum sur le traitement des biens culturels spoliés

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 24 octobre 2017 - 652 mots

PARIS [24.10.17] - Conjointement établi par le Conseil des ventes volontaires et la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, ce document rappelle les textes et obligations auxquels sont soumis les opérateurs, sans pour autant innover.

L’époque semble être au vade-mecum. Cette typologie de petit ouvrage, destiné à rappeler avec une économie de mots des notions principales ou fondamentales, ne cesse d’être mobilisée. A chaque difficulté, à chaque sujet sensible, il semble désormais nécessaire de répondre par l’adoption d’un vade-mecum. Le monde de l’art n’échappe nullement à cette règle.

En guise de réponse officielle à l’acquisition tumultueuse des faux meubles XVIIIe par le Château de Versailles: un vade-mecum adopté en mars 2017 revenant sur les principes régissant les procédures d’acquisition. En réponse aux tensions toujours vives entre le marché et l’administration sur la question de la revendication des archives publiques : un vade-mecum finalisé en septembre 2016.

A ces deux illustrations récentes s’ajoute désormais un vade-mecum sur le traitement des biens culturels spoliés établi conjointement par le Conseil des ventes volontaires et la CIVS (Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations).

Achevé en juin dernier et diffusé publiquement depuis lundi 23 octobre, ce nouvel outil répond, cette fois-ci, à une problématique plus ancienne et surtout bien moins fréquente. Le communiqué de presse s’en fait lui-même l’écho en rappelant que la CIVS et le CVV sont « interpellés ponctuellement » sur cette question dont la réalité et la sensibilité ne doivent pourtant pas être oubliées. Ici, le vade-mecum s’enserre dans sa définition, en se contentant de mentionner les principes en la matière, au risque d’opérer des copier-coller de textes plus anciens et sans emporter une quelconque innovation.

Au rappel du cadre légal et définitionnel de la spoliation – saisie des biens par l’ERR et ventes forcées définies par l’ordonnance du 21 avril 1945 – succède le rappel selon lequel si les spoliations ont touché principalement les collections juives, d’autres collections privées d’œuvres d’art en France ont pu être concernées.

La fonction pratique du document se dévoile davantage au regard des précautions que doivent prendre les opérateurs de ventes volontaires et des obligations auxquels ils s’avèrent soumis. Et la précaution est de mise, car conformément à l’ordonnance du 21 avril 1945, il est possible de faire constater de plein droit la nullité d’une vente d’un bien spolié et de voir ordonner sa restitution si aucune action n’avait pu être menée avant le 31 décembre 1949.

Dès lors qu’un doute émerge, l’opérateur doit prendre toutes les précautions nécessaires pour vérifier l’origine du bien, conformément à l’article 1.5.1 du Recueil des obligations déontologiques du 21 février 2012. Ce doute peut résulter notamment d’un manque dans le pedigree de l’œuvre durant la période de l’Occupation ou encore de la présence de la mention « œuvre perdue » ou « œuvre détruite » dans un catalogue raisonné. L’impératif de traçabilité joue ici pleinement.

L’opérateur a également l’obligation de se renseigner sur l’origine du bien lorsque celui-ci comporte des inscriptions et numéros caractéristiques des saisies faites par l’occupant au cours des années 1940 à 1945. Face à un tel doute, l’opérateur a alors, en plus de la consultation des bases de données librement accessibles, la possibilité de saisir par l’intermédiaire du Conseil la CIVS afin de vérifier qu’aucune demande de restitution ou d’indemnisation concernant le bien confié ne lui a été adressée. Cependant, la réponse apportée ne certifie pas de manière définitive le caractère non spolié du bien, limitant alors l’intérêt d’une telle démarche sauf à fonder la bonne foi du commissaire-priseur.

Parmi les reprises in extenso de passages du rapport du Conseil de 2003 au sein du vade-mecum, figure de manière bien amère la référence à « l’attente de la mise à jour de l’ancien Répertoire des biens spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale par le ministère des Affaires étrangères ». En près de quinze ans, la mise à jour ne semble toujours pas relever d’une priorité absolue.

Légende photo

Butin allemand stocké à Schlosskirche Ellingen (Bavière - Allemagne) retrouvé par les troupes de la troisième armée américaine, 24 avril 1945 - Source Department of the US Army - Licence Domaine public

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