L’ancienne présidente de Sotheby’s France Laure de Beauvau-Craon est brusquement décédée

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 2 mai 2017 - 452 mots

PARIS [02.05.17] - La princesse Laure de Beauvau-Craon, qui a présidé Sotheby’s France une quinzaine d’années durant lesquelles elle a obtenu la fin du monopole des commissaires-priseurs, est décédée samedi 29 avril en Anjou après une attaque cérébrale à l’âge de 74 ans.

Laure de Rougemont n’était pas née princesse, ayant obtenu le titre par son mariage à 26 ans avec Marc de Beauvau-Craon, mais elle l’était devenue par son esprit. Cette grande dame, toujours élégante et réservée, a hérité de son père, officier qui a commandé les forces françaises en Allemagne dix ans durant, un solide caractère qu’elle tempérait par son humour.

Ayant passé sa jeunesse au Royaume-Uni et en Amérique, ayant appris le russe par amour de la littérature, elle a commencé comme apporteuse d’affaires auprès de Sotheby’s en usant de ses relations dans le grand monde. Elle fut ainsi à l’origine de la vente en 1986 de la collection provenant de la duchesse de Béhague à Monaco.

Devenue veuve à quarante ans, sans enfant, elle se donna corps et âme à Sotheby’s, dont elle prit la responsabilité du bureau parisien en 1991. On pouvait aussi bien la voir dans leurs bureaux du faubourg Saint Honoré en train de coller des centaines d'enveloppes pour un vernissage que rencontrer de grands collectionneurs. Certains confrères eurent à faire avec sa farouche détermination d'emporter les affaires, mais elle ne fut jamais accusée de déloyauté et dans ce milieu habitué aux scandales aucun ne l'a affectée. Ouvert par Marc Blondeau, l'antenne de Sotheby's à Paris formait alors une petite famille, chaleureuse et dynamique, comptant de jeunes experts parmi les meilleurs, comme Etienne Bréton ou Alexandre Pradère.

Laure de Beauvau-Craon engagea très vite une procédure auprès des instances européennes pour dénoncer le monopole des commissaires-priseurs, ce qui lui valut une hostilité farouche et un scepticisme affiché parmi certains cadres de sa maison à Londres. En 1997, pressé par Bruxelles, le gouvernement français adopta un projet de loi pour libéraliser le marché. Deux ans plus tard, la loi n’ayant pas été votée, la princesse mit en scène un coup de théâtre en vendant la collection de Beistegui au château de Groussay. En 2000, mise en demeure par la Commission européenne, la France se résigna à mettre fin au monopole. 

L'univers de Laure de Beauvau-Craon en a été bouleversé. La petite famille a disparu au profit d’une entreprise aux salons luxueux installés en face de l'Elysée, galerie Charpentier, exportant de plus en plus vers les salles de Londres et New York. Le grand patron Alfred Taubman, qui était devenu son ami, fut emporté par le scandale des ententes illicites. Elle quitta ses fonctions en 2004, restant toujours aimée des siens et estimée par ceux qui furent ses adversaires.

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la princesse Laure de Beauvau-Craon, présidente de Sotheby's France et son directeur du bureau de Paris, Jean-Baptiste de Proyart, posent autour de l'emblème de la maison américaine d'enchères, le 29 novembre 2001 à Paris, avant la première vente aux enchères publiques étrangères en France. © PIERRE VERDY / AFP

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