Une communauté d'internautes contre le vol d'antiquités en Inde

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 3 janvier 2017 - 631 mots

CHENNAI (INDE) [03.01.17] - Le jour, Arvind Venkatraman est un ingénieur informatique à Chennai, grande ville du sud de l'Inde. Mais sur son temps libre, il se transforme en détective sur internet pour essayer de repérer des antiquités volées dans son pays.

Arvind et d'autres passionnés d'art indien font partie de la communauté "India Pride Project" (IPP) et se coordonnent via les réseaux sociaux pour identifier à travers le monde des idoles volées dans des temples hindous. Leur but: les faire revenir au pays.

Le vol d'oeuvres d'art sévit à travers tout l'Inde mais est particulièrement actif dans la région natale d'Arvind, le Tamil Nadu. Dans cet Etat à la pointe sud du sous-continent indien, des statues religieuses vieilles de plusieurs siècles reposent sans protection dans des sanctuaires éparpillés dans la campagne. Il y a deux ans, l'IPP a revendiqué une victoire significative lorsque la National Gallery australienne a rendu une effigie de bronze du dieu hindou Shiva, évaluée à 5 millions de dollars, qui avait été volée dans un temple tamoul. Contactée par les justiciers en herbe, l'institution a d'abord rejeté l'idée que sa possession avait une provenance criminelle, se souvient Arvind. "La première réaction classique, c'est le déni", explique-t-il à l'AFP, les conservateurs étant naturellement réticents à la perspective de devoir se séparer d'oeuvres de leur musée. Alors, décrit l'ingénieur, "nous lançons parfois une campagne en ligne avec une vidéo montrant les similitudes (entre la statue volée et celle dans le musée) et en la diffusant sur internet".

Pour repérer des objets volés, les petites mains de l'IPP se plongent dans les vieux catalogues de maisons d'enchères, scrutant chaque imperfection sur les statues pour essayer de trouver des points de ressemblance. Des amateurs du monde entier se rejoignant sur leur petite page Facebook, certains sont envoyés à des expositions dans des musées ou des galeries pour y prendre des photos des oeuvres présentées.

Trafic international

Depuis la révélation de la supercherie, le musée australien poursuit en justice un ancien marchand d'art de Manhattan, Subhash Kapoor, qui lui avait vendu la statue. Objet d'une importante enquête aux Etats-Unis connue sous le nom d'"Operation Hidden Idol", l'homme a été arrêté en Allemagne en 2012 et est actuellement jugé en Inde. Accusé de vol, trafic et recel d'antiquités religieuses, datant souvent des XIe ou XIIe siècles, il nie les accusations portées contre lui.

"Ce trafic a duré de nombreuses années", raconte Prateep V Philip, qui dirige la branche locale de l'unité de police spécialisée dans le trafic d'oeuvres d'art. Les idoles dans les temples peu fréquentés sont des "proies faciles", explique-t-il: "parfois les administrateurs ne viennent pas, le temple est à l'abandon, seulement visité à certains moments de l'année. Donc quand un vol se produit, il est souvent découvert bien longtemps après".

Cette absence de supervision fait que bien des antiquités religieuses volées en Inde ne sont jamais signalées comme disparues, et peuvent donc être écoulées sans encombre sur les marchés internationaux. Donna Yates, maître de conférence sur le trafic d'antiquités à l'université de Glasgow, se souvient de son "ahurissement" lorsqu'elle a appris qu'une statue de la National Gallery australienne provenait d'un vol. "Si vous m'aviez demandé en 2011 (avant l'arrestation du trafiquant d'art présumé Kapoor) si ce genre de choses était encore possible, je vous aurais dit non. Je pensais que la vigilance des musées s'était nettement améliorée", dit-elle à l'AFP lors d'une interview téléphonique.

Le travail de terrain mené par les internautes de l'IPP peut aider à combattre ce fléau, estime-t-elle: "ce qu'ils ont réussi à faire avec aucun moyen, c'est incroyable. Ça n'est arrivé nulle part ailleurs". Son travail étant bénévole, Arvind Venkatraman dit se sentir amplement récompensé quand une statue hindoue peut retrouver son temple d'origine. "Lorsqu'une idole est enfin restituée, le temple revient à la vie", dit-il.

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque