Justice

L'artiste Déborah de Robertis jugée pour exhibition sexuelle dans deux performances

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 14 décembre 2016 - 585 mots

PARIS [13.12.16] - Jusqu'où l'exposition de la nudité lors d'une performance artistique peut-elle aller sans enfreindre la loi? La question a de nouveau été posée mardi, au procès de l'artiste franco-luxembourgeoise Déborah de Robertis pour deux apparitions partiellement dénudée dans des musées.

Le 27 mars, l'"artiste performeuse" de 32 ans s'était invitée au dernier jour d'une exposition consacrée à Bettina Rheims à la Maison européenne de la photographie à Paris. Près d'un cliché de Monica Bellucci devant un plat de spaghettis, Déborah de Robertis, vêtue d'une longue veste de vinyle rouge ouverte, laissant apparaître ses seins, s'était renversée une bouteille de ketchup sur la poitrine.

Le 18 septembre, cette fois au dernier jour d'une exposition sur le thème de la poupée Barbie, perruque blonde sur la tête, l'artiste était arrivée dans une combinaison couleur chair, qui laissait à nouveau apparaître ses seins. En haut de ses cuisses, elle arborait une abondante toison pubienne factice. L'artiste prenait, selon une visiteuse qui a porté plainte, "une pose suggestive". Il y avait "peut-être des trucs philosophiques et féministes", mais que les enfants ne peuvent pas comprendre, en tout cas aux yeux des cette femme "des trucs qui sont quand-même choquants" pour un jeune public.

A la barre du tribunal correctionnel de Paris, Déborah de Robertis explique qu'elle voulait "montrer le corps d'une vraie femme", là où "Barbie n'a pas de tétons et pas de poils sur le sexe". Elle rappelle l'omniprésence de la nudité dans l'art. La déclarer coupable serait à ses yeux "se tromper d'objet" et "mettre sur le même plan un geste mortifère", l'exhibition sexuelle, et un "geste de vie", sa performance.

"Parmi les plus chastes"

L'artiste, qui s'attache à réinterpréter une oeuvre, ne demande pas d'autorisation aux musées. Elle assure qu"'une partie du public en tout cas est enthousiaste". Le contexte est différent par rapport à une "exhibition sexuelle classique", admet la magistrate du parquet, pour qui il s'agit néanmoins d'une "vision imposée" au public. La représentante du ministère public requiert une amende de 2.000 euros.

"Quid de l'intention ?", réplique l'avocat de l'artiste, Tewfik Bouzenoune. Quand l'artiste montre sa poitrine, "ce n'est pas pour susciter du désir". Préférant au terme d'exhibition celui de "monstration", il fait valoir que celle-ci ne suffit pas à caractériser l'infraction. Et souligne que la rétrospective Bettina Rheims était accompagnée d'un avertissement au public. Plaidant la relaxe, il estime que cela n'a "rien à faire" devant un tribunal. Le jugement sera rendu le 1er février.

Comme l'avait noté la présidente, les deux performances au coeur du procès sont "parmi les plus chastes" de Déborah de Robertis. En janvier au Musée d'Orsay, elle s'était allongée dénudée sous le tableau L'Olympia, imitant ce chef-d'oeuvre d'Edouard Manet qui représente une jeune femme nue sur un divan avec, au second plan, une femme noire lui présentant un bouquet de fleurs. Peint en 1863, le tableau fit scandale à l'époque par sa représentation très prosaïque d'une prostituée. Déjà à Orsay, en 2014, elle s'était mise en scène devant L'Origine du monde de Gustave Courbet, célébrissime tableau représentant un sexe de femme, dans la même posture. A chaque fois, elle a fait l'objet d'un rappel à la loi.

Déborah de Robertis n'est pas la seule artiste à avoir récemment fait l'objet de poursuites pour exhibition sexuelle. En mai 2014, le Sud-Africain Steven Cohen, qui avait dansé le sexe enrubanné relié à un coq lors d'un spectacle sur le parvis du Trocadéro à Paris, a été déclaré coupable, mais dispensé de peine.
 

Par Sylvain PEUCHMAURD

 

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