Archéologie - Préhistoire

Le mystère des gravures rupestres multimillénaires d'Iran

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 12 décembre 2016 - 749 mots

KHOMEIN (IRAN) [11.12.16] - Cachées dans des collines du centre de l'Iran, des gravures et peintures rupestres datant de milliers d'années pourraient compter parmi les plus vieilles au monde : un archéologue iranien mise sur la récente ouverture de son pays à l'Ouest pour percer leur mystère.

Mohammad Nasserifard escalade tant bien que mal l'une des collines d'un magnifique paysage désertique de la région de Khomein. Arrivé au sommet, il pointe avec sa canne les longues cornes recourbées d'un bouquetin gravé sur un rocher il y a 4 000 ans. Accompagné de journalistes de l'AFP, il poursuit sa marche dans les collines et les chemins escarpés, dévoilant des douzaines d'autres peintures et gravures rupestres de chasseurs, animaux, danses tribales, divinités. Elles datent de plusieurs milliers d'années selon lui, mais certaines pourraient être encore plus anciennes.

En 2008, un couple de passionnés d'archéologie des Pays-Bas est venu dans la région avec le Dr Nasserifard et a estimé que certaines gravures avaient 40 000 ans, les plaçant parmi les plus anciennes de la planète. Mais les dater avec précision est impossible pour les seuls archéologues iraniens. "Les sanctions nous ont privé de la technologie" nécessaire, affirme M. Nasserifard. "Nous espérons que maintenant que la situation s'améliore, nous pourrons bientôt avoir cette technologie en Iran afin d'obtenir davantage d'informations scientifiques fiables sur ces gravures".

Les sanctions internationales liées au programme nucléaire de l'Iran, en partie levées en janvier après un accord avec les grandes puissances en juillet 2015, ont privé les scientifiques iraniens de contacts avec leurs collègues étrangers, de techniques modernes et de fonds pour la recherche. De plus, l'art rupestre n'a jamais été une priorité en Iran où l'histoire pré-islamique peut être un sujet de controverse. C'est par sa seule détermination que Mohammad Nasserifard a pu, au cours des années, dévoiler quelque 50 000 peintures et gravures sur pierre, après avoir parcouru 700 000 km dans tout le pays.

Trouver un trésor

Devenu passionné d'art rupestre après avoir lu un article dans un magazine allemand, il s'est mis à arpenter l'Iran. Il se souvient avec émotion de sa première découverte lors d'un pique-nique dans les collines de la région de Khomein en 2002. "J'étais si excité! C'était comme trouver un trésor". Depuis, les découvertes de ce professeur d'université ont été cataloguées par la Fondation Bradshaw en Suisse, spécialisée dans l'art rupestre, attirant l'attention des experts à travers le monde. "Son travail est vraiment important: il y avait ces trous noirs sur la carte que nous commençons enfin à remplir", déclare à l'AFP Geneviève von Petzinger, spécialiste des grottes préhistoriques et auteure de l'ouvrage "Les premiers signes: percer les mystères des plus vieux symboles au monde".

Les gravures découvertes par l'archéologue iranien pourraient remonter à l'époque où les humains ont effectué leurs premières incursions hors d'Afrique, selon elle. Elle renforcent l'hypothèse du développement par les hommes d'une tradition artistique commune avant qu'ils ne quittent l'Afrique, ce qui explique qu'on retrouve les mêmes formes et symboles dans des endroits aussi éloignés les uns des autres que la Californie (ouest des Etats-Unis), l'Espagne et l'Afrique du Sud. "L'Iran pourrait être une pièce réellement importante du puzzle", selon Geneviève von Petzinger. "C'est un lieu hautement stratégique, les hommes y migraient pour aller à la fois vers l'Est et vers l'Ouest".

Méthodes très coûteuses

De nouvelles méthodes telles que la datation à l'uranium, plus performante que celle au carbone pour placer dans le temps des échantillons plus anciens, sont désormais indispensables, de même qu'un travail archéologique approfondi, afin de contextualiser les découvertes de M. Nasserifard. "Ces nouvelles méthodes sont très coûteuses", selon la spécialiste suisse. "Le Dr Nasserifard a fait un travail assidu, mais il doit pouvoir accéder aux grands laboratoires (étrangers) et nous espérons qu'on pourra venir (en Iran) pour l'aider". Les collines de Khomein en Iran sont typiques d'autres régions du monde riches en art rupestre: des zones autrefois fertiles en bord de rivière où les hommes avaient choisi de s'installer. Ici comme ailleurs, les artistes se sont concentrés sur une seule image: 90% des oeuvres iraniennes répertoriées par M. Nasserifard représentent des bouquetins.

En Afrique du Sud, des peintures étrangement similaires à celles d'Iran représentent avec obsession un mouton aux cornes immenses. "Nous ne savons pas pourquoi ils choisissaient un motif favori, mais le même se retrouve en des endroits très différents", souligne Peter Robinson de la Fondation Bradshaw. Ce qui est clair selon lui, c'est cette "caractéristique innée de l'homme de vouloir laisser sa marque sur un mur, faire un graffiti".

Légende photo

Gravures rupestres à Torghabeh (Iran) © Photo Dynamosquito - 2011 - Licence CC BY-SA 2.0

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