Archéologie

La grotte de Lascaux est « tranquille » mais reste « fragile », selon Yves Coppens

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 9 décembre 2016 - 674 mots

PARIS [08.12.16] - Algues vertes, champignons blancs, taches noires : depuis sa découverte en 1940, la grotte ornée de Lascaux en a vu de toutes les couleurs mais ces sept dernières années, « elle est restée tranquille » et n'a pas connu de crise, déclare Yves Coppens, président du Conseil scientifique du site.

Agée de 18 000 ans environ, "la grotte est très stable", indique à l'AFP le paléoanthropologue appelé au chevet de la grotte en janvier 2010 par Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture. A l'époque, la polémique enflait, l'Etat français étant accusé par des associations de ne pas réussir à conserver la grotte, fermée au public depuis 1963 mais gagnée au milieu des années 2000 par d'inquiétantes taches noires.

"Et l'Unesco menaçait de mettre la grotte, classée au patrimoine mondial, sur la liste du patrimoine en danger", rappelle Yves Coppens, lors d'un entretien à son domicile parisien. Professeur honoraire au Collège de France, le co-découvreur de la célèbre australopithèque Lucy, âgé de 82 ans, s'est entouré d'experts français et étrangers pour former un Conseil scientifique international indépendant. "J'ai eu beaucoup de chance. Pendant ces sept années, la grotte a été d'un calme... Elle a été très sympa avec moi", dit Yves Coppens dont le deuxième mandat de président s'achève l'an prochain. "Cela étant dit, nous restons extrêmement vigilants. La grotte reste fragile". Placée sous la garde d'une conservatrice du patrimoine, Muriel Mauriac, qui en limite de façon très rigoureuse l'accès, ce chef-d'oeuvre de l'art pariétal du Paléolithique "est observé en permanence", ajoute-t-il. "C'est une grotte vivante, la météo s'y reflète, elle est habitée par toutes sortes de micro-organismes, de champignons, et même des petits insectes". "Ma démarche été de mieux comprendre ce qu'était la grotte, ce qui s'y passait, pour mieux agir ensuite". Avec des experts en hydrologie, biologie, géologie, et étude du sol notamment, "nous avons cerné tous les dangers" pour la grotte.

"Chair de poule"

Un des principaux "soucis" restent les "étranges taches noires", qui ont fait l'objet d'un traitement avant l'arrivée d'Yves Coppens mais pas depuis. "Elles sont en réduction dans la plupart des zones de la grotte mais nous restons vigilants". "Elles sont troublantes car parfois elles se développent, parfois elles régressent. Elles restent petites et n'ont pas affecté les surfaces ornées", assure-t-il.

Autre "préoccupation" : "les vermiculations", petites excroissances à la fois minérales et organiques apparues sur des fissures de la roche. "C'est un phénomène banal mais nous avons toujours peur que cela finisse par jouer un tour aux peintures, même si ce n'est pas le cas actuellement". "Nous sommes en train de trouver des moyens de réduire ce phénomène, voire de l'empêcher", assure-t-il.

Plusieurs actions concrètes ont été menées ces dernières années dans la grotte. "Nous avons changé toute la machinerie de ventilation car elle commençait à rouiller. Une opération délicate qui s'est bien passée". "Et nous avons arrêté de pomper le gaz carbonique", après plusieurs années d'extraction.

Les malheurs de la grotte découlent de son aménagement très brutal en 1947, qui a déséquilibré tout l'écosytème. Elle a aussi dû faire face à un afflux de touristes, qui ont rejeté beaucoup de gaz carbonique, jusqu'à sa fermeture au public. Résultat : elle est tombée malade plusieurs fois. Une invasion d'algues vertes en 1960 est traitée de façon radicale, avec du formol. Puis, en 2000, des taches blanches liées à la prolifération d'un champignon apparaissent sur les bas des parois et sont éradiquées avec un fongicide. Mais l'emploi de ce dernier a favorisé l'apparition des fameuses taches sombres dues à des champignons, qui ont été traitées par un produit antimousse.

Yves Coppens connaît la grotte depuis longtemps. Vers l'âge de 13 ans, passionné de préhistoire, il était venu admirer la grotte avec ses parents. "J'ai eu la chair de poule. C'était un sanctuaire. Nous étions dans un monde religieux", se souvient-il. D'ailleurs, "il me semble que si j'étais seul dans la grotte, j'aurais peur que ces animaux lancés au galop m'entraînent vers les cieux ou les enfers de ces gens...", confie-t-il en souriant.
 

Par Pascale MOLLARD-CHENEBENOIT

 

Légende photo

Yves Coppens © Photo Gerbil - 2008 - Licence CC BY-SA 3.0

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