Justice

La commode douteuse classée trésor national fait des vagues

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 26 septembre 2016 - 600 mots

PARIS [26.09.16] - L’histoire de la commode censée provenir du frère du grand Colbert suscite de premières réactions. Les amis de Versailles ont tenu à rendre hommage à leur président sortant, l’expert Roland de l’Espée. L’ancien conservateur du Louvre Daniel Alcouffe, lui, revient sur sa position.

Nouvel épisode du feuilleton des faux dans le mobilier et la peinture ancienne qui atteint les musées nationaux. L’histoire rapportée par Le Journal des arts d’une commode déclarée « trésor national » a soulevé une certaine émotion. Censée avoir appartenu à Charles Colbert et attribuée à l’ébéniste Oppenordt, elle était proposée à la vente pour 9,5 millions d’euros par l’expert Roland de l’Espée, alors même qu’un examen de dendrochronologie datait les bois de la fin du XXe siècle. Celui-ci a cependant protesté de sa bonne foi.

Première à réagir, l’association des amis de Versailles dont le baron de l’Espée a exercé la présidence de 2009 à juin dernier. Son successeur, Thierry Ortmans, a tenu à lui rendre hommage: « Roland de l’Espée est l’un de nos plus anciens membres, il fait partie du conseil d’administration depuis plus de trente ans », nous a-t-il déclaré. A ses yeux, il n’y avait « pas de risque latent de conflit d’intérêt », dans la mesure où « Roland de l’Espée est avant tout un expert, et un expert reconnu en mobilier et objets d’art », ses activités de marchand paraissant secondaires. « Au contraire, ce statut pouvait servir les intérêts tant des amis de Versailles que du château dans la mesure où il connaît bien le marché », ce qui lui permettait « d'attirer l’attention sur certains objets et meubles à acquérir ». De plus, souligne-t-il, « il a toujours été entendu qu’il ne ferait aucune affaire avec le château ».

Dans la foulée, l’association, qui compte 5 195 membres, a mis en ligne l’éloge rendu lors de son assemblée générale du 2 juillet au « règne de M. de l’Espée », au cours duquel elle a pu apporter cinq millions d’euros de mécénat à l’établissement.

Cette position contraste avec la première réaction de la présidente de l’établissement, Catherine Pégard, qui s’était dite « scandalisée à l’idée que le prestige de Versailles puisse se retrouver associé à cette affaire ». L’association, qui a notamment entendu les conseils de prudence de l’ancien conservateur du mobilier Christian Baulez, trouve d’autant plus injustifiée sa mise en cause qu’elle s’est bien gardée d’apporter une contribution aux sièges censés provenir du mobilier royal dont l’authenticité est aujourd’hui disputée. « Elle n’a jamais financé l’achat d’un bien culturel qui a été contesté dans les articles publiés », a ainsi tenu à souligner Roland de l’Espée devant l’AG. Incidemment, ayant décidé de prendre sa retraite à Prague, il a rappelé avoir exprimé le souhait de quitter la présidence des amis dès 2013, des années avant que le scandale n’éclate.

Quant à Daniel Alcouffe, ancien chef du département des objets d’art au Louvre, qui avait bien voulu écrire une lettre pour recommander chaleureusement la commode, il revient désormais sur sa position. « Roland de l’Espée est un ami de quarante ans, nous a-t-il expliqué, j’ai écrit cette lettre pour l’aider à trouver un acquéreur dans l’espoir de maintenir en France (1) cette commode que j’avais vue en cours de restauration, et dont la marqueterie et les bronzes m’avaient vivement impressionné ». Mais ce conservateur unanimement respecté reconnaît aujourd’hui, après « avoir poursuivi ses recherches », qu’il « ne recommanderait plus ce meuble à l’heure actuelle ».

Note

(1) En réalité, sans qu’il en soit informé, elle a été proposée, en juin encore, à un collectionneur à Londres.

Légende photo

La commode litigieuse, attribuée à Jean Oppenordt. Photo D.R.

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