Ventes aux enchères

L’Hôtel Drouot ne veut pas être mis en cause

Par Éléonore Thery · lejournaldesarts.fr

Le 31 mars 2016 - 663 mots

PARIS [31.03.16] – Alors que de nombreux témoignages laissent entendre que « tout le monde savait », dans l’affaire des « cols rouges », y compris la direction de l’Hôtel Drouot, celle-ci a tenté de démontrer son statut de victime.

Ce mercredi 30 mars après-midi, la salle des criées du Palais de Justice est comble comme au premier jour, les dizaines de prévenus, parties civiles et avocats divers massés sur les bancs, tandis que les caméras attendaient à l’extérieur. Les plaidoiries des parties civiles débutent : tout d’abord celles des héritiers lésés, tantôt percutantes, tantôt émouvantes tantôt interminables.

Après d’autres interventions, certaines incongrues, dont l’une provoquant l’ire de la présidente et un fou rire étouffé de la procureure, vient alors celle de Drouot, représenté par Maître Karim Beylouni. « Ce n’est pas un dossier, mais aussi une rumeur qui est entrée dans la salle des criées : on vole à Drouot, on le savait et tout le monde en profitait » débute-t-il, théâtral. Et l’avocat de dénoncer pêle-mêle les colporteurs de rumeurs dans les dîners en ville, la stratégie de défense des commissionnaires en général et celle du gérant de l’UCHV en particulier ou encore celle des services de police « une honte à votre tribunal » commente-t-il. Accuser Drouot serait selon lui « la défense du pyromane qui met en cause l’exploitant forestier et le fabricant d’allumettes ».

Puis Maître Beylouni se charge de rappeler « quelques vérités incontournables ». Tout d’abord, ne pas confondre l’institution Drouot et l’UCHV, cette union des commissionnaires composés d’individus associés, indépendants et autonomes, sur lesquels Drouot n’a pas de lien hiérarchique. « La réalité, c’est que Drouot travaillait avec eux car il avaient un savoir-faire unique dans la manutention et la manipulation d’œuvres d’art » détaille-t-il. Pourquoi Drouot a-t-elle attendu 10 mois pour se séparer de l’UCHV ? « Seuls huit cols rouges sont concernés quand l’affaire éclate, il faudra attendre la mise examen de la personne morale de l’UCHV pour cesser toute relation » justifie l’avocat.

Ce dernier tient également à faire le distinguo entre Drouot et les commissaires-priseurs eux-mêmes. « Il faudrait démontrer que les responsables de l’Hôtel Drouot étaient au courant ». Quid des propos explicites de Pierre Bergé, de maîtres Poulain à ce sujet ? L’avocat les balaie d’un revers de main, indiquant que chacun avait intérêt à enfoncer Drouot, l’un candidat malheureux à son rachat, le second concurrent direct. « 95% des commissaires-priseurs ne sont pas concernés » souligne-t-il, avant de préciser que tous les vols des commissionnaires ont bien été commis à l’insu des commissaires-priseurs. « Il n’y a pas de système Drouot » martèle-t-il.

« Drouot est une victime » veut démontrer l’avocat, qui pointe « un préjudice matériel et d’image ». D’une part, les objets dans son enceinte étant sous sa garde légale, l’institution engage sa responsabilité civile et se voit obligée de verser des indemnisations si des vols y ont lieu. D’autre part, la société étant rémunérée notamment via un pourcentage sur les ventes aux enchères, un vol commis avant la vente le prive du produit de la vacation. « Je veux répondre à l’allégation que plus on vole, plus on remet en salle » précise-t-il à l’adresse de l’avocate de l’ex-gérant de l’UCHV. Enfin, l’avocat évoque le préjudice lié à la réputation de l’Hôtel des ventes, soulignant qu’il attire grâce à sa notoriété et à la confiance qu’il peut susciter. Les affaires comme celle d’ Eileen Gray ? « La risée de tous pour Drouot » se plaint-il. Citant des articles de presse très approximatifs, il explique : « lorsque s’étale dans la presse ce système organisé dans ce lieu, cela ne peut que lui causer un préjudice de réputation ». Anticipant la défense, il avoue pourtant : « je ne dirais pas que Drouot a été parfait, il y a eu des failles ».

Olivier Lange, directeur général de Drouot, régulièrement présent lors de l’audience, a rappelé à l’issue de la journée « qu’il n’y avait pas d’élément à charge par rapport à Drouot » et dénoncé les « amalgames permanents ». Très attentive aux échos dans la presse, la salle des ventes a d’ailleurs fait appel à une agence de communication spécialisée pour préparer et suivre le procès.

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Le Palais de Justice à Paris © Photo Nitot - 2005 - Licence CC BY-SA 3.0

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