Justice

Trois commissaires-priseurs à la barre du tribunal

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 31 mars 2016 - 742 mots

PARIS [31.03.16] - Dans l’affaire des « cols rouges » de Drouot, seuls quatre commissaires-priseurs ont été mis en cause sur la centaine qui exercent à Drouot. A l’issue des 3 semaines d’audience, le tribunal les a enfin appelés à la barre.

Il ressort de l’enquête préliminaire, et notamment des déclarations des commissionnaires et des employés des OVV que le « laxisme » de certains commissaires-priseurs aurait permis les dérives. En effet, en établissant des inventaires incomplets, ils auraient laissé aux cols rouges la possibilité de soustraire frauduleusement des objets inclus dans des successions, puis auraient ensuite facilité leur écoulement lors de ventes courantes en salle qu’ils organisaient.

Entendus à la barre, les commissaires-priseurs - mis en examen des chefs d’association de malfaiteurs en vue d’un ou plusieurs crimes, recel de vols en bande organisée - ont tenté de s’expliquer, niant régulièrement les faits ou revenant sur leur déclarations en garde à vue. Pour chacun d’eux, la présidente du tribunal, Sabine Faivre, a passé en revue les déclarations faites par le personnel des études, puis le déroulement des enlèvements, pour finir par le comportement en salle de vente des commissionnaires et des commissaires-priseurs.

Maître Claude Boisgirard
Aux allégations de son clerc relues par la présidente, qui prétend que « tout le monde était au courant de ce qu’il se passait, que les commissionnaires étaient toujours les derniers à partir des lieux d’enlèvement et que le clerc de l’étude pouvait s’y rendre seul lorsqu’il n’y avait pas de choses de valeur », Me Claude Boisgirard semblait s’agacer. « Mais c’est totalement faux, je ne suis pas du tout d’accord ». Sur les faits allégués de récupération ou de vol : « je ne m’occupais pas des ventes courantes. Personne ne me disait rien. Je n’ai jamais eu de plainte concernant un objet manquant ou un vol ». « Mais c’était vous le patron ? » lance la présidente. « Oui, mais je faisais confiance à mon équipe. Je déléguais beaucoup. Je cherchais surtout des affaires ». Il n’était pas non plus au courant de ce que sa fille, co-associée, allait régulièrement au bureau des transports ou voir le brigadier pour réclamer des lots manquants « qui réapparaissait comme par miracle ». « Comment se fait-il que toute votre équipe savait sauf vous ? », s’étonne le tribunal. Pas de réponse.

Maître Brissonneau
Me Brissonneau était également confronté aux déclarations de son personnel. Une ancienne collaboratrice interrogée a déclaré : « je n’ai pas été surprise de l’affaire, je me doutais que la marchandise des commissionnaires était d’origine douteuse. Tout cela était de notoriété publique à Drouot ». « Tout ceci, le saviez-vous ? », demande la présidente. « Mais cette personne a dit qu’elle n’avait jamais rien vu et a reconnu qu’il n’y avait pas eu de vol avéré à notre étude. Et puis, ses déclarations sont totalement faussées car elle maintient que les commissionnaires ne sont pas marchands or ils ont le statut de commerçant et peuvent acheter et vendre ». A la question « avez-vous démarché des commissionnaires pour qu’ils insèrent des lots dans vos ventes ? » Le prévenu concède que « par gentillesse, nous acceptions qu’ils mettent quelques lots dans nos ventes ».

Maître Choppin de Janvry
Entendu vendredi, Me Choppin de Janvry allait dans le même sens : « pourquoi si c’était des bricoles je les prenais dans ma vente ? Et bien pour rendre service ». Il affirmait également ne jamais avoir entendu le mot « récupération » et s’offusquait à l’idée de toute forme de laxisme qui aurait pu découler de ses inventaires : « comment peut-on imaginer que nous pouvions laisser des objets ? C’est un non-sens économique ».

Au cours de son audition, Me Brissonneau a souhaité apporter quelques précisions quant à la notion de débarras. « Celui-ci n’avait jamais lieu en même temps que l’enlèvement. Ce qui ne partait pas en vente et restait sur place faisait l’objet d’une négociation entre les héritiers. Ils pouvaient choisir entre l’UCHV et deux autres débarras. Il n’y avait pas de monopole ». Interrogé sur ce point, l’un des cols rouges précisait que sur certaines feuilles de voiture, il était indiqué « vider l’appartement ». « Oui, nous faisions aussi office de débarras ».

A la barre, Me Boisgirard, qui a la double casquette de commissaire-priseur judiciaire et gérant d’OVV, était questionné sur un autre aspect de l’affaire, l’utilisation d’un prête-nom en vue de la vente d’objets personnels ou abandonnés par ses clients à l’étude. Or, un commissaire-priseur n’est pas habilité à acheter ou à vendre directement pour son propre compte. « Cela est très gênant, Monsieur Boisgirard, vous êtes officier ministériel, vous vous devez d’être au-dessus de tout soupçon ! ».

Légende photo

Marteau et balance - Photo Succo - License CC0 Public Domain

Thématiques

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque