La Fonderie de Chevreuse en liquidation judiciaire

Par David Robert (Correspondant à Rio de Janeiro) · lejournaldesarts.fr

Le 9 février 2016 - 457 mots

PARIS [09.02.16] - En lutte pour sa survie deux ans, la fonderie de Chevreuse a été déclarée en liquidation jeudi dernier par le tribunal d’Ajaccio. La fonderie française perd un de ses cachets emblématiques.

A l’échelle de l’histoire de la fonderie créée par Claude Valsuani en 1898, les quatre années qui viennent de s’écouler ne devraient pas peser lourd. Pourtant, elles ont vu l’établissement passer de 38 à 5 salariés. Que s’est-il passé depuis janvier 2012, quand Leonardo Bounatian-Benatov (né en 1942), dit Benatov, « directeur artistique » de la fonderie de Chevreuse (ex-Airaindor-Valsuani), recevait des mains de Valérie Pécresse, alors ministre du Budget et Frédéric Lefebvre, ministre Chargé de l’Artisanat, le label « entreprise du patrimoine vivant » ?

Malgré Degas, Picasso, Bourdelle et d’autres au catalogue, quatre ans plus tard, les cinq employés restants ont reçu hier leur lettre de licenciement, envoyée par le liquidateur. Ce dernier, nommé par le tribunal de commerce d’Ajaccio (les propriétaires de la fonderie, qui en ont confié la gérance à Lilja Benatov, épouse du fondeur, l’ont domiciliée fiscalement en Corse), a indiqué au Journal des Arts envisager une « cession du fonds de commerce ». A Paris, une fois les restitutions opérées aux artistes et ayants droit, une vente dispersera les plâtres et les tirages appartenant à la fonderie.

Plusieurs raisons expliquent cette fermeture : d’abord, on n’ignore pas la santé globale du secteur. En écrivant récemment que la fonderie française meurt à petit feu, Le Journal des Arts rappelait les grands « cachets » passés en deux ans au tribunal de commerce : Landowski, Clementi, Delval. La faiblesse du marché fragilise les acteurs solides et met en faillite les entreprises déjà en difficulté, comme celle de Chevreuse, depuis la maladie qui affaiblit Benatov.

A cette conjoncture s’ajoute la gestion propre de l’entreprise. Lilja Benatov indiquait au Journal des Arts en octobre dernier que son mari faisait cruellement défaut, et qu’elle faisait tout pour « honorer les commandes en cours ».

Enfin, parmi les raisons du déclin français en la matière, on invoque aussi souvent un effet de génération, avec l’épuisement des fontes posthumes liées aux grandes successions. Dans le cas de Benatov (la succession Dali a par exemple cessé ses commandes en 2008), la question des fontes posthumes n’est pas qu’économique, elle est aussi juridique. En effet, les noms de Giacometti, Dali, Pompon, Rodin ou Degas sont autant de dossiers où les relations entre le fondeur et l’ayant droit ont été conflictuelles. Selon un long portrait publié par ArtNews en 2013, Benatov aurait plus que transigé avec la déontologie en multipliant les tirages posthumes – « reproductions » plus ou moins assumées selon les cas. Ce personnage haut en couleurs était devenu aussi connu pour son savoir-faire indéniable que pour les libertés qu’il s’arrogeait. Une liberté qui aura sans doute causé sa perte.

Légende photo

Auguste Rodin, Le Penseur, 1903, fonte Valsuani (Fonderie de Chevreuse), Mexico, musée Soumaya. © Photo Luisalvaz - 2014 - Licence CC BY-SA 4.0

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