Les prétendants pour exposer la collection Gurlitt se multiplient

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 20 avril 2015 - 661 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [20.04.15] - Alors que le Musée des beaux-arts de Berne n’est toujours pas entré en possession de l’héritage Gurlitt, la Staatsgalerie de Stuttgart et le directeur artistique de la Documenta 2017 ont exprimé leur souhait d’exposer la collection.

Stuttgart, Cassel ? Qui dévoilera en premier la collection Gurlitt en Allemagne ? Le Musée des beaux-arts de Berne devrait entrer en possession de l’héritage à la fin du mois d’avril, si la cousine de Cornelius Gurlitt, Uta Werner, ne fait pas appel de la décision du tribunal de Munich d’ici là. Le musée n’accueillera cependant que les œuvres libérées de tout soupçon d’avoir été spoliées par les nazis à des personnes privées.

Dans un entretien à l’hebdomadaire Focus, qui avait dévoilé l’affaire Gurlitt au grand public en novembre 2013, le directeur du Musée de Berne, Matthias Frehner, révèle qu’il n’y aura pas « d’aile Gurlitt » dédiée. Après une première rétrospective assortie d’un catalogue, les œuvres du trésor de Munich seront intégrées dans la collection permanente. Nul besoin d’agrandir le musée à cet effet : la collection Gurlitt comporte de nombreuses œuvres graphiques, trop fragiles pour être exposées en permanence.

Matthias Frehner révèle par ailleurs que la Staatsgalerie de Stuttgart s’est portée candidate pour exposer en premier la rétrospective en Allemagne. La directrice du musée de Stuttgart a confirmé cette information, tout en précisant que pour l’instant aucune date n’avait été fixée. Lorsque le Musée des beaux-arts de Berne a accepté l’héritage Gurlitt, il a signé un accord prévoyant que les œuvres d’art dit « dégénéré » de la collection seraient prêtées aux musées allemands qui en feraient la demande. Il s’agit des œuvres saisies dans les musées allemands en 1937 par les nazis. Les musées allemands n’ont aucun moyen légal de récupérer ces œuvres, puisque l’on considère en quelque sorte que l’Etat allemand s’était lui-même volé. La Staatsgalerie de Stuttgart avait été particulièrement touchée par les rafles nazies, puisque selon la base de donnée « Art dégénéré » de l’Université libre de Berlin, elle aurait perdu plus de 170 œuvres.

Le Directeur artistique de la prochaine Documenta, Adam Szymczyk, a par ailleurs également dévoilé son souhait de présenter la collection Gurlitt lors du grand rendez-vous d’art contemporain à Cassel. Dans un entretien au quotidien Süddeutsche Zeitung, il explique que la Documenta ne doit pas seulement exposer l’art contemporain, mais s’adresser aux débats contemporains de l’art. Or l’affaire Gurlitt a dominé les débats du monde de l’art depuis fin 2013. Adam Szymczyk ne souhaite pas réaliser une exposition sensationnaliste, précise-t-il : le public qui visite la Documenta est un public averti précise-t-il. Il a rencontré à cet effet Matthias Frehner, qui s’était montré intéressé par la proposition, mais cet intérêt n’a pas rencontré d’écho parmi le conseil de la fondation du musée de Berne. Adam Szymczyk souhaiterait par ailleurs exposer la collection dans son entièreté, y compris les œuvres spoliées par les nazis aux personnes privées, qui resteront en Allemagne jusqu’à ce que leur provenance soit élucidée. Il a également contacté la Ministre de la Culture Monika Grütters dès juin 2014. Celle-ci l’a renvoyé au tribunal de Munich en charge des successions. Le tribunal a précisé que les œuvres potentiellement spoliées ne pouvaient être exposées que dans le but que des ayants droit éventuels puissent se manifester. Selon Adam Szymczyk, quel meilleur endroit que la Documenta, qui accueille des centaines de milliers de visiteurs internationaux ? Il envisage également de demander en prêt les œuvres qui seront prochainement restituées à leurs propriétaires légitimes, tel que le Matisse Femme assise aux héritiers Rosenberg.

L’idée d’exposer la collection Gurlitt à la Documenta prend tout son sens si l’on revient aux sources de l’événement. En 1955, lors de la première Documenta, Arnold Bode avait convié à Cassel des artistes de l’école de Paris, qui n’avaient pu être exposés en Allemagne pendant la période nazie puisque leur art était considéré comme dégénéré. La prochaine Documenta se déroulera du 10 juin au 17 septembre 2017.

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Arnold Bode et Kurt Martin devant une oeuvre de Picasso lors du montage de documenta 1 au Musée Fridericianum en 1955 © Photo Gretli Henkel, © documenta Archiv| © ExLibris

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