La bataille continue autour du théâtre de Poitiers

Par Julie Paulais · lejournaldesarts.fr

Le 17 avril 2015 - 828 mots

POITIERS [17.04.15] – Le collectif de défense de l’ancien théâtre de Poitiers a annoncé qu’il allait faire appel de la décision du tribunal administratif concernant la vente du bâtiment à un promoteur, et d’attaquer le permis de construire validé par la mairie il y a quinze jours.

Les membres du collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ont annoncé le 15 avril leur décision de poursuivre leur action en justice. Depuis 2013, ils dénoncent les conditions de vente du théâtre, ainsi que le prix auquel les lieux ont été cédés, et souhaitent que le site demeure un lieu culturel. Le collectif va faire appel de la décision du tribunal administratif, prise le 29 mars, concernant la vente de l’édifice à un promoteur privé, Thierry Minsé. Il compte également attaquer le permis de construire validé il y a deux semaines par le maire, Alain Claeys. Fort d’une pétition de plus de 8 000 signatures, le collectif sera probablement soutenu dans son action par deux associations, dont la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF).

Le théâtre de Poitiers est l’œuvre de l’architecte parisien Edouard Lardillier, spécialisé dans la construction de salles de spectacle et notamment de cinéma. Construit selon le même principe inauguré par Auguste Perret au Théâtre des Champs-Élysées, ce théâtre est représentatif de deux courants architecturaux de la première moitié du XXe siècle, le style néo-classique et le style paquebot. Dans le grand hall, Robert Pansart a réalisé une paroi figurative de 90 m² en verre églomisé (technique de miroiterie utilisant des feuilles d’or et d’argent) représentant les différents arts de la scène, qui demeure le plus grand exemple de verre églomisé encore conservé en France.

Depuis l'ouverture du nouveau théâtre-auditorium (le TAP) en 2008, le bâtiment abritait un cinéma d'art et d'essai. Mais la ville de Poitiers a finalement ouvert un multiplexe d'art et essai de trois petites salles au sein du cinéma Le Castille, propriété du groupe CGR, et le théâtre d’Edouard Lardillier a fermé ses portes en décembre 2012.

Conçu par l'architecte François Pin, le projet a reçu l'aval de l'architecte des Bâtiments de France et de la commission locale du secteur sauvegardé. Il prévoit la réalisation d’un espace commercial de 850 m² sur deux niveaux, et de bureaux au 2e étage, la création d’un parking et d’un étage supplémentaire destiné à six logements en duplex, qui devra s'intégrer avec les toitures existantes de la place. La mairie reste propriétaire du hall et du niveau inférieur, qui va être réaménagé en salle d’arts visuels baptisée Le Miroir, et une demande de protection d’éléments patrimoniaux a été demandée à la DRAC. La paroi en verre églomisé de Robert Pansart sera conservée et restaurée. Le permis de construire prévoit en revanche plusieurs démolitions : les façades de l'ancienne salle rue du Plat d’Etain, la billetterie dans le hall, la sous-face des gradins de la salle de spectacle et le volume intérieur de la salle de spectacles, le cloisonnement intérieur dans les anciens bureaux de l'administration du théâtre et enfin la toiture de la salle.

Après avoir étudié le permis de construire avec l’aide d’architectes et confié le dossier à un avocat, le collectif met en lumière les contradictions du projet. « On a été obligés d'en arriver là, déplore Jacques Arfeuillère, porte-parole du collectif, dans La Nouvelle République car malheureusement il n'y a jamais eu de dialogue sur ce dossier ». Selon le collectif, la Ville a accordé le permis de construire au mépris du plan de sauvegarde et de mise en valeur de 2013. L'ancien théâtre y est classé en « monument remarquable », ce qui entraîne des restrictions sur les modifications possibles, non respectées par le permis en ce qui concerne les nouvelles ouvertures sur la façade arrière ou la préservation des niveaux intérieurs. Le collectif relève également des problèmes de sécurité, notamment le fait que l'entrée vers les commerces soit prévue sous le décor en verre églomisé : « Une glace sous laquelle on passe doit être armée et feuilletée. Or c'est du verre simple ». Leurs inquiétudes concernent également les coûts du diagnostic archéologique du niveau inférieur et de la remise en état de la place et de la rue du Plat d’Etain.

Lundi 13 avril, lors de la visite de Fleur Pellerin à Poitiers pour signer un pacte garantissant le budget de la culture jusqu’en 2017, cinq membres du collectif de défense du théâtre ont rencontré une conseillère de la ministre. Ils souhaitent que soit examiné le classement du théâtre à titre conservatoire. A la sortie, ils se montraient plutôt satisfaits de cet échange. Valérie Soumauille déclare dans La Nouvelle République : « la conseillère de Madame la ministre […] a été interpellée par les éléments que nous avons pu avancer notamment toute l'argumentation liée au permis de construire et à sa contradiction avec le plan de sauvegarde de 2013. Elle a reconnu l'intérêt de ce bâtiment classé comme patrimoine du XXe siècle ».

Légende photo

Vue de l'ancien théâtre municipal de Poitiers construit en 1954 après sa fermeture en décembre 2013 © Photo Danielclauzier - 2013 - Licence CC BY-SA 3.0 

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