La future exposition du British Museum réveille la colère des activistes aborigènes

Par Julie Paulais · lejournaldesarts.fr

Le 10 avril 2015 - 619 mots

LONDRES (ROYAUME-UNI) [10.04.15] – L’exposition qui doit se tenir au British Museum du 23 avril au 2 août 2015, intitulée « Indigenous Australia : Enduring Civilisation » suscite la colère des activistes aborigènes. Ils réclament la restitution d’artefacts acquis parfois dans la violence, et prévoient une action de protestation lors de l’ouverture de l’exposition.

La prochaine exposition du British Museum, « Indigenous Australia: Enduring Civilisation », qui doit ouvrir le 23 avril prochain, a rouvert le débat sur la restitution à l’Australie des artefacts aborigènes acquis durant la colonisation du pays. C’est ce que réclament depuis de nombreuses années des activistes aborigènes. Ces derniers ont annoncé qu’ils prévoyaient une action de protestation lors de l’ouverture de cette exposition à Londres.

Le British Museum possède actuellement une collection d’environ 6 000 artefacts aborigènes ou provenant des iles du détroit de Torres, ce qui en fait la collection la plus importante au monde en dehors de l’Australie. La plupart des objets ont été collectés au début de la période coloniale, entre 1770 et 1850, et la collection comprend aussi des photographies, des œuvres d’art et une riche correspondance détaillant les interactions entre collecteurs britanniques et aborigènes.

A l’annonce du lancement de cette exposition par le British Museum, diverses réactions se sont fait entendre, qu’un article paru dans The Guardian détaille. La majorité des aborigènes considèrent que ces objets leur reviennent de droit, certains ayant été volés dans des circonstances d’une extrême violence, et souhaitent qu’ils leur soient restitués pour être transmis au sein de leurs communautés. L’activiste aborigène Gary Foley a fait un parallèle entre la restitution des artefacts collectés en Australie et celle des marbres du Parthénon. Le contre-argument évoqué par le musée est que la collecte a permis la conservation d’artefacts qui sans cela auraient probablement été détruits.

Des réactions de protestations plus violentes sont également à craindre lors de la venue de l’exposition au National Museum of Australia de Canberra, au mois de novembre. En 2004, le British Museum avait prêté au Melbourne Museum (aujourd’hui Victoria Museum) de rares écorces peintes par la communauté aborigène Dja Dja Wurrung, vendues au musée dans les années 1850. Gary Murray, membre de cette communauté avait tenté de les récupérer en invoquant l’Acte fédéral sur le patrimoine culturel aborigène, en vain. Une loi datant de 2013 protège aujourd’hui les biens culturels prêtés à l’Australie, empêchant les tentatives de récupération de la part des aborigènes notamment.

Cette exposition sera la première d’envergure au Royaume-Uni à retracer l’histoire de l’Australie aborigène à travers ces artefacts, dont certains issus de la collection du British Museum qui n’ont jamais été présentés au public. Elle a été organisée avec la collaboration du National Museum of Australia de Canberra, et de membres de communautés aborigènes. Certaines œuvres présentées émanent d’ailleurs de commandes passées à des artistes aborigènes contemporains. D’importants prêts de musées australiens viennent compléter cet ensemble.

Gaye Sculthorpe, d’origine tasmanienne, conservatrice de la section océanienne et australienne du British Museum, est la commissaire de cette exposition. Son engagement a également suscité la controverse parmi les membres de la communauté aborigène. Dans un article paru dans The Guardian, elle explique que l’exposition est l’aboutissement de quatre années de recherches et de consultation avec les communautés aborigènes et des îles du détroit de Torres, et espère qu’elle sera une source d’enseignement pour les visiteurs. Le British Museum ne cherche pas à passer sous silence les violences perpétrées à l’encontre des autochtones, morts en nombre (les estimations varient entre 20 000 et 60 000 aborigènes tués) dans des affrontement avec les explorateurs, colons, soldats britanniques et la police jusqu'au dernier massacre de Coniston en 1928. Le catalogue de l’exposition est ainsi indispensable à la compréhension de l’histoire de cette collection.

Légende photo

Yumari 1981, Uta Uta Tjangala, acrylic paint on canvas conservée au National Museum of Australia © Photo National Museum of Australia 

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