La France veut marquer son attachement au patrimoine irakien

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 19 mars 2015 - 673 mots

PARIS [19.03.15] – En visite au Louvre hier mercredi, le président de la République a annoncé une série de mesures en faveur du patrimoine irakien. Présente également, Irina Bokova a dénoncé le nettoyage culturel opéré par l’Etat Islamique.

Le Louvre va envoyer une mission en Irak pour évaluer les dégâts causés au patrimoine par l’Etat islamique. C’est une des premières mesures annoncées le 18 mars 2015 par François Hollande dans l’enceinte du musée, aux côtés de son président, Jean-Luc Martinez, et de la directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova. Le Louvre va aussi ouvrir une coopération avec les musées irakiens, en vue d’une exposition sur l’héritage de la Mésopotamie, à Lens à l’automne 2016. La France s’engage aussi à soutenir la formation d’archéologues irakiens et conduire la numérisation des archives des fouilles françaises afin de « les mettre à la disposition de l’Irak ».

Le président a longuement visité l’aile mésopotamienne, avant de délivrer son discours. Tenue sous haute sécurité, cette annonce s’est ouverte dans une ambiance tendue, alors que l’attaque contre le musée du Bardo était toujours en cours à Tunis. Irina Bokova a parlé de « nettoyage culturel » pour qualifier les destructions opérées par Daesh, les assimilant ainsi à des crimes de guerre. Elle a demandé au procureur de la Cour pénale internationale « l’ouverture d’une enquête » permettant de « sanctionner les criminels ». Elle a appelé les Irakiens, ainsi que l’ensemble de la communauté arabe, à s’élever les premiers contre la destruction de leur héritage: « musulmans, chrétiens et autres, ils sont tous les enfants de la Mésopotamie, mère de notre civilisation ». Consciente de la nécessité de contrer la propagande anti-occidentale des islamistes, l’UNESCO a fait de l'engagement du monde arabo-musulman l'une de ses priorités.

La directrice générale a aussi rappelé que, suite à la résolution du 12 février du conseil de sécurité, le commerce de pièces archéologiques venues d’Irak et de Syrie devait être désormais interdit. L’UNESCO organise une réunion contre le trafic le 1er avril avec Interpol et l’Organisation mondiale des douanes. Il est question de mettre à jour une « liste rouge » d’objets pillés, mais la France n’a pas encore annoncé de mesures concrètes de contrôle, alors que les ventes d'antiquités syriennes et irakiennes ont fleuri à Paris ces dernières années. Par contraste, deux jours plus tôt, les Américains ont annoncé la restitution à l'Irak d’une soixantaine de pièces saisies sur leur territoire, dont une tête de taureau ailée.

A la sortie du Louvre, Fleur Pellerin a cependant assuré au Journal des Arts que son ministère comptait entamer des contacts avec les administrations concernées. La ministre de la Culture a été étonnamment discrète dans ce dossier, de même du reste qu'aux lendemains de l’attentat de Charlie Hebdo. La visite présidentielle au Louvre a ainsi été décidée après un appel passé directement à l’Elysée par des scientifiques, sur une initiative du professeur Francis Joannès. La France, a-t-il rappelé, conduit encore aujourd’hui six fouilles archéologiques en Irak, au Kurdistan, « dans des conditions extrêmement difficiles ».

Comme l'a souligné Jean-Luc Martinez, la France a une légitimité historique dans ce combat, puisque ce sont ses archéologues et diplomates qui ont mis au jour les sites assyriens au milieu du XIXe siècle. Cette culture a été montrée pour la première fois au monde en 1847 au Louvre, avant le British Museum et l’Art Institute de Chicago, qui partagent avec lui les plus belles collections. Visiblement ému, François Hollande a évoqué « la fierté » et « la douleur » ressenties devant ces statues qui sont les mêmes que celles dont la destruction a été filmée à Mossoul. « La France fera tout pour protéger les trésors culturels », a-t-il lancé.

C’est la première fois qu’un chef d’une grande puissance, laquelle préside en ce moment le Conseil de sécurité, prend une initiative symbolique aussi forte. Dans le débat né dans le monde scientifique et culturel, sur le risque de faire de la publicité aux attaques terroristes contre la culture, la France a choisi de parler haut et fort.

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Le Président François Hollande devant la statue de l'intendant Ebih-I lors de sa visite au Louvre pour soutenir le patrimoine irakien, le 18 mars 2015 © photo IAN LANGSDON / POOL / AFP

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