La mutilation d’une sculpture de Francesco Marino Di Teana fait débat à Montpellier

Par Chloé Redon · lejournaldesarts.fr

Le 11 mars 2015 - 649 mots

MONTPELLIER (LANGUEDOC-ROUSSILLON) [11.03.15] - Une sculpture monumentale réalisée par Francesco Marino Di Teana a été découpée. Alors que le fils de l’artiste (décédé en 2012) s’insurge, la région Languedoc-Roussillon invoque des raisons de sécurité.

La sculpture monumentale, Hommage à Laurent Le Magnifique, réalisée de 1967 à 1972 par Francesco Marino Di Teana a été découpée à l’initiative de la région Languedoc-Roussilon et sans l’accord de Nicolas Marino Di Teana, fils et ayant droit de l’artiste. Commandée par la collectivité locale dans le cadre du « 1% artistique », obligeant à consacrer un financement de 1% du coût de la construction d’un lycée à l’achat d’une oeuvre d’art spécialement dédiée, la sculpture de 17 mètres de haut avait été installée dans un établissement de Montpellier. Toutefois, aucune autorité publique n’a pallié à sa dégradation progressive, rappelant en cela l’affaire Carlos Cruz-Diez.

Nicolas Marino Di Teana et le Comité de sauvegarde de l’oeuvre de Marino Di Teana dénoncent aujourd’hui la « mutilation de cette sculpture ». Ils s’insurgent face à l’inertie de la région Languedoc-Roussillon qui, pourtant propriétaire d’Hommage à Laurent Le Magnifique, n’a pas remédié à sa rouille importante. Surtout, ils sont scandalisés par l’initiative prise par la région, sans l’accord de l’artiste et de son ayant-droit, de découper l’oeuvre au chalumeau. En l’absence d’une conservation satisfaisante ainsi que d’une réponse des autorités publiques aux demandes répétées de restauration, ils envisagent de saisir la justice.

A cet effet, Maitre Charlotte Beauvisage précise que le Code de la propriété intellectuelle « protège notamment le droit moral de l’auteur qui est personnel, perpétuel, inaliénable et imprescriptible. (…) Il en découle que le propriétaire d’une oeuvre d’art est tenu d’une obligation de conservation de cette oeuvre "en l’état" ».

Contactée par le Journal des Arts, la région Languedoc-Roussillon a révélé avoir été alarmée, en 2010, par le chef d’établissement du lycée « sur l'état de dégradation de l'oeuvre ». Elle avait alors « missionné un bureau de contrôle pour vérification de la tenue de la structure » qui avait conclu que « des éléments pouvaient tomber à tout moment ». Ce sont donc des raisons de sécurité qui ont conduit la région à procéder à la découpe de la sculpture monumentale. La collectivité territoriale soutient avoir « informé l’artiste par un courrier en date du 31 mars 2010, afin de lui faire part de sa volonté à examiner avec lui les actions à mener afin d'engager des travaux d'entretien et de reconstitution de cette oeuvre ». Selon elle, ce courrier n’a pas reçu de réponse. Elle s’engage, toutefois, « à étudier le coût de la mise en état de l’oeuvre et à examiner avec la famille de l'artiste les actions pouvant être menées ».

Les versions des protagonistes de cette affaire divergent donc et ce, au détriment de l’oeuvre de Francesco Marino Di Teana. Cet artiste, né en 1920 à Teana en Italie, a vécu en Argentine à partir de 16 ans. Après avoir obtenu un diplôme d’architecture ainsi que le premier prix de l’Ecole Supérieure des Beaux-arts Ernesto de la Carcova, il est rentré en Europe. En 1953, il s’est installé à Paris où Denise René lui a organisé plusieurs expositions personnelles ainsi que des tournées internationales avec Vasarely, Jesus-Rafael Soto, Francois Morellet… En 1962, il a gagné le premier prix du concours Saint Gobain. Son travail a fait l’objet d’une rétrospective en 1976 au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Il est décédé le 1er janvier 2012 en Essonne.

Francesco Marino Di Teana a développé une théorie « tri-unitaire » selon laquelle l’espace compte autant que la masse. Il est également l’auteur du concept de « sculptures architecturales » selon lequel les sculptures sont censées se transformer en architectures. Il est d’ailleurs célèbre pour ses oeuvres monumentales en acier. Située à Fontenay-sous-Bois, la sculpture Liberté est, du haut de ses 21 mètres, la plus grande sculpture en acier d’Europe.

Légende photos

Hommage à Laurent le Magnifique de l'artiste Marino di Teana dans la cour du lycée Jean Mermoz de Montpellier - © Photo Marino di Teana - 1972 © Archives de Marino di Teana

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