Un procès en or pour l’artiste urbain M. Chat

Par Éléonore Thery · lejournaldesarts.fr

Le 10 septembre 2014 - 755 mots

PARIS [10.09.14] - La plainte de la RATP à l’encontre de M. Chat offre un formidable coup de pub au street artiste et pose une nouvelle fois le débat de la dégradation des lieux publics.

Comment un dépôt de plainte s’est-il transformé en génial coup de pub ? Le street artist Thoma Vuille, alias M. Chat n’aurait pu bénéficier de meilleur plan marketing que l’affaire qui l’oppose à la RATP. L’histoire commence le 6 août alors que la police parisienne convoque Thoma Vuille. La RATP a porté plainte à son encontre pour des dégradations commises sur un mur provisoire dans les couloirs en travaux du métro Châtelet. De fait, le street artist y avait laissé sa patte en dessinant plusieurs de ses célèbres têtes de matou jaune au large sourire. La RATP lui réclame 1 800 euros de dommages et intérêts mais M. Chat ne l’entend pas de cette oreille et refuse de s’acquitter de la somme. Le voilà appelé à comparaître le 29 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris.

La mobilisation s’organise alors autour du street artist. Une pétition est lancée sur change.org et a recueilli à ce jour 16 000 signataires Dès la rentrée, d’inattendus soutiens politiques se font entendre. Jérôme Coumet et Christophe Girard, respectivement maire des 13ème et 4ème arrondissements de Paris se manifestent les premiers, suivis par Cécile Duflot, ex-ministre du logement et de l’égalité des territoires et Denis Baupin, député de la 10ème circonscription de Paris. Serge Grouard, député-maire d’Orléans leur emboîte le pas, mettant en avant la démarche artistique de M. Chat. « Thoma Vuille est dans une logique de création (…) C’est une figure emblématique de la scène artistique urbaine 'post-graffiti' » défend l’élu.

Le graffeur n’en est pas à son coup d’essai. Héritier de la ligne claire et cousin du chat d’Alice au pays des merveilles, son félin jaune et hilare est né sur les murs de la ville d’Orléans il y a une vingtaine d’années, avant de recouvrir ceux de Londres, Vienne ou New York ou d’alimenter diverses commandes publiques. En 2004, une version géante de son matou avait envahi la piazza du Centre Pompidou à l’occasion de la sortie du documentaire de Chris Marker, Chats perchés.

« Tout cela s’est transformé en grand buzz mais c’est né d’un sentiment louable de Thomas : il a considéré qu’il n’avait pas dégradé l’espace en question. Ses chats embellissent plutôt qu’ils ne dégradent » indique son galeriste Yann Berthéas. De son côté, Steve Viala, du service de presse de la RATP, explique : « Nous avons des procédures de signalement qui sont transmises à une cellule dédiée au sein de la police. Le dépôt de plainte est systématique sans prise en compte de la qualité. » Yann Berthéas rétorque : « Le système est comme ça, mais c’est justement bien que les artistes puissent questionner ce système ! ». L’amélioration de la propreté des espaces représente plus de 70 millions d’euros de dépense chaque année pour la RATP, tandis que la lutte contre les dégradations coûte quelque 20 millions d’euros. Et Steve Viala de rappeler opportunément : « la RATP mène depuis plusieurs années une politique active en matière artistique ».

Malgré la mobilisation, la régie ne semble pas près de changer son fusil d’épaule : « Nous maintenons notre position, il n’y a pas lieu de changer de posture » martèle le responsable adjoint du service de presse. Aussi, la polémique et l’important écho médiatique qui relancent le débat sur l’utilisation des espaces urbains et les contours du street art ne font que commencer. M. Chat et la galerie Berthéas Les Tournesols se frottent les mains devant cet opportun coup de projecteur : une exposition dédiée à M. Chat doit justement se tenir du 19 octobre au 9 novembre dans les espaces de la galerie. « C’est un total hasard, nous préparons l’expo depuis plus d’un an. Les street artists ont tous eu des soucis mais jamais avec un tel écho médiatique, nous sommes les premiers étonnés. Les 1 800 euros demandés sont démesurés pour un chat de 80 cm mais pas pour la pub qui lui est faite ! » s’amuse Yann Barthéas. Les œuvres de M. Chat sont actuellement vendues de 1 000 à 4 000 euros par sa galerie et l’une de ses sculptures a été cédée près de 20 000 euros par Artcurial en février dernier. Le tribunal correctionnel considérera-t-il pour autant que le graffiti incriminé est une œuvre d’art ? Réponse le 29 octobre.

Informations

Site de la galerie Berthéas Les Tournesols 

Légende photo

M. CHAT en cours de création - Paris 4ème - © Photo LoveBoat - 5 octobre 2012 - Licence CC BY-SA 3.0 

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