Cornelius Gurlitt est prêt à rendre certaines oeuvres

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 30 janvier 2014 - 802 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [30.01.14] - Cornelius Gurlitt accepte de négocier une solution équitable aux demandes de restitutions, a annoncé son avocat Hannes Hartung. Le nombre de biens spoliés potentiels issus de sa collection a été revu à la baisse. La ministre de la Culture annonce par ailleurs le doublement des fonds destinés à la recherche sur la provenance.

En novembre dernier, l’hebdomadaire Focus avait révélé la saisie spectaculaire de 1 406 œuvres, incluant des biens spoliés par les nazis, au domicile de Cornelius Gurlitt. Dans la seule interview qu’il avait accordé à la presse allemande, Cornelius Gurlitt avait affirmé ne vouloir rendre aucune œuvre de son plein gré. Il semble être revenu sur cette décision : « Il accepte d’examiner attentivement les demandes de restitution de biens spoliés, et de négocier une solution appropriée et équitable », a annoncé l’avocat de Cornelius Gurlitt, Hannes Hartung à l’agence de presse DPA. Les ayant droits peuvent-ils se réjouir de ce nouveau rebondissement ?

Christoph Edel, tuteur légal de Cornelius Gurlitt, nous a affirmé que la presse allemande avait réagi un peu rapidement et interprété très largement les propos de Hannes Hartung. Il ne s’agit pas de restituer des pans entiers de la collection. Chaque demande de restitution devra être examinée au cas par cas. Par ailleurs, les termes de « solution appropriée et équitable » n’impliquent pas automatiquement une restitution.

La presse allemande omet également le fait que Cornelius Gurlitt est toujours sous tutelle provisoire : actuellement rien ne peut donc être décidé sans le consentement de son tuteur légal. « En tant que tuteur légal, je dois consulter Cornelius Gurlitt pour toute décision importante et je dois prendre en compte ses souhaits, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas contraires à ses intérêts », précise Christoph Edel. C’est d’ailleurs lui qui a engagé l’avocat de Cornelius Gurlitt, Hannes Hartung, spécialisé dans la restitution de biens spoliés, ainsi que deux autres avocats qui traiteront les accusations de fraude fiscale et recel.

Quel est l’état de santé actuel de Cornelius Gurlitt ? Ni Christoph Edel ni le tribunal qui a placé Gurlitt sous tutelle ne souhaitent s’exprimer à ce sujet. Mais « la durée maximale de la tutelle provisoire [en Allemagne] est de six mois », nous a précisé Monika Andress, porte-parole du tribunal administratif de Munich. « Une décision devra donc être prise d’ici mai », conclut-t-elle.

La taskforce en charge d’examiner la provenance de la collection de Gurlitt a par ailleurs revu à la baisse le nombre d’œuvres de provenance suspecte, de 590 à 458 œuvres. L’intégralité de ces œuvres figure désormais sur le site www.lostart.de. La liste a été transmise à l’avocat de Cornelius Gurlitt. Hannes Hartung précise cependant que peu de demandes présentant des éléments concrets lui sont parvenues. La taskforce a également dévoilé la composition de son équipe, à laquelle participe notamment Thierry Bajou, conservateur en chef du patrimoine représentant le ministère français de la Culture. La taskforce examinera en priorité la provenance de ces 458 œuvres potentiellement spoliées par les nazis à des personnes privées. Une fois cette tâche accomplie, elle s’attaquera aux presque 400 œuvres de la collection Gurlitt relevant de l’art dégénéré, saisies dans les musées allemands en 1937-38.

L’avocat de Cornelius Gurlitt ne précise pas ce qu’il adviendra des demandes de restitution déposées par les musées. La loi de 1938 justifiant à postériori les rafles nazies dans les musées est toujours en vigueur, et ces demandes ont de ce fait peu de chance d’aboutir. La ville de Mannheim a toutefois demandé la restitution d’une œuvre de Kirchner. La Kunsthalle de Karlsruhe affirme que 43 des 149 œuvres saisies dans l’institution par les nazis au titre de l’art dégénéré sont passées entre les mains d’Hildebrand Gurlitt, le père de Cornelius. Ne sachant pas si ces œuvres figurent dans le trésor de Munich, la Kunsthalle n’envisage pas à l’heure actuelle de déposer de demande de restitution.

Face aux remous dans le monde entier provoqués par l’affaire Gurlitt, Monika Grütters, la nouvelle ministre allemande de la Culture, a annoncé que le budget destiné à la recherche sur la provenance doublerait en 2015. « A l’avenir, les musées allemands ne seront pas jugés seulement sur leur politique d’exposition et d’acquisition, mais également sur la manière dont ils traitent leur histoire et leur collection », a-t-elle précisé dans une déclaration gouvernementale. Elle ajoute que beaucoup a déjà été fait en la matière : la provenance de 90 000 artefacts dans 67 musées a déjà été vérifiée, et 12 200 d’entre eux ont été restitués. Elle affirme également que ce travail de recherche ne peut se faire sans la collaboration des Länder. A cet effet, elle propose de mettre en place deux réunions par an entre la fédération et les représentants des Länder. La première aura lieu à Berlin en mars prochain.

Légende photo

Une des oeuvres découvertes chez Cornelius Gurlitt : Franz Marc - Pferde in Landschaft (Chevaux dans un paysage) - Circa 1911 - - source Wikimedia

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