São Paulo s’offre une biennale pour réfléchir à son avenir

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Le 30 octobre 2013 - 724 mots

SAO PAULO (BRESIL) [30.10.13] - São Paulo déroule pendant 8 semaines sa dixième biennale d’architecture. Le thème banal - « la ville : comment fabriquer, comment être usager », est néanmoins prétexte à l’exposition de réflexions intéressantes.

São Paulo alterne à la vénitienne architecture et art contemporain. La biennale d’architecture, plus jeune et moins reconnue à l’international que son pendant plasticien, fête en 2013 sa dixième édition. Parler d’architecture et d’urbanisme à São Paulo est pertinent, tant la tentaculaire métropole brésilienne est célèbre pour sa pollution, sa violence et son anarchie aussi verticale qu’horizontale, faite de skylines morcelées et d’infinies favelas. De fait, la ville se façonne peu à peu une légitimité dans la discipline, par son œil forcément critique et par la créativité qu’imposent des situations d’une extrême complexité. La capitale intellectuelle et économique du Brésil n’a pas le patrimoine naturel ni architectural de ses iconiques voisines (Rio et Brasilia), mais semble mieux armée pour gérer les défis imposés par l’exode rural massif des dernières décennies.

En 2011, la biennale fut délogée du pavillon d’Oscar Niemeyer. Ce divorce permet aujourd’hui à la manifestation d’habiter des lieux variés du grand centre de São Paulo ; architectures modernistes ou contemporaines, expositions de plein air ou appartements transformés. La dynamique créée dans la ville et la diversité des approches, en résonnance avec les lieux concernés, sied davantage à une biennale de cette ambition. Ainsi, le parc écologique Vitor Civica, construit sur le sol dévasté de l’ancien incinérateur de Pinheiros, propose une réflexion sur la gestion de l’eau dans les métropoles : « comment fluidifier » ? Des études venant d’Israël (sur l’expansion urbaine dans le désert du Neguev) et de Mexico (ancienne cité lacustre) sont proposées en regard des projets de São Paulo pour revitaliser son réseau fluvial. Le Rio Tietê, qui baigne la ville, est dramatiquement pollué et fait l’objet du programme de dépollution le mieux doté du pays.

Au CESC Pompeia, forum mondialement reconnu pour la qualité de sa programmation et l’intégration des publics, l’exposition porte logiquement sur le thème « comment collaborer ? ». On y trouve une multitude de projets participatifs - « acupuncture urbaine », « walking gallery », « comment remuer votre ville » - venus du monde entier et adaptés ici. Le centre historique de la ville, quartier populaire peu rénové, propose quelques plongées dans les problématiques micro-urbaines des classes moyennes. Un appartement dont les fenêtres donnent littéralement – à deux mètres - sur un viaduc automobile très fréquenté, le Minhocao, abrite une association qui milite pour la transformation dudit viaduc en promenade, sur le modèle de la high-line qui traverse le west side new-yorkais.

Le cœur de la biennale se trouve dans le Centre Culturel São Paulo, plus au sud. Cette construction postmoderniste aux agréables jardins suspendus fut conçue sur le modèle pluridisciplinaire du Centre Pompidou et inaugurée en 1982. On y trouve exposés et illustrés, parfois sans l’analyse qu’ils mériteraient, tous les modes de développement urbains paroxystiques recensés depuis l’après-guerre. Il y a les projets pensés dans leur globalité, comme les cités à la Française, illustrées par les photographies de la série « le grand ensemble » de Mathieu Pernot, ou les villages verticaux de Shenzen (photographies de Michael Wolf, architecture of density).

Il y a, à l’inverse, les stigmates de l’expansion non maîtrisée : ce sont les lotissements nord-américains à perte de vue (photographies de Jorge Taboada, alta densidad) ou, évidemment, les favelas, thème central de la biennale et questionnement existentiel majeur du Brésil. En parallèle des nombreuses expériences locales de normalisation de ce territoire urbain de non droit, c’est l’exemple de Medellin en Colombie qui sert de référence étrangère. A noter que le sous-continent indien et l’Afrique, notoirement absents des débats, auraient pu enrichir le propos, notamment dans une salle où se trouve isolé un zoom passionnant sur le nord-est du Brésil. Des documentaristes y questionnent l’urbanisme à la hâte imposé par la politique énergétique et industrielle des années 2000 à un territoire historiquement rural.

Malgré un léger travers contemplatif qui dessert la clarté de la pensée urbanistique, la biennale de São Paulo réussit son pari tant sur la forme (une richesse intelligemment dispersée) que sur le fond : la réflexion architecturale est ancrée dans son territoire et les expériences des grandes mégalopoles mondiales parviennent à enrichir le travail élaboré par et sur São Paulo.

Légende photo

Maquette du centre de São Paulo avec la coexistence de favelas proches des quartiers d'affaires.

Maquette de la gigantesque favela de la Maré à Rio de Janeiro. Le public est invité, en manipulant les éléments, à imaginer des formes alternatives de constructions à partir des existantes.

Photos David Robert

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