Justice

Condamnation record contre Artprice pour contrefaçon

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 9 juillet 2013 - 702 mots

PARIS [09.07.13] - La cour d’appel de Paris vient de condamner Artprice à payer près de 900 000 euros à la maison de ventes Camard et au photographe de ses catalogues, qu’Artprice a numérisés et mis en ligne. Pour la cour, les catalogues de ventes sont aussi des œuvres intellectuelles en soi.

Le 26 juin 2013, dans un litige qui oppose le photographe Stéphane Briolant et la maison de ventes Camard à Artprice, la cour d'appel de Paris a reconnu pour la première fois une protection des catalogues de ventes par le biais du droit d'auteur sur le fondement de l'article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle et, de manière plus étonnante, une protection des photographies des œuvres mises aux enchères.

Selon la cour, certains catalogues de Camard & Associés, numérisés par Artprice, revêtent une originalité qui se manifeste « dans leur composition, la mise en œuvre des lots présentés selon un certain ordre et de façon méthodique, dans le choix des citations, des notices biographiques et leur rédaction, présentant une physionomie propre qui les distingue des autres catalogues de ventes aux enchères et qui traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur ».

Dès lors, une simple reproduction, même partielle, s'avère contrefaisante, puisque non autorisée. Par ailleurs, la cour retient au profit de la maison de ventes un préjudice moral « résultant de la vulgarisation et de la banalisation des catalogues (...) du fait de leur mise en ligne sur Internet ». Un raisonnement similaire est appliqué pour la marque, ces deux chefs de préjudice aboutissant à l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de 240 000 euros.

Thierry Ehrmann, président de Artprice.com, est naturellement d’un avis opposé : « le catalogue de vente aux enchères n’est qu’un document informatif et non original, donc non créateur de droit d’auteur, au regard du décret Marcus du 3 mars 1981 modifié par le décret du 19 juillet 2001. De plus, l'opérateur a choisi délibérément d’en soumettre la vente au taux normal de TVA, au lieu du taux réduit s’appliquant aux ouvrages transcrivant une œuvre de l’esprit, malgré le surcoût que cela engendre pour ses clients ».

La cour a également infirmé le jugement de première instance qui avait rejeté l'ensemble des prétentions du photographe des catalogues, Stéphane Briolant et rappelle que pour bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur celles-ci doivent « être une création intellectuelle propre à (leur) auteur, reflétant sa personnalité par ses choix dans la pose du sujet et son environnement, l'angle de prise de vue, le jeu des ombres et de la lumière, le cadrage et l'instant convenable de la prise de vue ». En l'espèce, de nombreuses photographies, notamment de meubles et d'accessoires de la maison de ventes, ont fait « l'objet de choix esthétiques arbitraires, les objets n'étant pas uniquement photographiés platement de face mais de biais ou à distance ». Ainsi, les reproductions de tableaux semblent a priori exclues du champ de la protection du droit d'auteur.

Thierry Ehrmann a alors beau jeu de souligner que sa base de données ne répertorie que le fine art (tableaux, dessins, ..) excluant ainsi toute reproduction de meubles et que sa société est un des premiers contributeurs de l’ADAGP au titre de la reproduction des œuvres originales incluses sur le site.

Le préjudice tant économique que moral retenu et chiffré à près de 550 000 euros, résultant de la contrefaçon des œuvres du photographe, paraît, si ce n'est déraisonnable au regard des critères d'appréciation retenus, fort étonnant.

Thierry Ehrmann semble décidé à en découdre et indique que « la décision de la cour d'appel est regrettable et confuse. Cette affaire relève davantage du droit pénal et de manière subsidiaire du droit d'auteur ». Il nous a signalé que dès les premiers jours suivant l'assignation, une plainte pour escroquerie au jugement, faux et usage de faux était déposée et pourrait désormais prospérer, la présente décision étant assortie de l'exécution provisoire. Artprice s’est d’ores et déjà pourvue en cassation, estimant qu’il serait « inimaginable que la Cour de cassation remette en cause près de cent ans de jurisprudence ».

Affaire à suivre, tant dans les prétoires que dans les pratiques futures des opérateurs de ventes.

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