Gros & Delettrez suspendu, vive Delettrez Auction

Par Éléonore Thery · lejournaldesarts.fr

Le 27 juin 2013 - 717 mots

PARIS [27.06.13] – Gros & Delettrez suspendu pendant 15 jours, que faire des ventes qui devaient avoir lieu durant cette période ? Demander au fils Delettrez de les organiser était l’option idéale. C’était sans compter sur le Conseil des Ventes et le nouveau commissaire du gouvernement.

Dans la famille Delettrez, je demande le fils : un jeune commissaire-priseur diplômé depuis quelques mois qui organise jeudi 27 juin une vente de montres à Drouot sous le nom de sa société créée début juin, Delettrez Auction. Le catalogue est fourni, plus de 300 lots et les deux lots phares de la vacation ne sont pas des moindres, une Bell and Ross et une Vacheron Constantin estimées chacune entre 55 000 et 65 000 euros.

L’air de famille entre les sociétés Gros & Delettrez et Delettrez Auction ne s’arrête pas au lien de paternité qui unit Georges, fondateur de la première et Charles Edouard, créateur de la seconde : les deux entités partagent le même siège social, le même numéro de téléphone et le même mail destiné aux acheteurs, le même expert et les mêmes coordonnées bancaires. Les sociétés auraient pu partager les mêmes ventes si le Conseil des Ventes n’en avait pas décidé autrement. Petit retour en arrière pour éclairer l’histoire.

Le 6 juin dernier, l’Opérateur de Ventes Volontaires Gros & Delettrez est suspendu pour 15 jours par le Conseil des Ventes, alors qu’Henri Gros, son co-fondateur, se voit privé de marteau pendant deux mois. Le commissaire-priseur avait en effet accepté un paiement en liquide de 200 000 euros de la part d’un client chinois, en règlement d’un objet acquis lors de la vente Paul Louis Weiller en avril 2011. Or le paiement en espèces est limité à 15 000 euros pour les clients qui ne sont pas domiciliés fiscaux en France.

Que faire alors des ventes orientalistes programmées les 17, 18 et 20 juin chez Gros & Delettrez, pendant sa période de suspension ? C’est là que le fils Delettrez, qui a fait ses armes chez son père en tant que stagiaire commissaire-priseur, pourrait opportunément intervenir. Le 5 juin, jour précédent la suspension, Charles Edouard Delettrez dépose les statuts de sa société Delettrez Auction et entend reprendre les ventes en question sous l’égide de sa propre entité.

Aucune malice pourtant dans cette étonnante concordance de dates. Interrogé sur ce sujet, Charles Edouard Delettrez explique : « Cela fait un moment que je souhaite lancer ma société, et grâce à une succession reçue fin mai, j’ai eu l’opportunité d’en constituer le capital social, et j’ai commencé les démarches dès le 1er juin ». Le jeune commissaire-priseur confirme bien avoir voulu reprendre les ventes de Gros & Delettrez à son compte mais ne pensait pas à mal. « Il n’y a pas de cadre législatif sur le sujet, nous nous sommes référés à l’affaire Aguttes » justifie-t-il. Et en effet, lorsque Claude Aguttes avait été suspendu deux mois par le Conseil des Ventes en juillet 2012, le relais des ventes prévues au Majestic à Cannes en août avait été transmis sans difficulté à son fils.

Pourtant, dans le cas Delettrez, le Conseil des Ventes en a décidé autrement, sur saisine d’Eliane Houlette, nouveau commissaire du gouvernement, en fonction depuis septembre dernier : les ventes orientalistes prévues chez Gros & Delettrez sont tout bonnement annulées. La base légale invoquée est la non maîtrise de la vente, en référence aux articles 1 et suivants du recueil des obligations déontologiques publié en 2012 par le Conseil des Ventes et à l’article L121-4 du Code de Commerce.

Charles Edouard Delettrez ne compte pourtant pas baisser les bras : sa première vente d’un bel ensemble de bijoux a récolté 650 000 euros frais compris le mardi 25 juin. Et la vente de montres, initialement programmée lundi 24 juin, et déplacée au jeudi 27, est prometteuse. Le commissaire-priseur insiste : « On ne monte pas une société avec tous les frais et toutes les démarches administratives que cela comporte, seulement pour trois ventes ! ». Il promet un programme éclectique, en fonction des inventaires effectués, et ce, dès la réouverture de Drouot en octobre prochain.

Avis aux prochains fils de qui s’aviseraient de reprendre les ventes de leur père en période de suspension : le nouveau commissaire du gouvernement semble bouder le jeu des 7 familles.

Légendes photos

AUDEMARS FRERES - N°67002 vers 1880 - Estimation 800 / 1 000 €
BELL & ROSS - BR01 TOURBILLON vers 2010 - Estimation 55 000 / 65 0000 €
Photos Delettrez Auction

Vente jeudi 27 juin 2013 à 14h00 - Douot Richelieu - Delettrez Auction

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