Les frontières entre le septième art et les beaux-arts s’estompent au festival du film de Berlin

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 21 février 2013 - 733 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [21.02.13] – Lors du dernier festival du film de Berlin, Marina Abramovic avait volé la vedette à Angelina Jolie. Cette année ne fait pas exception, et l’art était très présent dans la 63e édition de la Berlinale.

S’il fallait établir une liste d’artistes qui brouillent les frontières entre septième art et beaux-arts, l’iranienne Shirin Neshat ferait certainement partie du peloton de tête. Elle était membre du jury de la Berlinale présidé cette année par Wong Kar Wai. Abondamment interrogée sur son pays d’origine, l’Iran, elle a précisé qu’elle ne jugerait le film iranien en compétition, qui a obtenu un ours d’argent pour son scénario, qu’en fonction de critères esthétiques et artistiques, et non pour courage politique.

Interdite de séjour en Iran, elle s’intéresse davantage à son pays d’accueil, l’Egypte, où une formidable communauté de jeunes artistes, cinéastes et musiciens est en train d’émerger. « J’ai le sentiment que les périodes difficiles, les révolutions amènent de grandes histoires à raconter. Nous avons besoin d’artistes qui soient les porte-paroles de leur culture », a affirmé Shirin Neshat.

Parmi les films en compétition cette année figurait Camille Claudel 1915, film de Bruno Dumont qui zoome sur une des premières années de réclusion de la sculptrice dans un asile psychiatrique. Le réalisateur, qui a écrit le rôle sur mesure pour Juliette Binoche, a déclaré : « Je me suis souvenu qu’outre être actrice, Juliette était également peintre et naturellement j’ai trouvé beaucoup d’équivalences entre Camille Claudel et Juliette Binoche». Ajoutant que la sculptrice était très connue de son vivant, il déclare également : « j’ai voulu que la célébrité de Juliette Binoche serve la célébrité de Camille Claudel ». Il a souhaité filmer le « rapport entre l’art et la folie ».

Entre documentaire et fiction, le film Shirley – Visions of Reality, est un film qui imagine la vie d’une femme des années 1930 à 1950, à travers quinze tableaux de Hopper, artiste décidément à la mode. Autre artiste consacré pendant la Berlinale, la vie du brésilien Helio Oiticica est retracée dans un documentaire grâce à de remarquables archives vocales, depuis ses séjours dans la rue jusqu’à l’exposition au MOMA qui fit scandale.

Juliette Binoche n’est pas la seule actrice à expérimenter d’autres formes d’art. Isabella Rossellini avait présenté une installation au Musée royal de Toronto en marge de la projection de ses Green Porno. Elle récidive à la Berlinale avec une performance qui accompagnait la projection de Mamma, une série de court-métrages sur la notion d’instinct maternel, diffusée en parallèle sur Arte.

Loin des superproductions hollywoodiennes, une section spécifique, Forum expanded, créée en 2006, présente les films les plus expérimentaux, à la frontière de l’art contemporain. C’est souvent là qu’on fait le plus de découvertes. Cette année étaient présentées notamment deux œuvres françaises, dont Déjeuner avec Gertrude Stein d’Isabelle Prim. Le court métrage Dragooned, réalisé par Sandy Amerio avec le concours de l'Ecole Supérieure des beaux-arts de Nantes, interroge l’idée d’identité française en brouillant les rapports entre réalité et fiction.

On mesure les contrastes de la vie berlinoise à l’aune de cette Berlinale. Loin du glamour du tapis rouge, qui accueillait entre autre cette année Matt Damon, Jude Law, et Catherine Deneuve, l’exposition d’art organisée dans le cadre de Forum Expanded avait pour cadre … un ancien crématorium. Les artistes Lucien Castaing-Taylor et Véréna Paravel jouent sur ce symbole, en projetant des images arrêtées de leur documentaire Leviathan dans les alvéoles qui contenaient les urnes mortuaires. Les images projetées, dans lesquelles la mer et le ciel ne font qu’un, diffusent des images fantomatiques.

Le thème de l’exposition était dédié à la mécanique quantique, thème érigé en art depuis la dernière Documenta. De la molécule à l’atome, il n’y a qu’un pas, qui est franchi par les artistes Nina Fischer et Maroen el Sani qui traitent dans leurs installations vidéo du thème de Fukushima.

Enfin, les galeries d’art se sont également mises à l’heure de la Berlinale. La galerie Peres Projects présente la deuxième exposition de l’acteur James Franco à Berlin, Gay Town, qui s’interroge sur sa célébrité et sur sa sexualité, à travers des peintures, tapisseries ou bien encore des installations vidéos clairement inspirées de l’artiste Douglas Gordon. La galerie Xavier Laboulbenne présente quant à elle la première exposition de Steve McQueen à Berlin, préfigurant la plus grande exposition à ce jour de l’artiste britannique à la Schaulager de Bâle en mars prochain.

légende photo

Affiche du film de Gustav Deutsch Shirley - Visions of reality (2013)

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